Les luttes contre l’industrialisation de la forêt s’organisent

La commission alternative du collectif Touche pas à ma forêt en tête de cortège à la manifestation du 29 mai 2021, à Lannemezan. - © Alain Pitton/Reporterre
La commission alternative du collectif Touche pas à ma forêt en tête de cortège à la manifestation du 29 mai 2021, à Lannemezan. - © Alain Pitton/Reporterre
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ForêtsPlus de quarante organisations participent à la Rencontre nationale des luttes forestières dans les Hautes-Pyrénées. L’enjeu : s’organiser pour lutter contre l’industrialisation des forêts.
Nestier (Hautes-Pyrénées), reportage
Renforcer les luttes forestières, le programme est vaste, tout comme l’éventail des organisations présentes du 10 au 13 mars à Nestier, dans les Hautes-Pyrénées. Représentants de collectifs locaux ou d’associations nationales, de syndicats de forestiers ou d’anciens zadistes réunis en association, plus de 130 personnes se sont données rendez-vous dans les Pyrénées, territoire traversé récemment par la lutte du collectif Touche pas à ma forêt. Ce collectif s’est constitué en 2020 contre l’implantation d’une mégascierie portée par la firme multinationale Florian. L’objectif est de coordonner des luttes dispersées dans tout le territoire hexagonal, mais qui font face aux mêmes logiques.
Pour Mathilde Gelamur, porte-parole de Touche pas à ma forêt, il s’agit « d’échanger, d’acquérir une culture commune et de partager des expériences. On cherche à se rencontrer afin de voir comment on peut lutter contre l’industrialisation à outrance des forêts ». Ces rencontres font suite à l’organisation en octobre 2021 d’actions un peu partout en France, et visent à mettre en œuvre d’autres actions, plus regroupées, dans un avenir proche. En se coordonnant, « on élargit nos ambitions et nos possibilités », ajoute Mathilde.
« Des dynamiques communes »
Car le constat est souvent le même, depuis les forêts du Morvan, régulièrement attaquées par des coupes rases, aux Pyrénées, qui font face à un géant du bois, Florian, qui a pour ambition de prélever les hêtres du massif. La filière bois est entrée depuis des années dans une logique industrielle.
Nicholas Bell, l’un des cofondateurs du Réseau pour les alternatives forestières (RAF), voit en ce mouvement collectif une force : « Il y a des groupes qui se mettent en place depuis quelques années et qui sont souvent très localisés. Or beaucoup des problèmes que l’on rencontre viennent en réalité des politiques nationales. »

L’association Canopée s’est penchée sur le plan de relance de renouvellement des forêts lancé en 2020 par le gouvernement et produira un rapport pour « montrer que cet argent a été utilisé massivement pour produire de la monoculture de Douglas », dit Sylvain Angerand, coordinateur des campagnes de l’association. Selon lui, « la filière bois ne comprend pas ce qui se passe et refuse de discuter avec nous. Le cœur du problème est qu’une minorité au sein de la filière a des pratiques néfastes ».
Marie-Anne fait partie de l’association Adret Morvan, qui s’est constituée en 2012 contre un projet qui menaçait l’ensemble de la forêt du parc naturel. Ils ont remporté cette lutte, mais continuent de s’opposer régulièrement à des coupes. Venue d’un territoire depuis longtemps touché par l’industrialisation, elle croit qu’il faut « ruraliser les luttes ». Régis Lindeperg, membre de la même association, note une évolution favorable : « Il y a quinze ans, un citoyen français pensait qu’il n’y avait aucun problème en France avec les forêts. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas, du moins pour ceux qui s’intéressent à l’écologie. Plein de groupes sont nés de partout, maintenant il faut mettre en place des dynamiques communes. »

Créer des ponts
Des dynamiques qui ont vocation à déborder au-delà des seules organisations de lutte forestière, selon les participants. C’est aussi l’une des volontés affichées de ces quelques jours de rencontres : créer des ponts avec d’autres combats. « Au sein du mouvement climat, on s’est tourné vers les luttes locales, dit Léna Lazare, membre de Youth for Climate, qui a fait le déplacement pour Terre de luttes. Il y a un intérêt stratégique, car on a l’impression que nos actions coups-de-poing remportent moins de victoires que les luttes locales. Il y a là une démarche d’écologie populaire. »
Renouer avec le terrain, en l’occurrence les espaces forestiers, c’est, explique-t-elle, « comprendre que l’écologie est aussi un rapport sensible aux choses et aux lieux ». La date n’a d’ailleurs pas été choisie au hasard, elle coïncide avec la marche climat du 12 mars. Une invitation implicite à sortir le mouvement climat de l’asphalte des villes pour venir arpenter les chemins creux des territoires.