« Les petits pas ne suffiront pas » : au Pays basque, Bizi interpelle les candidats

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Politique Municipales« Ce n’est plus une transition mais une métamorphose qu’il faut », dit un bénévole de Bizi ! L’association altermondialiste a organisé une marche afin de promouvoir auprès des candidats aux élections municipales un pacte de métamorphose écologique pour le Pays basque.
- Bayonne (Pyrénées-Atlantiques), reportage
Sous le leitmotiv « Les petits pas ne suffiront pas », des bénévoles de Bizi ! auront parcouru 120 kilomètres à pied entre Mauléon et Bayonne durant une semaine. Du lundi 2 à aujourd’hui samedi 7 mars et malgré la tempête Myriam qui s’est invitée, les militants ont marché tous les jours pour mettre en avant le pacte de métamorphose écologique du territoire.
Objectif : faire pression sur les candidats aux municipales des 158 communes basques de ce côté-ci de la frontière. Chaque soir une table-ronde est organisée dans la commune où ils font halte autour de l’un des sept volets du Pacte : agir pour l’agriculture bio et locale, pour la réduction des déchets, pour un territoire 100 % énergies renouvelables, etc. Anthony Lubrano, militant dans l’association et membre du comité Hitza Hitz (« une parole est une parole » en basque) reprend les chiffres des experts : « D’après les rapports du Giec, entre 50 et 70 % des solutions pour limiter le réchauffement sont à l’échelle locale, c’est une échelle pertinente pour construire des solutions. C’est aussi une échelle plus à la portée des citoyens, sur laquelle il est plus simple de faire pression. »
« Nous avons installé deux petites centrales photovoltaïques, une sur l’Église et une sur la crèche »
Aux municipales de 2014, Bizi ! avait déjà interpellé les candidats et proposé de s’engager sur des actions d’une « boite à outils » qui comprenait 53 actions réparties en treize thématiques, réalisée par le Réseau action climat. Trente listes finalement élues avaient pris des engagements sur une ou plusieurs propositions à la carte. Le comité Hitza Hitz a suivi ensuite pendant les six ans de mandat le respect par les mairies de leurs engagements. La commune d’Ostabat-Asme, 200 habitants, fait partie des bons élèves. Son maire abertzale (« patriote » en basque) depuis 2008, Daniel Olçomendy, détaille : « Nous avons beaucoup travaillé sur l’énergie, en changeant le matériel d’éclairage public pour qu’il soit moins consommateur, en rénovant le bâtiment de la mairie et en y installant une chaudière bois. Nous avons aussi installé deux petites centrales photovoltaïques, une sur l’Église et une sur la crèche. » Toute la restauration à la mairie est également passée en circuits courts. À l’inverse, la ville d’Anglet, qui compte près de 40.000 habitants fait partie des lanternes rouges : six actions que Claude Olive (LR) s’était engagé à mener n’ont pas même démarré sous son mandat.

Pour Anthony Lubrano, le constat est sans appel : « Globalement, on n’est pas du tout à la hauteur des enjeux. » Dans la synthèse finale, le comité Hitza Hitz a fait les calculs : « En moyenne, les communes ont pris 12,7 engagements sur 53 et ont réalisé 43 % de leurs engagements. C’est donc au total autour de 10 % des actions de la boîte à outils, qui constituait un programme ambitieux mais réaliste, qui auront été mises en place en six ans dans ces communes : c’est largement insuffisant ! Et ce, d’autant plus que 128 communes représentant 25 % de la population du Pays basque nord n’ont pas signé le pacte. »
Depuis trois ans, les 158 communes se sont regroupées dans une seule agglomération, la Communauté d’agglomération Pays basque (CAPB). Les élections municipales des 15 et 22 mars prochain détermineront la composition du conseil communautaire. Daniel Olçomendy, maire d’Ostabat voit dans l’arrivée de la CAPB une avancée : « Au niveau d’une petite commune comme la mienne, nous menons une politique des petits pas, car c’est notre échelle qui nous l’impose. La CAPB nous permet d’avoir une ambition supplémentaire. L’expertise tant en ingénierie qu’en recherche de financements qu’elle nous apporte ouvre le champ des possibles. » La mobilité avait ainsi été d’office écartée des sujets sur lesquels Ostabat aurait pu avancer. « Désormais, on réaborde la question. »
« Ce n’est plus une transition mais une métamorphose qu’il faut »
Anthony Lubrano estime que le contexte a changé depuis 2014 : « Il y a aujourd’hui une plus grande prise de conscience, mais aussi une urgence plus présente. La transition, c’était possible de l’enclencher il y a six ans. Désormais, il est trop tard. Ce n’est plus une transition mais une métamorphose qu’il faut. » La stratégie en vue des municipales n’est donc plus la même : les candidats ne choisissent plus leur menu à la carte. Les listes signataires du Pacte proposé par Bizi ! s’engagent sur l’ensemble des sept critères fléchés. Avec un point noir sur le territoire basque : celui de la mobilité. « On n’en est même pas au stade du manque de volonté politique sur cette question, on en est au non-respect de la loi », s’insurge Anthony Lubrano, alors que le transport est le premier émetteur de gaz à effet de serre sur la côte basque.

Un bus électrique avec des portions en site propre, nommé Tram’bus, est entré en service en septembre 2019 pour relier les trois villes principales de la côte basque, Bayonne, Anglet et Biarritz, désignées sous l’acronyme BAB. Marion Pichery, coordinatrice du groupe Alternative au tout voiture au sein de l’association, pointe : « Au moment du Grenelle de l’environnement, ce projet de Tram’bus a réussi à décrocher des fonds européens inédits grâce à la promesse d’une grande portion de son trajet en site propre. Or, la réalisation ne tient pas les promesses qui ont été faites. » À Biarritz, seul 10 % du trajet est sur une voie réservée à l’écart des voitures. Avec son groupe, Marion a organisé l’inauguration de « la plus petite voie de bus en site propre du monde » en présence d’un faux Michel Veunac, premier édile de la ville.
La station côtière bien connue pour ses surfeurs a reçu plusieurs fois la visite de Bizi ! ces derniers temps, à cause d’une politique de mobilité qui donne toute latitude à la voiture, qui ignore les autres modes de transport et oublie le vélo à chaque réaménagement de rue, malgré la loi. La coordinatrice s’en amuse : « Notre action de venir faire du vélo dans le hall de la mairie de Biarritz a été beaucoup diffusée grâce à M. Veunac qui a fait irruption en plein milieu. » Résultat : une vidéo peu flatteuse pour le maire qui s’énerve sur des militants [1] qui lui tournent autour sur des bicyclettes pour enfants. L’objectif — rappeler que « M. Veunac est le pire élève de la triplette BAB » — a reçu le concours du premier concerné.
.@MichelVeunac ne respecte pas ce qui est présenté lors d’une enquête publique, mais en plus il met en danger la vie des cyclistes en réalisant à la va-vite une bande de peinture non conforme et dangereuse ! Non Mr Veunac, ce n’est pas vrai que « tout va bien à @Ville2Biarritz » ! pic.twitter.com/FbopbQH5IW
— Bizi ! (@bizimugi) February 19, 2020
Signer le Pacte de Bizi ! n’a pas valeur d’engagement autre que moral. Durant la campagne, plus de soixante listes candidates ont accepté de signer. Bizi ! n’offrirait-elle pas un moyen de passer au vert à peu de frais ? Le même Michel Veunac, tancé par l’association altermondialiste, a annoncé sa présence à la soirée de signature du Pacte jeudi 5 mars. Mais pour Anthony Lubrano, il ne s’agit que d’une étape : « On ne se contentera pas des engagements. On va redoubler le niveau d’interpellation des communes, qu’elles aient signé ou non. Il n’est plus possible d’attendre encore six ans. Pour nous, c’est le début d’une mobilisation citoyenne qui ne s’arrêtera pas une fois les élections passées. »
« Le combat, c’est aussi réinsuffler du rêve dans l’imaginaire écologique »
Les freins techniques sont moins en cause qu’un « problème politique et culturel » : « On sait ce qu’il faut faire techniquement pour rester sous la barre des 2 °C. Mais s’il y a un niveau de conscience accru, la plupart des gens ne réalisent pas le degré d’urgence dans lequel on se situe et l’ampleur des changements nécessaires. Et c’est encore plus vrai pour les politiques. »

La marche de Bizi ! voudrait permettre ce sursaut. La veille des élections, le 14 mars, l’association organise aussi une vélorution — « sur ce boulevard du BAB, plat, en ligne droite, bref le rêve de tout cycliste », annonce Marion Pichery — pour de nouveau réclamer des aménagements cyclables à la hauteur des enjeux. Un rêve ? C’est aussi là que se situe le combat pour son collègue du comité Hitza Hitz, réinsuffler du rêve dans l’imaginaire écologique : « On nous a tous fait croire qu’on était dans un modèle de société qui était un aboutissement et que les efforts à faire seraient des pertes et des retours en arrière. Or, les changements vont être des améliorations pour plein de gens car la métamorphose écologique va de pair avec une transformation sociale. »