Les touristes riches, grands gagnants de l’extension de l’aéroport de Marseille

Une étude s'est penchée sur les retombées néfastes de l’extension de l’aéroport Marseille-Provence. - © Moirenc Camille / Hemis via AFP
Une étude s'est penchée sur les retombées néfastes de l’extension de l’aéroport Marseille-Provence. - © Moirenc Camille / Hemis via AFP
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Économie TransportsLes touristes fortunés et les grandes villes régionales bénéficieront très majoritairement de l’extension de l’aéroport Marseille Provence, selon une étude. Les retombées économiques pour le territoire ont aussi été surestimées.
Plus de CO2, plus de touristes riches et peu d’intérêt pour les locaux. Voilà le résultat d’une étude publiée le 12 avril par quatre sociologues et économistes sur les retombées de l’extension de l’aéroport Marseille-Provence. On y découvre les arguments fallacieux des promoteurs pour accroître toujours un peu plus la superficie et la capacité des aéroports. « À retombées économiques égales, des alternatives plus écologiques et inclusives existent », insistent les auteurs de ce travail impulsé par plusieurs organisations écologistes [1].
1 – Le luxe : grand gagnant de l’extension
Enseignement fort de cette étude : le tourisme aérien concentre les retombées économiques sur les grandes villes. « En analysant les chiffres de l’aéroport de Marseille, en 2018, on s’aperçoit par exemple que 80 % des touristes séjournent dans 20 % du territoire », note un des auteurs, Prosper Wanner, sociologue. En périphérie, les départements voisins que sont les Alpes-de-Haute-Provence et les Hautes-Alpes bénéficient ainsi de moins de 3 % des recettes engendrées.
Autre grand gagnant : l’hébergement haut de gamme. Entre 2017 et 2045, le nombre de visiteurs internationaux devrait doubler, pour atteindre 50 %, grâce au projet d’extension marseillais. Or, ces touristes étrangers sont souvent fortunés. « En 2010, il y avait à Marseille un peu plus d’hôtels 1 étoile que d’hôtels 4 étoiles, rappelle Prosper Wanner. Désormais, on compte 2 273 hôtels 4 étoiles et tout juste une centaine d’hôtels 1 étoile. » Cette montée en gamme drastique de l’hébergement se répercute alors sur les voyageurs les plus modestes.

Et l’expansion fulgurante des compagnies low cost, telles qu’EasyJet et Ryanair, n’a pas changé la donne. « On pense souvent qu’elles ont ouvert le tourisme aérien aux populations les moins aisées. C’est faux, affirme le sociologue. Elles ont surtout poussé ceux qui prenaient déjà l’avion à voyager encore plus. » Ainsi, 60 % des kilomètres parcourus par les avions sont effectués par seulement 10 % des voyageurs… « les plus privilégiés »
2 – Des gains économiques largement surestimés
L’étude dénonce aussi les « omissions et minimisations préjudiciables » contenues dans l’enquête publique de l’extension de l’aéroport, présentée fin 2019. L’économie locale devrait bénéficier d’un surplus de 6,24 milliards d’euros, y lit-on. Soustrayez-y les coûts d’investissement et d’exploitation, et vous obtenez un bénéfice final de 5,4 milliards d’euros entre 2017 et 2045.
De plus, « ce calcul ne retient que les recettes des arrivées et ferme les yeux sur les pertes liées aux proches résidents qui vont partir en avion dépenser leur argent ailleurs, analyse l’économiste Gilles Caire, coauteur de l’étude. Or, ils constituent tout de même 69 % des passagers de l’aéroport… Ce manque à gagner s’élève à plus de 4 milliards d’euros d’ici 2045. »
3 – Non, l’extension ne sera pas neutre en carbone
Les oublis des promoteurs des aéroports ne s’arrêtent pas là. L’extension de l’aéroport Marseille-Provence devrait drainer quelque quatre millions de passagers supplémentaires en 2045. Le dossier d’impact promet toutefois que cette croissance du trafic sera « neutre en carbone ». Comment ? En misant sur la compensation carbone et… en excluant des calculs les effets non CO2 sur le climat. Les traînées de condensation (les traînées blanches qui strient le ciel), qui sont oubliées, ont par exemple un pouvoir réchauffant.
Le Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) estime en effet que l’empreinte totale de l’aviation sur les gaz à effet de serre est entre deux et quatre fois supérieure à celle du seul CO2. Ces effets néfastes sur le climat ont un coût : 4,9 milliards d’euros. « En additionnant tous ces biais, on obtient un déficit de 3,5 milliards d’euros d’ici 2045, conclut l’économiste. Et non un bénéfice de 5,4 milliards comme l’affirme l’enquête publique. »
4 – Le train, plus écolo et social
Alors quelle alternative existe-t-il ? Les auteurs ont cherché la réponse du côté de la région Occitanie, en se penchant sur les stratégies touristiques qui y sont menées. Dans les conclusions de leur enquête, ils écrivent que « le fléchage de financements publics sur le ferroviaire et sur des critères sociaux a un impact significatif sur le développement du tourisme de proximité, la diffusion des flux sur les territoires et l’accès aux vacances et loisirs des moins favorisés ».
Las, « une dizaine de projets d’extensions d’aéroports reste sur la table, à Nice, Lille, Bordeaux, Montpellier... » assure à Reporterre Charlène Fleury, porte-parole du réseau citoyen Rester sur Terre. Bonne nouvelle : les projets de création du Terminal 4 à Roissy et d’un aéroport en Andorre ont été abandonnés.