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Alternatives

Machines à laver, smartphones : l’État veut nous pousser à réparer

Seules 21 000 réparations sur un objectif de 500 000 minimum ont été réalisées pour l'instant cette année.

L’aide de l’État à la réparation d’appareils domestiques et électroniques, lancée en décembre dernier, n’a pas été assez utilisée selon le gouvernement qui impulse une concertation pour l’améliorer.

Dix euros de rabais pour faire réparer sa bouilloire, vingt-cinq pour son lave-linge… Depuis le 15 décembre, il est possible de profiter d’un « bonus réparation » pour les appareils électroménagers et équipements électroniques. Seule condition : confier son produit défectueux à un réparateur labellisé QualiRépar. Leur liste est disponible sur le site d’Ecologic et celui d’Ecosystem, chargés de la gestion de ce fonds.

En quatre mois, les deux éco-organismes ont comptabilisé quelque 21 000 réparations, dont 40 % de lave-linge ou lave-vaisselle. Au total, 503 460 € ont été débloqués. Un premier bilan jugé « positif » par Ecosystem, le 12 avril dernier. « Le réseau des réparateurs labellisés QualiRépar proposant cette incitation financière a quasiment triplé en trois mois, passant de 500 à plus de 1 220 sites, dont 22 % sont des réparateurs indépendants », expliquait l’éco-organisme. Son objectif est de doubler le nombre de ces réparateurs d’ici la fin de l’année, et d’atteindre les 10 000 en 2027. Ecosystem envisage d’atteindre « a minima les 500 000 réparations » d’ici la fin de 2023.

Le budget 2023 à peine entamé

Une semaine après la présentation de ces chiffres, présentés comme encourageants, c’est au tour du gouvernement de donner son avis. Et pour lui, le déploiement du dispositif ne va ni assez vite, ni assez loin. « Les premiers résultats ne sont pas à la hauteur des attentes : en quatre mois, 500 000 euros de bonus ont été reversés aux Français alors que 62 millions d’euros restent disponibles cette année pour financer la réparation », détaille le ministère de la Transition écologique dans un communiqué du 19 avril.

Pour financer à la fois ce bonus et la labellisation des professionnels, le gouvernement a créé un fonds de 410 millions d’euros jusqu’en 2027, financé par l’éco-contribution — les quelques euros intégrés dans le prix de chaque appareil neuf qu’on achète.

Dans des déclarations à la presse relayées par l’AFP, Bérangère Couillard, secrétaire d’État chargée de l’écologie, se montrait assez sévère : « On n’est pas au niveau. Et on ne peut pas se permettre de ne pas atteindre les 4 000 sites que nous visons avant la fin de l’année. » Selon ses mots, le fonds « n’a pas vocation à dormir sur un compte bancaire ».

Le dispositif pourrait être élargi aux écrans cassés des smartphones. Unsplash / Ashkan Forouzani

Elle annonçait même une série de mesures pour accélérer le déploiement : doubler le montant du bonus pour le rendre plus attractif, l’élargir notamment aux écrans cassés des smartphones, réduire le coût d’adhésion pour les petits réparateurs, obliger les grandes enseignes à proposer le bonus… Des déclarations prématurées ? Pour l’heure, rien n’a été acté, insiste Ecosystem : « Nous avons entendu l’appel des pouvoirs publics et les pistes évoquées. Le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, nous a donné rendez-vous à la mi-juin. D’ici là, les parties prenantes vont se réunir et se concerter (industriels, associations de consommateurs, représentants de réparateurs, éco-organismes) en vue de faire des propositions au gouvernement. »

Interrogée par Reporterre, Halte à l’obsolescence programmée (Hop) se félicite de ce coup d’accélérateur. « Actuellement, le pilotage est confié aux éco-organismes, constate Lætitia Vasseur, déléguée générale de l’association. Or, c’est normal que l’État veuille reprendre un peu la main sur un sujet d’intérêt général. Nous réclamons la création d’un Comité national de la réparation réunissant toutes les parties et au sein duquel seraient prises les décisions. »

« Les démarches sont trop lourdes »

Hop plaide également pour augmenter les montants du bonus et alléger la procédure de labellisation pour les réparateurs artisans : « Les démarches sont trop lourdes pour eux, il y a de nombreuses conditions à remplir et beaucoup de bureaucratie. » Dernier frein : le manque d’information des clients. Qui connaît ce dispositif ? « Des sommes conséquentes sont débloquées sans être utilisées. Elles doivent servir notamment à communiquer sur ce bonus auprès des consommateurs ! », conclut Lætitia Vasseur.

L’association Zero Waste France estime, quant à elle, qu’« une baisse de la TVA sur les prestations des réparateurs aurait été plus à même de généraliser le recours à la réparation ». Elle rappelle qu’elle a déposé avec Les Amis de la Terre, le 25 février 2022, un recours devant le Conseil d’État contre le décret fixant le montant du fonds réparation, estimant ce dernier insuffisant pour inciter les particuliers à faire réparer leurs équipements.

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