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ÉditoLuttes

Macron déteste la jeunesse

Un rassemblement des Soulevements de la Terre en Loire-Atlantique pour dénoncer l'exploitation du sable à des fins industrielles, le 11 juin 2023.

Dissoudre Les Soulèvements de la Terre, c’est museler la jeunesse. Alors que son avenir est saccagé par le gouvernement, elle doit continuer à se soulever, défend Hervé Kempf dans cet éditorial.

Il faudrait donc se taire et accepter des autoroutes absurdes. Il faudrait se taire et accepter l’accaparement de l’eau par l’agro-industrie. Il faudrait se taire et accepter la bétonisation généralisée. Se taire et accepter le doublement du trafic aérien. Se taire et admirer les milliardaires Musk, Arnault et Bezos. Se taire et accepter qu’il faille s’adapter à +4 °C de réchauffement sans que soit sérieusement engagée la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Se taire, se taire, se taire.

Voilà ce que veulent que nous fassions MM. Macron, Darmanin, leurs policiers et leurs spécialistes de l’antiterrorisme, leurs roquets médiatiques à la solde des milliardaires, les technocapitalistes et leurs rêves de robots intelligents supplantant l’humanité. Ils veulent que la jeunesse se taise. Accepte le destin de fournaise et de précarité qu’ils leur réservent.

Lire aussi : « Vous êtes, nous sommes, Les Soulèvements de la Terre »

Il n’y a pas d’autre sens à la dissolution des Soulèvements de la Terre, ce mouvement de jeunes (mais pas seulement), qui vient après Alternatiba, après ANV-COP21, après le mouvement Climat en 2018, après Extinction Rebellion, après Dernière rénovation, ce mouvement qui vient illustrer aujourd’hui la rage croissante d’une jeunesse dont l’avenir est saccagé par l’oligarchie.

Plusieurs centaines de personnes se sont mobilisées le 11 juin 2023 contre les carrières de sable et de granulats en Loire-Atlantique, à l’appel des Soulèvements de la Terre. Twitter/Les Soulèvements de la Terre

Après avoir éborgné les Gilets jaunes, après avoir imposé une réforme des retraites à un peuple qui n’en veut pas, M. Macron poursuit son projet de nous soumettre toutes et tous en tentant la dissolution d’un collectif qui, depuis un an, incarne la révolte écologiste et l’espoir du monde d’après, celui dont, candidement, nous avons rêvé quand le Covid frappait. Une image qui restera de la présidence de M. Macron, c’est celle de ces collégiens mis à genoux par des policiers, à Mantes-la-Jolie (Yvelines) : mater la jeunesse, voilà son projet.

Un long déni des aspirations de la jeunesse

Il faut rappeler que M. Macron a été adoubé par des vieux, comme l’a montré l’enquête de Marc Endeweld dans L’ambigu Monsieur Macron (Flammarion) : il a séduit les vieux influents qui lui ont fait la courte échelle pour parvenir au pouvoir ; Jean-Pierre Jouyet, Henry Hermand, Michel Rocard, Jacques Attali et tant d’autres du troisième âge. « Il exerce un charme particulier sur les vieux messieurs. On se dit qu’on aimerait avoir un fils comme ça », racontait l’une de ses proies consentantes, âgée de 75 ans.

Et cette séduction qui dessine un paysage mental, il l’a continuée dans sa politique, tournée vers la protection des riches et l’attention aux valeurs de la majorité des vieux. Ils le lui ont bien rendu, en avril 2022, quand, lors du premier tour de l’élection présidentielle, les votants de plus de 70 ans l’« ont plébiscité » alors que les 25-34 ans votaient d’abord pour Jean-Luc Mélenchon.

La politique de M. Macron est ainsi un long déni des aspirations et des besoins de la jeunesse : instauration d’un Parcoursup angoissant et déstabilisant, oubli d’aides pendant et après le Covid, inaction écologique quand l’avenir climatique est une cause majeure d’écoanxiété, sucettes en échange de l’embrigadement dans le SNU (Service national universel).

« La lutte écologiste ne cessera pas »

Les pitreries démagogiques avec McFly et Carlito n’y changent rien : M. Macron et l’oligarchie dont il fait la politique méprisent la jeunesse. Dans une réunion publique en mars 2022, une jeune femme avait posé avec courage des questions inquiètes sur l’avenir climatique au président de la République. Celui-ci, après avoir osé dire « Je chéris l’indignation », avait répondu par un « message à la jeunesse » : « On doit continuer à produire, on doit même produire plus, innover plus vite. Mais il faut mettre des contraintes plus rapides pour changer en profondeur notre système. » Et de vanter l’auto électrique, l’hydrogène, le nucléaire

Dans un discours du 11 mai 2023, M. Macron a vanté l’industrie verte, employant 56 fois le mot « accélération » ou le verbe « accélérer ». Tel est l’avenir qui nous est proposé : produire toujours plus, en artificialisant toujours plus, dans un univers toujours plus numérique.

« La force des jeunes, dit la journaliste Salomé Saqué, c’est qu’ils n’ont pas vécu assez longtemps pour s’y habituer et pour considérer que cela ne peut pas changer. » Celles et ceux qui s’engagent dans Les Soulèvements de la Terre, dissolution ou pas, jeunes ou pas, considèrent que le monde peut changer. Et que face à l’horizon cauchemardesque promu par les dirigeants de ce jour, il faut continuer à se soulever. Remplacer l’écoanxiété par la rage. La lutte écologiste ne cessera pas. Et dissolution ou pas, au nom de la liberté d’expression, Reporterre continuera à publier des tribunes des Soulèvements de la Terre.

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