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Retraites

Retraites : le gouvernement ressort la matraque

Un policier lance une grenade lors d'une manifestation contre la réforme des retraites et le 49.3 à Nantes, le 18 mars 2023.

Les manifestations qui ont suivi le 49.3 et le passage en force de la réforme des retraites sont fortement réprimées. Une situation « extrêmement inquiétante » pour La Ligue des droits de l’Homme et les syndicats.

« Un retour à la doctrine de maintien de l’ordre de [l’ex-préfet] Didier Lallement, qui paraissait pourtant avoir été abandonnée par le pouvoir. » Patrick Baudouin, président de La Ligue des droits de l’Homme (LDH), s’alarme auprès de Reporterre d’un « climat extrêmement délétère et inquiétant » ces jours-ci en France. En cause : la répression du mouvement social contre la réforme des retraites. Alors que l’exécutif a utilisé le 49.3 le 16 mars afin d’imposer cette loi rejetée par 80 % des Français, les manifestations spontanées se multiplient dans le pays. Depuis, on ne compte plus les témoignages dénonçant des violences policières et autres interpellations abusives (dont parfois des journalistes).

Le 16 mars, 292 personnes qui manifestaient place de la Concorde, à Paris, ont par exemple été placées en garde à vue… pour finalement 283 classements sans suite. Le 20 mars, le syndicat de la magistrature a ainsi dénoncé « le détournement de la procédure pénale au profit du maintien de l’ordre ». Le 17 mars, comme l’a révélé Mediapart, quatre jeunes femmes ont déposé plainte à Nantes pour « violences sexuelles par dépositaire de l’autorité publique » alors qu’elles étaient nassées par la police, le 14 mars.

Le 18 mars, 169 personnes, dont 122 dans la capitale, ont été interpellées en France. Une vidéo tournée ce jour-là par un journaliste de QG montre comment des dizaines de manifestants parisiens ont été sommés par les forces de police de s’agenouiller, les mains sur la tête — de quoi rappeler les tristes images des lycéens arrêtés à Mantes-la-Jolie (Yvelines), en 2018. Toujours à Paris, dans la nuit de dimanche à lundi, des centaines de manifestants ont été également nassées (une pratique pourtant illégale) à Châtelet les Halles. Le 20 mars, peu après le rejet des deux motions de censure présentées à l’Assemblée nationale, les policiers ont chargé violemment des manifestants, à Paris. Le climat politique et social actuel est « insupportable », dit Patrick Baudouin.

Des méthodes « inacceptables »

« Le pouvoir, qui fait preuve d’un entêtement assez extraordinaire, n’a pas voulu tenir compte des alertes des syndicats sur le fait qu’un 49.3 allait enflammer le pays, estime le président de la LDH. D’où la situation assez catastrophique d’aujourd’hui. Sur le plan institutionnel d’abord, avec ce recours au 49.3, mais surtout sur le plan des mouvements sociaux avec un retour à des méthodes policières qui sont inacceptables. »

Murielle Guilbert, codéléguée générale de Solidaires, ne dit pas le contraire : « Le 49.3 a vraiment attisé la colère sociale. Depuis, il y a encore plus de détermination à combattre cette réforme, et, en face, la réponse qui est faite est la répression accrue. » Pour la syndicaliste, le gouvernement verse ainsi « dans la fuite en avant », avec une volonté de « décrédibiliser le mouvement social ». Le tout, au passage, en portant atteinte au droit de grève : le préfet de police de Paris a par exemple ordonné des réquisitions d’éboueurs. « C’est aussi un moyen pour l’exécutif de limiter les conséquences de la grève. Nous sommes évidemment contre ces réquisitions : ce que l’on attend, c’est le retrait de cette réforme qui touche en particulier les métiers où la pénibilité est la plus grande », lance Murielle Guilbert, qui rappelle que c’est le 23 mars qu’aura lieu la prochaine manifestation intersyndicale contre la réforme.

D’après Patrick Baudouin, la répression actuelle relève en tout cas de la « logique antisociale, anti-libertés et anti-étrangers » propre aux deux mandats d’Emmanuel Macron. « Cette politique antisociale délibérée, qui était déjà sous-jacente lors de son précédent quinquennat — on peut penser à la loi Séparatisme, en 2021 — est en train de s’accentuer en ce début 2023 avec cette réforme des retraites, mais aussi avec la loi immigration qui va arriver au Parlement. Toutes ces dispositions législatives et réglementaires sont autant d’atteintes portées aux droits sociaux et aux libertés », déplore le président de la LDH.

D’autant que, selon lui, cette « logique très droitière » de l’exécutif ne peut mener qu’à la catastrophe : « Tout cela ne peut conduire qu’au triomphe des idées de l’extrême droite, et a fortiori à son arrivée au pouvoir. Il faut absolument que le gouvernement abandonne cette réforme. Faute de quoi, la fracture sera telle que c’est la vie commune de la société française qui sera compromise. »

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