Sur le Larzac, le projet de centrale solaire contesté pour sa consommation de terres

Des hangars équipés de panneaux solaires sur le causse du Larzac, en bordure du domaine de Calmels. - © Dominique Voillaume/Reporterre
Des hangars équipés de panneaux solaires sur le causse du Larzac, en bordure du domaine de Calmels. - © Dominique Voillaume/Reporterre
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Énergie Étalement urbainAbandonné en 2019, la centrale photovoltaïque Solarzac ressurgit dans un format plus mesurée et en intégrant des propositions de riverains. Mais le projet toujours refusé par les associations environnementales : il va occuper des terres naturelles et agricoles.
Salelles-du-Bosc (Hérault), reportage
Sur le Larzac, le soleil ne se couche jamais pour les appétits des projets photovoltaïques. Plus de deux ans après l’abandon du projet Solarzac, le développeur, Arkolia Énergies, tente de le faire renaître avec « une emprise plus réduite, une forte dimension agricole, accompagné d’un “conseil scientifique” ».
Jeudi 2 décembre se tenait au pied du Larzac la réunion publique de fin d’une nouvelle concertation préalable. L’occasion de découvrir les premiers contours d’un projet qui n’est « pas du tout arrêté », jure Katia Sigaud, directrice générale d’Arkolia, qui vante sa « coconstruction » avec les participants aux ateliers thématiques de la concertation.
Dans la salle des fêtes de Salelles-du-Bosc, une trentaine de personnes (trois quarts d’hommes) assistent à la restitution des quatre ateliers thématiques. En l’état, l’emplacement du projet est identique : le domaine de Calmels, propriété privée de quelque 1 000 hectares destinée à la chasse privée. Il est à vendre, et Solarzac envisage l’option d’un rachat des terres par les collectivités locales pour 15 millions d’euros, intégralement compensé par un loyer payé par l’exploitant.
- Dans la salle des fêtes de Salelles-du-Bosc, le 2 décembre. © Grégoire Souchay/Reporterre
Des terres protégées
La taille a été revue à la baisse. D’un projet initial entre 220 et 400 hectares, les panneaux occuperaient désormais 200 hectares maximum en plusieurs îlots. Sur l’espace restant, Arkolia espère installer un ou une exploitante en élevage ovin viande et laisse ouverte d’autres possibilités d’aménagements de sentier ou d’écotourisme. Enfin, abandonnant le méthane du projet initial, Arkolia passe à l’hydrogène avec l’option d’une installation de 1 MW de puissance sur maximum 200 m2 pour alimenter des transports au « gaz vert » dans le secteur.
Le projet séduit Daniel, venu de Lodève, à 6 kilomètres de là, « assez rassuré » de voir « plus qu’un projet solaire, une véritable occasion pour le coin ». À ses côtés, une habitante — anonyme — demande : « Pourquoi ne pas faire ces panneaux sur des toitures ? » « On n’arrivera pas aux objectifs de transition énergétique avec seulement les toitures », lui certifie Katia Sigaud, selon qui « il faudra aussi des projets au sol ». Un discours qui laisse sceptique Jean-François, habitant du Bosc. S’il pense que certains projets photovoltaïques peuvent être valables, « celui-là, sur des terres protégées, me pose problème ». Et la « coconstruction » ressemble pour lui plutôt à une manière « de s’accaparer les idées des opposants et les retourner contre eux ».
- Le causse du Larzac en bordure du domaine de Calmels. © Dominique Voillaume/Reporterre
De la « foutaise totale »
Les opposants, justement, étaient ce soir presque aussi nombreux que le public de la réunion. Refusant de participer à ce débat, une trentaine de militants ont marqué leur présence à l’extérieur de la salle des fêtes et montré une détermination intacte. Car, comme l’explique Dominique Voillaume, éleveuse à Saint-Maurice-Navacelles et membre de la Confédération paysanne, « le premier projet, c’était pour faire semblant. Ils voulaient déjà faire 200 hectares ».
- Les opposants au projet Solarzac, devant la salle des fêtes de Salelles-du-Bosc, le 2 décembre. © Grégoire Souchay/Reporterre
Pour Bernard Ricau, président de la principale association d’opposants aux projets (Terres du Larzac — Terres de biodiversité — Terres de paysans), c’est toujours non plus de deux ans après. Pour lui, les « modifications pour rendre le projet plus écocompatible » sont de la « foutaise totale ». Quelle que soit la taille, il exclut « toute installation de système industriel de grande surface dans des milieux naturels ou agricoles ».
« Une opposition à toute implantation en zone naturelle, agricole ou forestière »
D’autant plus quand la zone est « multilabellisée pour la protection de l’environnement » (zone de protection spéciale, Natura 2000) avec des habitats « pour la faune, la flore et spécifiquement les oiseaux », explique Hanna Muller, chargé de mission agri-environnement au Centre permanent d’initiatives pour l’environnement (CPIE) des causses méridionaux. Et pas des moindres, puisque qu’il s’agit d’une « zone de chasse essentielle pour un couple d’aigles royaux, qui niche dans le site voisin du cirque de Navacelles, classé à l’Unesco », enchérit Pierre Maigre, responsable de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) d’Occitanie. Nationalement, l’association a voté son « opposition ferme à toute implantation en zone naturelle, agricole ou forestière ».
Des lignes rouges que le projet Solarzac remodelé semble toujours franchir, même si les développeurs récusent toute « artificialisation ». Un amendement dans la loi Climat a subrepticement permis de ne pas considérer comme de « l’artificialisation » les installations photovoltaïques compatibles avec la pérennité d’une activité agricole. Un choix vivement contesté par les opposants : « Des moutons sous des panneaux, ce n’est pas du pâturage, c’est de l’entretien paysager », dit Bernard Ricau. Le ministère de la Transition écologique a annoncé début novembre le lancement prochain d’une « étude approfondie pour mieux quantifier l’impact des installations photovoltaïques sur l’artificialisation des sols et la biodiversité ».
Convaincu de la justesse de son projet, Arkolia doit maintenant constituer un dossier complet et le présenter, si tout va bien, en 2023, avec une concrétisation qui n’est pas attendue avant quatre ou cinq ans. « On prendra le temps nécessaire pour faire un projet pour ce territoire », assure Katia Sigaud. Les opposants, eux, sont d’ores et déjà prêts à emprunter toutes les voies de recours dès la présentation de Solarzac 2.