Tous les ans, 20 000 chiens livrés à l’expérimentation animale en Europe

- © JB Meybeck / Reporterre
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AnimauxDes rassemblements sont organisés ce week-end dans l’Allier et dans l’Yonne pour exiger la fermeture de deux élevages de chiens destinés à l’expérimentation animale.
Des cages, remplies de chiens qui s’agitent et ne cessent d’aboyer. Puis la caméra prend de la hauteur. La vue aérienne dévoile alors un alignement de dizaines d’enclos d’où s’élèvent les plaintes des animaux.
« C’est un vrai univers carcéral. Il n’y a que des boxes avec du béton partout et des grillages autour », dénonce Jessica Lefèvre-Grave, directrice des relations externes et des investigations pour One Voice.
Cette association de défense des droits des animaux a publié le 29 août des vidéos inédites de deux élevages de chiens, situés à Gannat (Allier) et Mézilles (Yonne).
Ni herbe ni caresses
« C’est de l’élevage industriel, poursuit Jessica Lefèvre-Grave. Les chiens n’ont pas accès à l’extérieur, ils n’auront jamais d’herbe sous leurs pattes. Ils ne reçoivent aucune caresse, le personnel n’a pas le droit de créer du lien affectif avec eux. »
Car ces élevages ont une particularité : les animaux qui y naissent — 1 000 à 2 000 chaque année, dans chacun d’entre eux — sont ensuite vendus à des laboratoires français et européens, afin de devenir des cobayes.
Les exploitations de Gannat et Mézilles appartiennent à la même entreprise étasunienne : Marshall BioResources, un des principaux éleveurs d’animaux destinés à l’expérimentation médicale [1].

« Les chiens sont des animaux sentients, ils sont capables d’empathie, de jalousie et de nombreuses autres émotions complexes, rappelle One Voice dans son rapport du 29 août. Leur utilisation en expérimentation est une injustice fondamentale à laquelle il est nécessaire de mettre fin aussi vite que possible. »
L’association a lancé une pétition et appelle à deux rassemblements de protestation : un premier devant l’élevage de Gannat les 1ᵉʳ et 2 septembre, et un second à Auxerre le 2 septembre.
Des expérimentations « légères » à « sévères »
Tous les ans, près de 20 000 chiens sont envoyés, par camion ou par avion, dans des laboratoires de l’Union européenne. La plupart proviennent d’élevages spécialisés européens — comme ceux de Gannat et Mézilles — mais presque un tiers sont importés. Il s’agit majoritairement de beagles, mais aussi parfois de golden retrievers — des races réputées pour leur gentillesse et leur docilité.
« [Les expérimentations impliquant des chiens ont lieu] principalement en France, en Allemagne, et au Royaume-Uni avant le Brexit », souligne One Voice dans son rapport. Plus de 4 000 procédures sont recensées dans l’Hexagone chaque année.

Dans les laboratoires, les chiens sont utilisés pour tester la toxicité de doses répétées de médicaments et de vaccins, à destination des humains ou d’autres animaux.
Le niveau de gravité des expérimentations infligées aux animaux est recensé par la Commission européenne. Il peut aller d’une forme dite « légère » (injection d’un vaccin suivie d’observations cliniques, voire mise à mort et prélèvement des organes pour évaluer l’innocuité du vaccin) à « sévère » (isolement continu pendant plusieurs années dans un bâtiment clos et confiné, assorti d’un prélèvement régulier de sang), rapporte l’association One Voice.
Expérimentations « sans réveil »
Certaines expérimentations sont également qualifiées de « sans réveil » lorsqu’elles sont menées sous anesthésie générale, et que l’animal est tué à son terme.
« La France est le pays qui inflige le plus de souffrances aux chiens utilisés dans les laboratoires, avec 34 % d’expériences “modérées” et plus de 4 % d’expériences “sévères” (soit en moyenne 160 utilisations par an ces dernières années) », dénonce One Voice.

Face à cette situation, l’association réclame l’arrêt progressif de l’expérimentation animale en Europe. Le 25 juillet, la Commission européenne a annoncé s’engager « à proposer un nouvel ensemble de mesures législatives et non législatives visant à réduire encore l’expérimentation animale », notamment dans le secteur phytopharmaceutique et médical. Si One Voice se réjouit de cette déclaration, elle attend désormais « des éléments concrets ».
« On veut beaucoup plus de financements pour trouver des méthodes alternatives à l’expérimentation animale, et surtout l’utilisation de ces méthodes alternatives quand elles existent, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui », affirme Jessica Lefèvre-Grave.
Alternatives et transparence
En outre, One Voice réclame de la « transparence » : un accès aux chiffres sur les importations et exportations de chiens à destination des laboratoires, sur leurs localisations, une visibilité des établissements impliqués, etc. « Il faut que ce soit en libre accès, et pas sur demande », insiste Jessica Lefèvre-Grave.
Plusieurs personnalités politiques, comme Sandra Krief, déléguée à la condition animale à la ville de Grenoble (Parti animaliste), ou l’eurodéputée Caroline Roose (Europe Écologie-Les Verts) ont appelé à participer aux rassemblements du 1ᵉʳ et du 2 septembre.
En avril 2023, un sondage Ipsos/One Voice avait montré que 74 % des Français se disaient défavorables au principe même de l’expérimentation animale.