Média indépendant, en accès libre pour tous, sans publicité, financé par les dons de ses lecteurs

Pêche

Une chanson contre l’élevage de saumons : le duo inattendu de Björk et Rosalía

Les artistes Björk (à g.) et Rosalía ont sorti une chanson pour dénoncer l'aquaculture en Islande.

Pour dénoncer la pisciculture en Islande, les chanteuses Björk et Rosalía préparent une chanson. L’argent récolté financera des frais juridiques pour encadrer cette pratique.

Rosalía et Björk ont dorénavant plus en commun que d’être deux chanteuses mondialement connues. Au travers de leur collaboration sur le nouveau disque « Oral », dont la sortie initiale prévue le 9 novembre a été décalée au 21 novembre, elles dénoncent d’une même voix la pisciculture, l’élevage de poissons en milieu naturel ou en bassin artificiel.

Cette chanson, de quatre minutes, a été composée par l’artiste islandaise Björk il y a une vingtaine d’années. Un extrait, posté début octobre, annonçait déjà la tonalité du sujet avec une phrase revenant en boucle « Is that the right thing to do ? » (est-ce la bonne chose à faire ?), chantée à l’unisson par les deux interprètes. « Des hommes d’affaires islandais et norvégiens [...] [ont] commencé à acheter des fermes aquacoles dans la majorité de nos fjords depuis près de dix ans [avec] presque aucune réglementation », a déploré Björk sur ses réseaux sociaux.

Cette action n’est pas un coup marketing. L’argent récolté par ce morceau financera des frais juridiques pour encadrer l’aquaculture en Islande. « En tant qu’associations, nous n’avons pas les fonds financiers nécessaires pour pousser nos actions devant la justice, explique à Reporterre Þorgerður María Þorbjarnardóttir, présidente de Landvernd, une association environnementale islandaise. Recevoir de l’argent pour pouvoir payer un avocat pourrait énormément nous aider, c’est souvent ce qui nous coûte le plus cher. »



Ce n’est pas la première fois que Björk utilise sa notoriété pour une cause environnementale. En 2008, tous les bénéfices de sa chanson « Náttúra », interprétée avec Thom Yorke, chanteur du groupe Radiohead, ont été reversés à la campagne Náttúra, un groupe environnemental qu’elle a cofondé pour lutter contre la construction d’usines d’aluminium en Islande.

Une hausse de la production de saumons en dix ans

Si au début des années 1950 l’aquaculture en Islande se restreignait à de petits ports, elle connaît depuis quelques années une hausse exponentielle. « La pisciculture de saumons en Islande est passée de 1 000 tonnes en 2012 à près de 50 000 tonnes en 2022, déplore la présidente de Landvernd. Ce sont principalement des multinationales qui investissent des zones propices à l’aquaculture. Elles affirment que leur industrie est soutenable, car elle n’émet pas beaucoup de CO2, mais ce n’est pas parce qu’elle n’en émet pas qu’elle est soutenable. »

Une ferme piscicole de taille moyenne d’environ 3 000 tonnes peut produire autant d’effluents qu’une ville de 50 000 habitants, selon un rapport de l’Autorité norvégienne de contrôle de la pollution de 2011.

Les espèces de poissons sont elles-mêmes menacées par cette industrie. En août dernier, près de 3 500 saumons d’élevage se sont échappés d’une ferme piscicole dans la région des Westfjords. Loin d’être insignifiant, ce type d’incident nuirait à la survie de l’espèce, détaille une étude publiée en 2021 dans le magazine scientifique New Scientist : « Lorsque des saumons atlantiques sauvages se reproduisent avec des saumons d’élevage échappés, leurs descendants grandissent plus vite et atteignent la maturité à un âge plus jeune, ce qui compromet la capacité de l’espèce à survivre et à se reproduire dans son environnement naturel. »

Chanter pour sensibiliser

Alors que le single « Oral » était déjà acclamé par de nombreux auditeurs sur les réseaux sociaux avant même sa sortie, une consultation publique sur la pisciculture et la manière dont elle est gérée en Islande est actuellement en cours.

ONG et défenseurs de l’environnement se réjouissent de l’initiative de ce single, qui au-delà de l’Islande résonne dans de nombreux pays comme les États-Unis (Alaska) ou l’Espagne, dont est originaire la chanteuse Rosalía. « Grâce à cette chanson, le public va être de plus en plus sensibilisé à notre combat. Et comme les politiques ont besoin de leur vote pour être élus, ils seront prompts à agir sur l’aquaculture », espère Þorgerður María Þorbjarnardóttir.

Alors que les alertes sur le front de l’environnement se multiplient, nous avons un petit service à vous demander. Nous espérons que les dernières semaines de 2023 comporteront des avancées pour l’écologie. Quoi qu’il arrive, les journalistes de Reporterre seront là pour vous apporter des informations claires et indépendantes.

Les temps sont difficiles, et nous savons que tout le monde n’a pas la possibilité de payer pour de l’information. Mais nous sommes financés exclusivement par les dons de nos lectrices et lecteurs : nous dépendons de la générosité de celles et ceux qui peuvent se le permettre. Ce soutien vital signifie que des millions de personnes peuvent continuer à s’informer sur le péril environnemental, quelle que soit leur capacité à payer pour cela.

Contrairement à beaucoup d’autres, Reporterre ne dispose pas de propriétaire milliardaire ni d’actionnaires : le média est à but non lucratif. De plus, nous ne diffusons aucune publicité. Ainsi, aucun intérêt financier ne peut influencer notre travail. Être libres de toute ingérence commerciale ou politique nous permet d’enquêter de façon indépendante. Personne ne modifie ce que nous publions, ou ne détourne notre attention de ce qui est le plus important.

Avec votre soutien, nous continuerons à rendre les articles de Reporterre ouverts et gratuits, pour que tout le monde puisse les lire. Ainsi, davantage de personnes peuvent prendre conscience de l’urgence environnementale qui pèse sur la population, et agir. Ensemble, nous pouvons exiger mieux des puissants, et lutter pour la démocratie.

Quel que soit le montant que vous donnez, votre soutien est essentiel pour nous permettre de continuer notre mission d’information pour les années à venir. Si vous le pouvez, choisissez un soutien mensuel, à partir de seulement 1 €. Cela prend moins de deux minutes, et vous aurez chaque mois un impact fort en faveur d’un journalisme indépendant dédié à l’écologie. Merci.

Soutenir Reporterre

Abonnez-vous à la lettre d’info de Reporterre
Fermer Précedent Suivant

legende