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Villas, golf, route… Stoppons la destruction des Pyrénées-Orientales

Projet de pont et de contournement routier autour de Céret, porte ouverte à la destruction de 18 hectares de terres agricoles, d’une zone sauvage du Tech et à l’urbanisation de la plaine.

Le bétonnage continue avec frénésie dans les Pyrénées-Orientales, alertent les auteurs de cette tribune. Ils appellent les élus à stopper ces projets, et les citoyens à s’engager dans les collectifs de lutte.

Créée en décembre 2021, la coordination Viure (« vérité » en catalan) est composée de plusieurs associations et collectifs [1] des Pyrénées-Orientales militant pour la protection des terres agricoles et des espaces naturels.



À tous nos concitoyens des Pyrénées-Orientales,

Alors que les discours officiels appellent à stopper l’artificialisation des espaces naturels et agricoles en France, notamment au travers de la loi Climat et Résilience du 22 août 2021, nous constatons, au contraire, que celle-ci progresse très rapidement dans notre département.

Infrastructures routières ou portuaires, zones commerciales et d’activité économique, lotissements, parcs éoliens et photovoltaïques se multiplient, au mépris des enjeux écologiques les plus immédiats, comme celui de l’eau, de plus en plus dramatique dans notre département, qui entre dans sa deuxième année consécutive de sécheresse. Au mépris aussi des aspirations des habitants.

À Céret, le conseil départemental soutient « quoi qu’il en coûte » (plus de 33 millions d’euros), et à grand renfort de communication et de pression, la construction d’un viaduc sur le Tech qui sera le prétexte d’une urbanisation massive — plus 3 000 habitants et près de 500 logements — et d’un vieux projet mégalo de golf à dix-huit trous. Le tout sur des terres fertiles et dans un environnement encore préservé.

Sorède, Argelès, Thuir...

À Montesquieu-des-Albères (1 200 habitants), on déplore deux projets : l’une des quatre-vingts villas à flanc de montagne et en bordure d’une zone Natura 2000 (projet Famade), qui perturbera les espèces animales et le réseau de veines hydrauliques, dans un contexte de sécheresse récurrente ; l’autre de lotissements Albera Lodge.

À Sorède, la mairie a lancé précipitamment une enquête publique afin de créer une zone d’aménagement différé (Zad) sur 5 hectares de terres agricoles, avec une pression active de la préfecture sur les autorités environnementales. Ce projet met en péril plusieurs espèces nicheuses patrimoniales comme la Pie-grièche. Un autre projet veut imposer un écoquartier qui, en fait, détruira des jardins familiaux existants.

La destruction d’une partie du bois de Sorède à Argelès a provoqué une manifestation spontanée de 300 personnes, le 31 octobre 2021. © Argeles Nature Environnement

À Argelès, la mairie envisage l’extension du port avec 250 anneaux (places pour bateaux) supplémentaires, la construction de 450 maisons en lieu et place d’une chênaie presque centenaire et déjà partiellement détruite, une nouvelle Zac ainsi que des opérations sur une zone humide. Ces aménagements sont démesurés par rapport à la croissance démographique.

Sur cet espace naturel du bois de la Sorède encore préservé, la commune d’Argelès envisage la construction de centaines de villas individuelles. © Mairie d’Argelès

À Port-Vendres, la mairie envisage, encore une fois, d’ouvrir à la construction tout un secteur proche du rivage (les Tamarins et le Pont de l’Amour), en totale contradiction avec la loi Littoral.

À Villeneuve-de-la-Raho, en pleine zone sèche, la municipalité autorise l’aménagement d’un golf dans les cartons depuis vingt ans et déclaré « d’utilité publique ».

À Thuir, une nouvelle zone commerciale Super U a été construite sur un espace naturel, alors que la ville comptait déjà quatre enseignes de supermarché.

Dans tout le Conflent, on ne compte plus les projets immobiliers de résidences principales ou secondaires sur les meilleures terres agricoles de la plaine de Vinça, et tout autour de Prades — ancienne mairie de Jean Castex, qui était aussi président de la communauté de communes Conflent Canigó, et a donc piloté le plan local d’urbanisme intercommunal (PLUI) contre lequel il y a aujourd’hui un recours porté par Frene66 —, comme à Codalet. Ces projets incluent systématiquement des piscines individuelles, qui font pression sur la nappe phréatique profonde.

Des dizaines de projets de lotissements contribuant à l’étalement urbain et à la pression sur la ressource en eau, comme ici à Catllar près de Prades, sont prévus dans tout le département. © Micheline

À Marquixanes, le préfet donne finalement un avis favorable à un contournement routier coûteux (30 millions d’euros) et contesté, en dépit de la liaison ferroviaire et d’alternatives plus sobres, tel le réaménagement de la route.

En Cerdagne, l’étalement urbain menace le plateau et des zones Natura 2000 à des fins de tourisme de masse et de commerce. Plusieurs projets sont actuellement attaqués au tribunal par des associations locales comme Bien vivre en Pyrénées catalanes.

Sur le plateau de la Cerdagne, au pied des montagnes, cet espace agricole pourrait être urbanisé. © BVPC

Dans les Fenouillèdes, des éoliennes industrielles sont déjà installées dans un parc naturel au mépris de la faune aviaire, du patrimoine bâti, du paysage ainsi que du bien-être des habitants. Un projet de parc photovoltaïque de 15 hectares sur un espace naturel a été freiné grâce aux nombreuses oppositions, mais rien n’est définitivement acquis et le combat continue.

La plaine de Rivesaltes, déjà bien défigurée par de nombreux hangars d’activité, accueillera bientôt une nouvelle infrastructure Amazon, que même les habitants du Gard n’ont pas voulue.

À cette urbanisation frénétique, soutenue par certains élus et hauts fonctionnaires, s’ajoute le projet de la future ligne TGV entre Montpellier et Perpignan, qui, au prétexte de faire gagner une heure de trajet, créera une balafre supplémentaire dans l’un des plus beaux paysages de France.

« Nous vous engageons à alerter et rallier les groupes locaux qui résistent »

La liste n’est pas exhaustive. Partout, sur les bords de route, vous voyez chaque jour de nouveaux panneaux publicitaires vantant des programmes immobiliers inscrits dans des décors champêtres en réalité voués à être détruits.

Tous ces projets sont l’objet de PLUI. Il s’agit de documents très complexes, élaborés par quelques professionnels experts et validés par des élus dépourvus de réelles connaissances techniques. La population ne pouvant en prendre connaissance, aucun débat de fond n’a lieu entre citoyens et élus sur la pertinence des projets, et cela soulève des résistances. D’autant plus que les consultations citoyennes organisées ne sont pas prises en compte dans les décisions finales.

C’est pourquoi nous, associations et collectifs du département, nous vous engageons, vous, nos concitoyens, à vous informer dans vos villages, à alerter et à rallier les groupes locaux qui résistent à ces différents chantiers pour constituer un mouvement d’ampleur départementale et une force de propositions alternatives.

Nous vous enjoignons, vous, les élus, à bien réfléchir à ce qui vous anime lorsque vous décidez de bétonner. Quels intérêts économiques particuliers soutenez-vous ? Quelle trace voulez-vous laisser sur le paysage et dans la mémoire collective ? Car, aujourd’hui, de plus en plus de citoyens désirent être les acteurs de leur environnement proche, pour influer sur son évolution climatique et sociétale. C’est une réalité irréversible, avec laquelle vous allez désormais devoir compter. Le territoire français doit enfin devenir « le patrimoine commun de la nation », comme l’affirme l’article L. 110 du Code de l’urbanisme.

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