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ReportagePolitique

Violences en manif : à l’Assemblée, les députés se défoulent contre les écolos

En soutien aux militants de Dernière rénovation auditionnés dans le cadre d'une commission d'enquête à l'Assemblée nationale, des activistes et élus se sont rassemblés devant le bâtiment le 27 juin 2023.

Trois militants de Dernière rénovation étaient auditionnés le 27 juin dans le cadre d’une commission d’enquête sur les « groupuscules auteurs de violence ». Les questions ont porté sur leur rapport à la violence et les événements à Sainte-Soline.

Paris, reportage

Face à une poignée de militants vêtus d’un gilet de sécurité orange fluo, caractéristique de Dernière rénovation, un agent de police menace : « Il vaut mieux que les choses se déroulent dans le calme, sinon ce sera une interpellation. » Le rassemblement devant l’Assemblée nationale, dans la soirée du mardi 27 juin, du collectif et de ses soutiens, ne semble pas le bienvenu.

Ironique : à l’intérieur même du bâtiment qui se dresse devant eux, trois militants de Dernière rénovation ont été convoqués pour répondre à une commission d’enquête sur « la structuration, le financement, les moyens et les modalités d’action des groupuscules auteurs de violences ». Attac et Extinction Rebellion (XR) sont également convoqués. XR a choisi de ne pas s’y rendre, Attac sera auditionné le 11 juillet.

Sainte-Soline au cœur de l’interrogatoire

La commission d’enquête porte sur toutes les manifestations ayant eu lieu courant mars et avril. Mais au cœur des échanges, un événement revient : Sainte-Soline (Deux-Sèvres). Dans son rapport introductif, la commission d’enquête juge que cette mobilisation contre les mégabassines, pour les militants les plus virulents, « s’apparentait plus à une action préméditée et organisée qu’à une mobilisation destinée à faire valoir des revendications légitimes ».

Pendant l’audition, les parlementaires du Rassemblement national (RN), Horizons et Renaissance testent le soutien entre les organisations écologistes. « Quand des individus au nom de la cause environnementale viennent avec des armes par destination, vous ne cautionnez pas, n’est-ce pas ? » ; « J’imagine que votre solidarité [vis-à-vis des Soulèvements de la Terre] s’arrête à la violence ? » relance encore et encore le rapporteur macroniste Florent Boudié.

En face, les militants de Dernière rénovation réitèrent leur solidarité avec ces dernières actions. « Ce qui me choque, ce sont les 6 000 grenades tirées. Elles n’ont pas été tirées par les manifestants », répond Florence Marchal, de Dernière rénovation. « Il faut remettre la culpabilité au bon endroit. Le problème c’est l’inaction politique, c’est que l’action non violente n’est pas écoutée », complète à ses côtés Pierre Taieb.

Prenant la parole dans la foulée, le député écologiste Aymeric Caron se dit « choqué » par les questions posées. Il estime qu’elles reviennent à « installer l’idée, dans les médias et l’opinion, que le mouvement écologiste est une nébuleuse, dans laquelle la limite avec la violence est toujours floue ».

D’autres parlementaires assument d’aller plus loin que cette suggestion. La députée du RN Edwige Diaz juge, par exemple, que bloquer un périphérique ou intervenir dans un événement sportif comme le fait le collectif est déjà « une forme de violence, car vous imposez votre présence ».

« On gagne du terrain »

L’idée de cette commission : « Donner la parole aux fantasmes du gouvernement », résume Vincent Gay, pour Attac. « Une volonté d’intimidation du mouvement social et écologiste », complète la porte-parole d’Attac, Youlie Yamamoto.

Tout cela s’inscrit en effet dans une logique. Mercredi 28 juin, au moins huit responsables associatifs et syndicaux ont été convoqués à la gendarmerie dans les Deux-Sèvres pour « organisation d’une manifestation interdite » à Sainte-Soline. Une semaine plus tôt, la dissolution des Soulèvements de la Terre était actée en Conseil des ministres. Les jours précédents, des vagues d’arrestations d’activistes avaient été menées par la sous-direction antiterroriste.

« Je suis allée visiter les gardés à vue des Soulèvements de la Terre, ils étaient au quatrième sous-sol de la DGSI [Direction générale de la sécurité intérieure]. Maintenant on a cette commission d’enquête…, raconte la députée Sandrine Rousseau (EELV). On a l’impression que le pouvoir en place a plus peur des militants écolos que du réchauffement climatique, et c’est une erreur. »

Cette commission d’enquête apparaît comme le « symbole de la répression qui grandit », conclut au micro une porte-parole de Dernière rénovation, alors que la police a accordé cinq minutes maximum au rassemblement devant l’Assemblée. « Mais cette répression est le signe qu’on gagne du terrain. Que c’est en train de marcher. Et qu’il ne faut pas perdre espoir : c’est le moment d’aller plus loin. »

Les cinq minutes se sont écoulées. Alors que les militants se dispersent, quelques agents les suivent pour vérifier les rues qu’ils empruntent. Juste avant qu’un groupe de jeunes ne s’éloigne trop, un agent leur intime l’ordre — sans raison — de retirer chacun leur gilet de sécurité orange. Un ordre discret, banal ; mais qui résonne avec ce qui se joue à l’intérieur de l’Assemblée.

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