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ReportageCulture et idées

Violoncelliste, Olivia Gay fait vibrer les forêts

La violoncelliste Olivia Gay a fait de son art un outil de sensibilisation à la crise écologique. Grâce à ses concerts donnés en forêt, la musicienne espère convaincre son public de la nécessité de la préserver.

Forêt de Compiègne (Oise)

Au détour d’une balade dans la forêt de Compiègne, dans le parc du château de Pierrefonds au nord de Paris, les flâneurs ont découvert une dizaine de rangées de chaises vides donnant sur une scène déserte. À quelques dizaines de mètres de là, une femme vêtue d’une longue robe marron, talons aiguilles achevant sa tenue, a attrapé un violoncelle. Petit à petit, la foule est arrivée. Le samedi 6 mai, Olivia Gay, 37 ans, a joué devant plus de 200 personnes au beau milieu des arbres centenaires.

Cette musicienne donne des concerts acoustiques à ciel ouvert depuis l’été 2022. Le concept de son projet « Le silence de la forêt » : faire le tour de France des bois pour sensibiliser aux conséquences de la crise écologique.

Avant d’entamer sa prestation d’une heure, que seuls les merles, les pics et de vifs applaudissements ont osé déranger, elle a expliqué sa démarche. « La forêt est la principale source d’inspiration des artistes depuis la nuit des temps », a déclaré la trentenaire. Les morceaux au nom évocateur se sont enchaînés — Le Roi des aulnes, de Schubert (1815), la suite Dans la forêt, de David Popper (1882), le sautillant Papillon, de Gabriel Fauré (1884), Le calme de la forêt, de Dvořák (1883)… Ils se mêlaient à une fable écologique contée par la musicienne, accompagnée sur sa scène mobile par un pianiste.

« Je vais chercher le sensible là où l’Office national des forêts va chercher l’intellect par des données factuelles. »

Jouer dans la forêt n’a rien de simple. La principale difficulté : l’acoustique. « En milieu naturel, on a un son brut. Ce n’est pas quelque chose de simple pour les musiciens classiques qui ont l’habitude des salles de concert », explique-t-elle, les cheveux bruns détachés, descendant jusqu’aux hanches. La météo est aussi à prendre en compte. D’ailleurs, le spectacle a failli être annulé à cause de la pluie. Le temps, à l’humeur taquine n’aura pas eu raison de la sérénité d’Olivia Gay, accompagnée de son pianiste Aurélien Pontié.

Cet amour de la nature ne vient pas de nulle part. Olivia Gay le cultive depuis son enfance dans l’est de la France, au pied des Vosges. Randonnées, cueillette de champignons... « Ma maman ne supportait pas que l’on soit enfermé, donc on passait beaucoup de temps dehors », dit-elle d’une voix assurée. Sa deuxième passion, après la musique, c’est d’ailleurs l’équitation.

« La forêt est la principale source d’inspiration des artistes depuis la nuit des temps. »

« La forêt est tellement indispensable à notre bien-être psychique »

À 17 ans, bac en poche, direction Paris pour ses études au Conservatoire à rayonnement régional. « Et là, c’est le choc », confie-t-elle. Cet environnement urbain est à mille lieues de ses Vosges natales. À tel point qu’elle rentre chez elle tous les week-ends. « Je ne l’ai pas très bien vécu. C’était assez désagréable et bouleversant. J’avais besoin de retrouver mon cheval, ma nature et ma région. » C’est en Allemagne, quelques années plus tard, qu’elle a eu l’occasion de quitter la ville. Elle habitait alors en pleine Forêt-Noire, à quinze minutes en voiture de l’École supérieure de musique de Fribourg où elle étudiait. Sa maison ? Un petit chalet, « comme dans le roman Heidi. Il y avait un ruisseau qui coulait à côté, des vaches qui broutaient autour », décrit-elle, un brin nostalgique.

Revenue en France depuis la fin de ses études, Olivia Gay a aujourd’hui à cœur d’alerter sur la crise climatique et ses effets sur les forêts, et tient à souligner l’importance de la nature pour les artistes. Cette dernière « a toujours été essentielle pour la création », même si l’on en parle trop peu. « La forêt est pourtant tellement indispensable à notre bien-être psychique, psychologique ainsi qu’à notre créativité et notre santé à tous. »

Comment se porte son lieu de travail ? « Ce n’est pas une surprise de dire que la forêt va mal », résume-t-elle. Elle cite les mégafeux, « conséquences directes du changement climatique ». Elle jouera d’ailleurs à La Teste-de-Buch, en Gironde, pile un an après l’incendie qui a détruit plus de 7 000 hectares. Elle évoque, aussi, les attaques de champignons, comme le chancre du châtaignier par exemple. Elle qui est ambassadrice du fond de dotation ONF-Agir pour la forêt lui reverse 60 % de l’argent généré par son album intitulé Whisper Me A Tree« Chuchotez-moi un arbre ». Il servira, entre autres, à reboiser la forêt d’Echarcon, en Essonne, décimée à plus de 50 % par la maladie causée par ce champignon.

« Je vais chercher le sensible là où l’Office national des forêts va chercher l’intellect par des données factuelles », conclut la musicienne assise sur une chaise face au public, instrument en main. Elle espère sensibiliser son public aux dangers qui pèsent sur la forêt en touchant « au cœur ».

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