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Culture

« Construire un paradis en enfer » : 8 écoptimistes contre le fatalisme

Louise Arrivé, étudiante de l’École urbaine de Sciences Po, et les autres écoptimistes présents ont préparé un happening en guise d’introduction, le 13 février 2023.

Guillaume Meurice, l’élue EELV Léonore Moncond’huy, l’activiste Guillermo Fernandez... Pour la sortie de son livre « Les Écoptimistes », la journaliste Dorothée Moisan a réuni avec Reporterre un panel de personnes « enthousiasmantes ».

Paris, reportage

Dans un monde où tout semble s’effondrer, existe-t-il un remède efficace pour soigner l’écoanxiété ? Voilà l’énigme qui a poussé la journaliste Dorothée Moisan à s’intéresser à celles et ceux qui ont su dépasser ce mal du siècle engendré par la catastrophe climatique en cours. Le résultat prend la forme d’un livre réjouissant destiné à souligner qu’au bout de ce constat sombre se trouvent des motifs de réconfort. Publié dans la collection Seuil-Reporterre, Les Écoptimistes dresse le portrait de neuf personnes qui, à leur manière, créent « une société en adéquation avec les limites planétaires ».

Lors d’une rencontre organisée par Reporterre lundi 13 février, à l’Académie du climat, dans le 4e arrondissement de Paris — lieu destiné à « se mettre en mouvement et œuvrer ensemble pour une transition écologique juste et solidaire » —, Dorothée Moisan a réuni huit de ses neuf « Avengers de l’écoptimisme ».

De g. à d. : Louise Arrivé, Gilles Clément, Anne de Béthencourt, Guillermo Fernandez, Léonore Moncond’huy, Dorothée Moisan, Heïdi Sevestre, Guillaume Meurice et Franck Courchamp. © Mathieu Génon / Reporterre

Gilles Clément, Guillaume Meurice, Heïdi Sevestre...

Prenant à bras-le-corps les questions de transmission, de militantisme, d’actions et de liens, cette euphorie réaliste est portée par le jardinier Gilles Clément, l’humoriste Guillaume Meurice, l’ingénieur low-tech Corentin de Chatelperron, la maire Europe Écologie-Les Verts (EELV) de Poitiers Léonore Moncond’huy, la glaciologue Heïdi Sevestre, l’écologue Franck Courchamp, la conseillère en transition Anne de Béthencourt, l’étudiante Louise Arrivé et l’ancien gréviste de la faim qui a fait plier le gouvernement helvétique Guillermo Fernandez. Tous ont en commun de remettre le collectif au centre d’une société trop souvent repliée sur elle-même. Ou encore, « de ne pas être des écologistes en PLS », plaisante Guillaume Meurice.

Au départ, certains ont même refusé de participer, de crainte de verser dans une caricature de l’écologiste « béat », « naïf ». Loin de penser qu’il suffit de fermer le robinet pendant que l’on se brosse les dents pour sauver l’humanité, ces écoptimistes ne minimisent pas les embûches qui les attendent, et s’engagent à leur manière dans une lutte de long terme pour remporter des batailles. Au-delà, c’est une transformation en profondeur d’une société toujours consumériste qui est attendue. « Agir pour ne pas céder aux sirènes du fatalisme » résonne chez eux comme un mantra.

La glaciologue Heïdi Sevestre (au micro) et la journaliste Dorothée Moisan. © Mathieu Génon / Reporterre

D’emblée le ton est donné. « Au beau milieu du tunnel de l’écoanxiété, la lumière se fait rare, lance en préambule Dorothée Moisan. Alors que je me sentais paralysée par l’ampleur du défi, ils ont été mon halo de lumière. » Pour la journaliste, le déclic a eu lieu en avril 2015 après avoir refermé une revue de consommateurs qui alertait sur la dangerosité des produits ménagers. « J’ai réalisé que ces produits entassés sous mon évier et prétendument miraculeux empoisonnaient mon foyer bien plus qu’ils ne le nettoyaient. » Très vite, elle a mis un terme à ses dix-huit années passées à l’AFP pour se spécialiser sur les questions climatiques et environnementales, et a même repris des études pour l’occasion.

C’est là que tout a basculé. « Après l’éveil, la chute, résume-t-elle par cette formule lapidaire. J’ai pris conscience de l’ampleur du désastre et du défi à relever. » En guise de « thérapie personnelle », elle a décidé de partir à la quête « de celles et de ceux qui avaient réussi là où [elle] était en train d’échouer ».

Guillaume Meurice : « Ne pas subir en faisant des blagues, c’est dire au réel : tu ne me fais pas peur. » © Mathieu Génon / Reporterre

« Soyons pirates et vivons des aventures »

Poussant à son paroxysme l’enthousiasme du concept, la soirée s’ouvre ensuite sur une mise en scène savamment orchestrée. En amont, chacun des écoptimistes présents a préparé un happening en guise d’introduction. À commencer par la benjamine de l’équipe : Louise Arrivé. L’étudiante de l’École urbaine de Sciences Po déboule sur l’estrade, mégaphone en mains au son de « Les écoptimistes, c’est nouuuus ». À tout juste 23 ans, la jeune femme a fait partie des jeunes « ambassadeurs » pour le climat triés sur le volet pour participer à la COP26 de Glasgow, en 2021.

L’année dernière, dans le cadre du Relais jeunes, elle a réalisé un tour de France à la découverte des initiatives en faveur de la transition visant à sensibiliser le public et fédérer les associations locales autour des enjeux de justice sociale, environnementale et de démocratie. « Je suis ressortie avec le sentiment d’être à la bonne place », confie-t-elle à Reporterre.

Louise Arrivé, étudiante de l’École urbaine de Sciences Po, a déboulé sur l’estrade, mégaphone en mains au son de « Les écoptimistes, c’est nouuuus ». © Mathieu Génon / Reporterre

Elle en est convaincue, la lueur d’espoir réside dans « l’intelligence collective » qui « arrive à fédérer et coordonner un groupe autour d’un objectif commun ». Celle qui s’intéresse particulièrement aux nouveaux modes de gouvernance et aux enjeux de résilience alimentaire vise à développer des projets de société à l’échelle locale qui créeront des ponts entre tous les pans d’une même société : de l’ouvrier aux technocrates en passant par les artistes.

Plusieurs centaines de personnes ont participé à la soirée. © Mathieu Génon / Reporterre

Attachée à un fauteuil qu’elle traîne péniblement pour mimer son paquetage dans les glaciers, Heïdi Sevestre explique miser avant tout sur l’éducation — « la vulgarisation de cette science du climat pour motiver le passage à l’action ». Pour Guillaume Meurice, la solution serait d’abord de « sortir de l’espoir », car « la meilleure manière d’être déçu, c’est d’avoir au départ de l’espoir », tranche le trublion de France Inter. « Ne pas subir en faisant des blagues, c’est dire au réel : tu ne me fais pas peur. »

« Être écoptimiste, c’est construire un paradis en enfer »

À sa droite, l’élue Léonore Moncond’huy, abonde dans le même sens : « Être dans l’action est le meilleur moyen de lutter contre sa propre écoanxiété, mais aussi de transmettre l’énergie aux autres. » Convaincue que l’éducation populaire constitue la solution pour améliorer le vivre-ensemble, la maire de Poitiers veut prouver que « la politique peut être un champ d’engagement positif ». Loin de prôner l’anarchisme, le jardinier Gilles Clément mise, lui, sur « la désobéissance » dont la réussite s’illustre par le succès de la zad de Notre-Dame-des-Landes.

Le paysagiste et botaniste Gilles Clément mise sur « la désobéissance ». © Mathieu Génon / Reporterre

« Bien sûr », il y a des phases de découragement, admet Franck Courchamp, qui ne cesse de voir la matière qu’il étudie, la biodiversité, menacée. Parmi les motifs de satisfaction, l’écologue cite pêle-mêle : une partie de la jeunesse très engagée pour le climat, les produits bio et locaux qui recouvrent les étalages des supermarchés ou encore l’essor des ressourceries.

Terrorisé par l’avenir qu’il allait laisser à ses deux filles, Guillermo Fernandez s’est engagé dans la lutte contre le réchauffement climatique après avoir lu l’un des derniers rapports du Giec. Au bout d’une grève de la faim longue de trente-neuf jours, il a contraint le gouvernement suisse à organiser une journée de formation entre les élus et les scientifiques. « Au lieu d’attendre la catastrophe, soyons pirates et vivons des aventures, s’enthousiasme-t-il avant de conclure : Finalement, être écoptimiste, c’est construire un paradis en enfer. »


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