Corrida : les députés rejettent l’abolition

- Pxhere/CC0
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Politique AnimauxUne proposition de loi destinée à interdire ce spectacle tauromachique, signée par un peu moins de 100 députés de la Nupes et portée par le député Aymeric Caron, a été rejetée le 16 novembre par la commission des lois.
« Vous venez d’envoyer un signal terrible aux Français. » Aymeric Caron est agacé. Mercredi 16 novembre, les députés de la commission des lois ont rejeté l’abolition de la corrida, portée par l’élu Révolution écologique pour le vivant (REV), qui siège dans les rangs du groupe La France insoumise (LFI). Un texte visant à mettre fin à une dérogation dans le cadre des « courses de taureaux lorsqu’une tradition locale ininterrompue peut être invoquée », permise par l’article 521-1 du Code pénal qui, par ailleurs, sanctionne la maltraitance animale.
« Cette proposition de loi semble parler des taureaux, avait introduit Aymeric Caron pour défendre son texte. En réalité, elle parle de nous, les humains. Elle vous demande qui vous êtes réellement. Êtes-vous de ceux qui cautionnent la torture et l’exécution publique d’un animal ou de ceux qui s’élèvent contre la barbarie ? »
Ces images, qui montrent la vérité des corridas, ont été tournées par @L214. Je conseille aux députés de la @AN_ComLois qui ont voté hier pour le maintien de cette pratique de les regarder. Et qu’ils confirment ensuite qu’ils approuvent cette face de l’humanité. pic.twitter.com/BwQZA3sIua
— Aymeric Caron (@CaronAymericoff) November 17, 2022
La « tradition » en question
D’autres, à l’image des élus du parti dirigé par Jordan Bardella, tiennent une ligne de crête. « Les députés RN [Rassemblement national] sont attachés au bien-être animal, mais sont aussi les premiers défenseurs de nos traditions et cultures locales, a dit Timothée Houssin (RN). Les articles 521-1 et 522-1, tels que rédigés avant [cette] proposition de loi, tentent de répondre à ces deux impératifs. » Le reste de son intervention n’a pas laissé place au doute : il est contre. Ce qui ne l’a pas empêché de nuancer : « La corrida entraîne une souffrance animale. [Donc] une partie des élus RN préférerait qu’elle soit interdite. » La liberté de vote a été actée.
De leur côté, les groupes Démocrate (MoDem et Indépendants) et Horizons ont voté majoritairement contre. Si le gouvernement s’y est opposé également, le groupe Renaissance (ex-LREM) a été désuni. « Nous ne voulons pas interdire, normer et réguler. [...] Si nous adoptons ce texte, quelle sera la prochaine tradition locale que nous interdirons, les courses camarguaises, les courses landaises, l’élevage des oies et des canards ? » a précisé Marie Lebec (Renaissance). Ironie de l’histoire : elle a revendiqué quelques secondes plus tard l’interdiction par l’exécutif des delphinariums. Pour LR, enfin, cette abolition signerait la « condamnation de toute une économie locale qui génère plus de 100 millions d’euros de retombées économiques et plusieurs milliers d’emplois », a assuré Anne-Laure Blin.
Des arguments qui sont allés jusqu’à diviser la Nupes [1]. Le PCF, par la voix de Pierre Dharréville, s’est fait ouvertement critique du texte. Du côté du PS, Cécile Untermaier a souligné que sa formation est partagée. Sandra Regol (EELV) — comme les élus de son groupe — a appuyé quant à elle la proposition d’Aymeric Caron : « Une tradition occitane très forte, c’est la fête. Quand on la fait, on ne tue personne, on célèbre. Et on célèbre généralement la vie. »
« Il faut donner la parole aux citoyens »
Preuve que d’aucuns ont su se départir des « traditions », Michel Sala et Sébastien Rome, députés insoumis de circonscriptions « taurines » (Gard et Hérault), ont défendu le texte en commission. Prendre parti ainsi n’a, en commission, pas été suffisant. Sur une cinquantaine d’élus présents, au moins 27 membres de la représentation nationale se sont prononcés contre. Quand environ 13 d’entre eux ont soutenu ce texte.
Hélène Thouy (Parti animaliste), dont la formation n’a aucun député, a néanmoins une solution toute trouvée : « Il faut donner la parole aux citoyens. Si on faisait un référendum sur la fin de l’élevage intensif, de la corrida et des combats de coqs, on gagnerait. »
Au demeurant, la proposition de loi est malgré tout inscrite à l’ordre du jour en séance plénière le 24 novembre. Faute de temps, elle pourrait toutefois ne pas être débattue. Et si Aymeric Caron a « de l’espoir », il est tout de même prudent : « On constatera la force du lobbying. »