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En grève de la faim contre l’A69, Thomas Brail investit un arbre face au ministère

Le défenseur des arbres Thomas Brail a entamé une grève de la faim le 1er septembre pour dénoncer le chantier de l'A69. Ici à Toulouse, le 12 septembre 2023.

En grève de la faim depuis 15 jours, Thomas Brail s’est installé dans un platane devant le ministère de la Transition écologique, à Paris. Opposé à l’autoroute Toulouse-Castres, il réclame l’arrêt des travaux et une réunion avec Clément Beaune et Carole Delga.

Paris, reportage

Devant le ministère de la Transition écologique, à Paris, les passants ne cessent de lever les yeux au ciel. Tous sont intrigués : pourquoi diable y a-t-il des hamacs, divers cordages et surtout trois hommes perchés à plusieurs mètres de hauteur dans un arbre ? Assiste-t-on au tournage d’un film, comme le demande une dame ? C’est pourtant une scène réelle qui se déroule sous les yeux des chics mamies de Saint-Germain-des-Prés : depuis 5 h 30 du matin le 14 septembre, Thomas Brail, accompagné de « deux copains », a installé un campement dans un platane.

Une façon, pour le fondateur du Groupement national de surveillance des arbres (GNSA), en grève de la faim depuis quinze jours, de poursuivre son combat contre le projet d’A69 entre Toulouse et Castres. Le lieu n’a pas été choisi par hasard : outre la suspension des travaux de l’autoroute, qui ont débuté en avril 2022, le grimpeur réclame un rendez-vous avec Clément Beaune, ministre des Transports, qui dépend du ministre de la Transition écologique Christophe Béchu.

Le but, à terme, est de « mettre en place une réunion de travail avec [Beaune et] la présidente du conseil régional d’Occitanie Carole Delga », qui soutient le chantier de l’A69, nous dit Thomas Brail.

« Des projets inutiles et anachroniques »

« On a roulé toute la nuit pour venir ici. Je suis très fatigué, je tiens à peine sur mes jambes, mais nous ne sommes pas là pour rigoler : tant que l’on n’obtiendra pas ce que l’on demande, je ne lâcherai rien. » Thomas Brail, qui répond aux questions des journalistes par téléphone, sort la tête de son portable : même à dix mètres de hauteur, son visage apparaît émacié.

Le défenseur des arbres a débuté sa grève de la faim le 1er septembre, après que sept platanes de Vendine (Tarn), situés le long des travaux de l’A69, ont été coupés. Le 11 septembre, il a ensuite installé un campement dans un arbre devant le conseil régional d’Occitanie, à Toulouse, avant d’être hospitalisé le 12 septembre en raison de douleurs à la cage thoracique. Pas de quoi l’arrêter : à peine sorti de l’hôpital — et souffrant finalement d’une déchirure à l’épaule —, il n’a pas tardé à filer à Paris.

Lire aussi : Bulldozers, béton, arbres coupés : la future A69 détruit tout sur son passage

« Pour construire cette autoroute, des milliers d’arbres vont être abattus, plusieurs centaines d’hectares de terres fertiles vont être saccagées… Il faut arrêter avec ces projets inutiles et anachroniques, alors que tous les voyants sont au rouge : l’année 2023 pourrait être la plus chaude jamais enregistrée », dit Thomas Brail.

Depuis plusieurs années, de nombreuses associations écologiques dénoncent ce projet d’A69 et proposent des alternatives. « Cela fait trente ans que le dossier est sur la table [depuis 1994], nous ne sommes plus à quelques mois près. Nous demandons donc la suspension des travaux tant que la justice n’aura pas rendu sa décision sur les quatre recours juridiques déposés contre ce chantier », ajoute-t-il.

« Il a ce combat chevillé au cœur »

Au sol, plusieurs personnes venues en soutien s’activent : il est temps d’apporter à « Tom » de l’eau citronnée, la seule denrée qu’il ingurgite depuis près de deux semaines. L’homme étant toujours perché dans les airs — et les forces de sécurité dépêchées en bas de l’arbre empêchant quiconque de le rejoindre —, la tâche n’est guère aisée.

Martine Sorba, coprésidente du GNSA, s’emploie à attacher une bouteille à un cordage lancé depuis le campement de Thomas Brail. Mission accomplie pour elle, épaulée par Yves Colin, du collectif Sauvons les arbres : la mixture jaune prend finalement son envol. « Thomas est déterminé. Il met en danger sa santé, son travail, mais il a ce combat chevillé au cœur : en sauvant les arbres, c’est la biodiversité et la vie que l’on sauve », dit-elle.

Pour tenir, Thomas Brail prend de l’eau citronnée, ici apportée par Martine Sorba, coprésidente du GNSA. © Amélie Quentel / Reporterre

Le 14 septembre en début d’après-midi, le GNSA et le collectif La Voie est libre, également opposé au projet, ont fait savoir que Carole Delga leur avait proposé, à l’oral, une rencontre le 21 septembre.

Accueillant « positivement » cette « avancée », ils ont néanmoins maintenu plusieurs conditions à la tenue de cette « médiation » : la présence de Clément Beaune ou de Christophe Béchu à cette réunion, et la suspension des travaux de l’A69 de « manière provisoire, mais sans délai » au regard de « l’extrême urgence liée à l’état de santé des citoyennes engagées dans une grève de la faim ». Vers 17 heures, Thomas Brail, allongé les mains derrière la tête, était toujours perché dans son platane. Il a été rejoint dans sa grève de la faim par six autres opposants à l’A69.

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