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Politique

Énergie : le gouvernement reste sobre en mesures fortes

Elisabeth Borne le 6 octobre 2022 lors de la présentation du Plan sobriété.

Baisser le chauffage, rouler moins vite... Les mesures de réduction des consommations annoncées par l’État sont presque toutes fondées sur le bon vouloir de chacun. Un premier pas, certes, mais peu ambitieux jugent les assos.

Les signaux ne trompaient pas. Les comportements vertueux des ministres (col roulé, doudounes et fil à linge) mis en scène maladroitement ces derniers jours auguraient d’un plan sobriété... sobre en mesures fortes. Objectif : aider la France à baisser sa consommation d’énergie de 10 % d’ici à 2024. Ce plan était pourtant attendu depuis que le gouvernement avait adopté, soudainement, cette notion phare de la pensée écologiste. La Première ministre elle-même a reconnu qu’il « y a quelques mois à peine, peu d’entre nous étaient familiers de ce concept ». Cette fois, c’est sûr : « Ça n’est pas un effet de mode le temps d’un hiver, c’est une nouvelle manière de penser et d’agir », a assuré Élisabeth Borne jeudi 6 octobre devant plusieurs centaines d’invités, après une demi-journée de prise de parole de dizaines d’intervenants, dont huit ministres. « La sobriété, ce n’est pas la décroissance, c’est surtout du bon sens », a soutenu Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition écologique.

Le bon sens, surtout, d’appliquer des mesures qui existent déjà, comme la limitation du chauffage des bâtiments publics, logements et bureaux à 19 °C maximum, inscrite dans le Code de l’énergie depuis 2015, avec une incitation à baisser à 18 °C en cas de tension sur le réseau. Celle-ci sera connue grâce à une « météo de l’électricité » : l’outil écowatt promu par le gestionnaire du réseau, RTE.

Les fonctionnaires invités à se laver les mains à l’eau froide

Le plan invite à d’autres efforts, notamment dans les services de l’État. Les fonctionnaires de tout le pays sont invités à se laver les mains à l’eau froide et à rouler moins vite sur l’autoroute (110 km/h). Cette mesure, qui ne concernera que quelques centaines de milliers des agents de l’État, est pourtant efficace : réduire sa vitesse de 20 km/h permet une économie de carburant de 25 %, selon l’association Négawatt. Le télétravail est privilégié les jours fériés et l’obligation d’extinction des enseignes et publicités lumineuses de 1 heure à 6 heures du matin aux villes de plus de 800 000 habitants [1] est maintenue cet hiver.

Côté transport, la seule mesure concerne le covoiturage, avec une incitation financière de 100 euros [2] à partir du 1er janvier, sans aucune mesure en faveur du train ou des autres transports en commun. En matière de moyens, ce plan ne coûte quasiment rien au pouvoir puisqu’il s’appuie uniquement sur la bonne volonté, assortie d’une grande campagne de communication « chaque geste compte ». Celle-ci, qui débutera lundi 10 octobre, rappellera aux plus anciens la chasse au gaspi de l’époque du choc pétrolier des années 1970 : baisse du chauffage, extinction des veilles, décalage de l’usage de l’électroménager intensif en dehors des pics du matin, midi et du soir.

« C’est un premier pas »

Des « écogestes » qui, s’ils ont leur importance, ne représentent que 5 à 10 % de la baisse potentielle de l’empreinte carbone d’un ménage, selon une étude de 2019 du cabinet Carbone 4. Ce plan n’aura en tout cas qu’un effet modéré sur l’impact carbone puisqu’il vise avant tout la consommation d’électricité pour diminuer la pointe hivernale, et écarte de ce fait toute mesure de sobriété réellement efficace pour lutter contre les émissions de gaz à effet de serre — comme la baisse de la consommation de viande, par exemple.

C’est donc bien d’un plan pour « passer l’hiver » et éviter les coupures intempestives qu’il s’agit, loin d’une réelle planification écologique. Malgré la faiblesse des ambitions, l’association Negawatt, chantre de la sobriété énergétique depuis vingt ans, veut y voir un « premier pas », selon Yves Marignac, son porte-parole. Deux ans après l’ironie macronienne sur le « modèle amish », il se réjouit auprès de Reporterre que la sobriété soit « pour la première fois explicitement l’objet de mesures gouvernementales » avec des décisions « dans le bon sens » et avec un « bon périmètre, des secteurs couverts et des postes de consommation visés assez nombreux ». Même si l’ensemble manque de « moyens de concrétisation ». Il regrette notamment l’absence de « véritable dispositif de suivi et d’évaluation des gestes d’économie » demandés.

« Il manque des mesures de justice sociale »

Au Réseau Action Climat, on se réjouit de l’initiative tout en s’interrogeant : « Pourquoi a-t-il fallu autant de temps pour mettre en œuvre ces mesures de bon sens ? » se demande Meike Fink, chargée de mission sobriété. Pour elle, ce qui manque au plan ce sont aussi « des mesures de justice sociale », seule condition « pour que ce message de sobriété soit audible ». Elle espère « que nos propositions plus structurelles à long terme et en matière de justice sociale seront entendues ».

Dans un communiqué paru quelques heures avant la présentation, l’ONG Greenpeace craignait que si le gouvernement « se cantonne à une campagne de communication et à un guide de petits gestes purement incitatifs, en faisant l’impasse sur des mesures structurantes et pérennes en faveur de la justice sociale et de la protection du climat, il rate le coche ».

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