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EntretienPolitique

Énergies renouvelables : pourquoi EELV va s’abstenir

Le projet de loi sur l’accélération de la production d’énergies renouvelables doit être voté le 10 janvier à l’Assemblée nationale.

Pour Charles Fournier, député Europe Écologie-Les Verts, le projet de loi sur les énergies renouvelables « n’est pas à la hauteur ». Les députés du groupe écologiste vont donc s’abstenir lors du vote, cet après-midi.

Le projet de loi sur l’accélération de la production d’énergies renouvelables doit être voté le 10 janvier à l’Assemblée nationale. Le scrutin s’annonce serré : le groupe des écologistes a annoncé qu’il allait s’abstenir. « Le texte n’est pas assez ambitieux », explique Charles Fournier, député Europe Écologie-Les Verts de l’Indre-et-Loire.


Reporterre – Pourquoi les écologistes vont-ils s’abstenir ?

Charles Fournier – Ce projet de loi arrive dans un contexte d’urgence climatique absolue, dont seul le président de la République pouvait considérer qu’il n’était pas prévisible. Nous avions un a priori positif : enfin un texte en faveur des énergies renouvelables (ENR) !

Mais nous constatons deux problèmes. Un problème de calendrier — le texte arrive avant la loi de programmation quinquennale sur l’énergie et le climat, qui est censée définir les ambitions de la France sur le sujet. Et un problème de diagnostic. Il sous-entend que, si la France est en retard sur ses objectifs de déploiement des ENR, c’est parce que les procédures sont trop complexes et longues. Or, le problème est que EDF n’a pas investi, en tant qu’industriel, la question des ENR.

On a tout fait pour faire bouger les lignes, mais force est de constater que ce n’est pas un bon texte, il n’est pas assez ambitieux. Nous allons nous abstenir lors du vote solennel, car on ne peut pas lui donner un crédit écologiste en l’état, ni bloquer les petits pas qu’il propose.



Qu’est-ce qui n’est pas assez ambitieux dans ce projet de loi ?

En l’état, la planification du déploiement des énergies renouvelables n’est pas satisfaisante. Il n’y a pas d’objectifs.

On n’a pas non plus de garanties de moyens des services de l’État, de la structuration des filières économiques, du rôle d’EDF, de l’ingénierie nécessaire dans les territoires. Ces sujets ne sont pas dans le texte, ils sont renvoyés à plus tard.



Que faudrait-il ajouter au texte ?

Pour l’implantation des ENR, il faut privilégier les structures déjà artificialisées, comme les parkings [plutôt que de mettre des panneaux solaires sur des terres agricoles par exemple]. L’enjeu de souveraineté alimentaire est important, nous ne choisirons pas entre cet enjeu et l’enjeu climatique.

Il faudrait discuter de la biomasse, de la géothermie, de l’énergie marémotrice, de l’énergie osmotique… Le texte est silencieux sur tous ces potentiels. Ce texte aurait pu lancer des chantiers extrêmement ambitieux sur la structuration des filières économiques ; sur la formation, pour savoir fabriquer demain des cellules photovoltaïques dans notre pays ; sur les entreprises mobilisées pour la maintenance dans nos territoires… Le texte ne dit rien de tout ça.

Lire aussi : Le solaire va grignoter de nouvelles terres agricoles



Est-ce qu’il y a quand même des avancées ?

Oui, il y a des points positifs, notamment sur des sujets que nous avons pu apporter. Il y a par exemple la mise en place d’un médiateur des énergies renouvelables. Il y a beaucoup de conflits autour du développement des énergies renouvelables, donc l’idée est de dire qu’il faut préférer le dialogue plutôt que la judiciarisation des procédures. Une expérimentation est déjà en cours en Occitanie sur l’hydroélectricité — nous avons proposé sa généralisation.

Il y a aussi la création d’un observatoire des énergies renouvelables et de la biodiversité. Nous avions proposé un outil de pilotage qui permettrait d’avoir une connaissance des gisements d’énergie beaucoup plus précise qu’aujourd’hui. Finalement, il se limitera au lien entre énergies renouvelables et biodiversité. On prend, mais ce n’est pas suffisant.

Nous avons aussi réussi à intégrer la modulation tarifaire, c’est-à-dire un mécanisme financier pour inciter les entreprises à implanter des ENR dans des zones moins « favorables » – où la rentabilité est moins forte, parce qu’il y a moins de soleil ou moins de vent. Aujourd’hui, c’est cet effet de densification [un grand nombre d’ENR dans un lieu donné] qui pose problème dans l’adhésion des territoires.



Ce projet de loi était le premier du second quinquennat où le gouvernement comptait sur les voix des députés de gauche. A-t-il pris en compte vos propositions ?

Le gouvernement a dialogué, je salue ça. Il y a eu beaucoup de discussions autour de ce texte. C’est l’exercice normal de la fabrication de la loi, mais c’est si rare qu’il faut le souligner.

C’était aussi par opportunité : le gouvernement était obligé de se tourner vers des groupes favorables aux énergies renouvelables. Donc le dialogue a été réel, mais le résultat n’est pas à la hauteur.



Après le vote solennel le 10 janvier, le projet de loi va ensuite passer en commission mixte paritaire, avant le vote final. Votre position peut-elle changer d’ici là ?

Oui, elle peut changer. Si certains sujets que le Sénat avait intégrés dans la première version étaient réintroduits (une ambition forte sur la solarisation des toits publics, un arbitrage sur les zones d’accélération des ENR...), et si nos propositions étaient maintenues, ça pourrait faire bouger notre vote final. Nous pourrions finalement y être favorables. À l’inverse, si le texte était dégradé, notre abstention pourrait aussi se transformer en vote « contre ».

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