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Énergie

Europe : les lobbies du gaz et du nucléaire se frottent les mains

Un cortège rassemblant des militants de nombreuses organisations écologistes européennes a défilé dans les rues de Strasbourg mardi midi, direction le Parlement européen.

Le Parlement européen a voté mercredi 6 juillet l’inclusion du gaz et du nucléaire dans la taxonomie européenne. Ce qui leur permettra un accès plus facile aux financements.

Le gaz et le nucléaire pourront donc bénéficier d’un accès facilité aux financements privés. C’est ce qu’ont décidé les eurodéputés réunis à Strasbourg mercredi 6 juillet, en votant à 328 voix contre 278 pour leur inclusion dans la taxonomie européenne — cette liste d’énergies promues par l’Union européenne, car jugées nécessaires pour lutter contre le changement climatique, était jusqu’à présent réservée aux énergies renouvelables.

Les députés européens étaient invités à se prononcer sur une proposition de veto adoptée le 14 juin dernier par les commissions parlementaires des affaires économiques et de l’environnement. « Je vous demande de ne pas rejeter ce fragile compromis négocié avec précaution, avait plaidé le matin même le Premier ministre tchèque Petr Fiala, dont le pays vient de reprendre à la France la présidence tournante de l’UE. L’énergie nucléaire et le gaz provenant de pays sûrs seront les seuls moyens pour certains États membres d’atteindre nos objectifs climatiques communs dans les années à venir. »

« Personne ne dit que le gaz et le nucléaire sont des énergies vertes, mais elles sont temporairement indispensables à la transition. Nous devons utiliser tous les outils pour nous passer en priorité du pétrole et du charbon », avait pour sa part défendu l’eurodéputé français Gilles Boyer (Renew, le groupe où siègent les députés macronistes ). La France, qui veut relancer sa filière nucléaire, faisait partie des plus ardents défenseurs de cette inclusion, de même que des pays d’Europe centrale comme la Pologne qui doit remplacer leurs centrales à charbon. Le 2 février dernier, la Commission européenne avait déjà décidé d’accorder ce label vert au gaz et au nucléaire. Seuls huit pays, dont l’Allemagne, l’Autriche et le Luxembourg, s’étaient opposés jusqu’au bout à ce projet, loin de la « super-majorité » de vingt pays nécessaire pour bloquer le projet.

« Repeindre le gaz fossile et le nucléaire en vert ne rendra pas l’Europe plus indépendante »

Claude Gruffat, eurodéputé Europe Écologie-Les Verts (EELV) et membre de la commission affaires économiques, a regretté dans un communiqué « une victoire des lobbies industriels, mobilisés comme jamais pour conserver leurs rentes en freinant la transition énergétique ». Il déplore aussi le maintien de la dépendance énergétique à l’égard de la Russie, à qui les Européens ont acheté pour près de 17 milliards d’euros de gaz et de pétrole depuis le début du conflit avec l’Ukraine.

« Le secrétaire général des Nations unies, António Guterres, avait qualifié de “folie morale et économique” les investissements dans la production de nouveaux combustibles fossiles et dans les centrales nucléaires, rappelle-t-il. Il avait même ajouté que de tels investissements seraient bientôt des actifs échoués — et un fléau pour les portefeuilles d’investissement. Le Parlement européen a malheureusement décidé d’aller contre l’histoire. »

Lire aussi : Taxonomie européenne : à Strasbourg, les écologistes disent non aux « énergies des dictateurs »

La déception et la colère sont immenses pour les écologistes qui s’étaient mobilisés devant le Parlement tout le début de la semaine. « C’est un jour noir pour l’environnement et le climat, a écrit dans un communiqué le réseau Sortir du nucléaire. Nous dénonçons avec force les lobbies à la manœuvre et le rôle délétère majeur joué par la France. [...] Emmanuel Macron lui-même s’était illustré par sa duplicité, posant en champion du climat tout en plaidant pour l’inclusion du gaz fossile et en s’alliant avec des dirigeants peu soucieux des droits humains, tel Viktor Orbán, pourvu qu’ils soutiennent l’atome. »

« Repeindre le gaz fossile et le nucléaire en vert ne rendra pas l’Europe plus indépendante. Cela détournera des milliards d’euros loin de l’accélération des énergies renouvelables et des économies d’énergies pourtant seuls leviers permettant d’assurer la sécurité énergétique des Européens tout en luttant contre la crise climatique », a pour sa part déploré Neil Makaroff, responsable Europe au Réseau Action Climat.

Les opposants ont d’ores et déjà annoncé qu’ils lanceraient une procédure en justice, seul moyen restant pour bloquer l’initiative.

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