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Mines et métaux

Face à la multiplication des projets miniers, l’opposition s’organise

Alors que des industriels lancent de nombreux projets de mines, les résistances et les oppositions locales s’organisent. Elles se sont réunies dans un forum organisé par l’association Ingénieurs sans frontières – Systèmes extractifs et environnements. L’occasion de faire le point des luttes minières en France.

Pollutions, nuisances, impacts sociaux, déstabilisation des territoires concernés, incertitude quant à l’emploi généré... autant de raisons qui expliquent que la plupart des permis exclusifs de recherche minière (Perm) de l’Hexagone ont vu se constituer des associations et des collectifs s’opposant aux projets miniers. Et ils sont bien souvent très actifs, comme en témoigne l’action spectaculaire des militants opposés au Perm de Kanbo, au Pays basque. Jeudi 14 septembre, au petit matin, ils ont lancé des travaux devant la maison du directeur de la société Sudmine, qui souhaite chercher de l’or dans les Pyrénées-Atlantiques. Ces mêmes opposants ont aussi prévu une manifestation à Bayonne, samedi 16 septembre.

La tendance à l’intensification de l’exploitation des ressources minérales est mondiale. Le renouveau minier français s’applique dans le cadre juridique et sous l’impulsion politique nationale. Mais l’opposition citoyenne naît et se construit principalement localement, dans les zones directement concernées par les projets miniers.

Relier ces différentes échelles pour « faire connaître et reconnaître le mouvement de contestation à l’échelle nationale » était l’objectif d’un forum sur les mobilisations citoyennes face aux impacts miniers organisé par l’association Ingénieurs sans frontières – Systèmes extractifs et environnements (ISF-SystExt), qui a réuni une soixantaine de personnes le week-end du 9 septembre 2017, dans le Val-d’Oise.

En juin 2013, l’octroi du Perm de Tennie (Sarthe) à la compagnie minière Variscan avait constitué une première en France hexagonale, où aucun permis de ce type n’avait été délivré depuis une vingtaine d’années. La même année, des professionnels de la mine créaient le groupe thématique Systèmes extractifs et environnements (SystExt) au sein d’Ingénieurs sans frontières (ISF). Cette fédération, qui existe depuis 1982, compte trois autres groupes thématiques travaillant sur l’eau, les agricultures et les énergies et une vingtaine d’associations principalement implantées dans les écoles d’ingénieurs.

« Réfléchir et sensibiliser aux enjeux miniers » 

Quatre ans plus tard, les projets miniers se sont multipliés en France. À l’heure actuelle, la carte Panoramine réalisée par ISF-SystExt recense 11 Perm et 6 demandes de Perm dans l’Hexagone. Ils se trouvent principalement en Bretagne, dans le Limousin, dans les Pyrénées... Le dernier en date est celui de Vendrennes, en Vendée, délivré en mars 2017 à la société SGZ France. Les sociétés minières recherchent des métaux dits stratégiques, qualifiés ainsi en raison des incertitudes qui peuvent planer sur leur approvisionnement, mais aussi de l’or.

S’ajoute le cas de la Guyane, où l’orpaillage est pratiqué depuis 150 ans, légalement et illégalement. Dans ce département ultramarin d’Amazonie, le projet de la Montagne d’or cristallise une opposition réunie dans le collectif Or de question. Le consortium russo-canadien Columbus Gold-Nordgold souhaite creuser une immense mine à ciel ouvert de plus de 2 km de long. Cette échelle d’exploitation est jusqu’à présent inconnue en Guyane [1]

La carte Panoramine des projets d’extraction prévus en France.

Dans ce contexte, ISF-SystExt est de plus en plus sollicitée tant par les médias que par des collectifs mobilisés contre des projets miniers confrontés à la difficulté de trouver des informations accessibles sur la mine. « Nous sommes souvent sollicités sur des questions techniques, mais notre positionnement est plutôt de réfléchir et de sensibiliser aux enjeux miniers », explique Thibaud Saint-Aubin, président d’ISF-SystExt.

Après un colloque organisé au Sénat en juin 2015 intitulé « Germinal 2.0 : et si la France redevenait une nation minière ? », le forum sur les mobilisations citoyennes face aux impacts miniers venait clore un projet d’accompagnement des mobilisations citoyennes sur les territoires (Pacte) lancé en juin 2016.

Dans le cadre de ce projet, l’association ISF-SystExt a cherché à « faire des liens entre les anciens sites miniers et les projets neufs ». Car la France, ancien grand pays minier, ne découvre pas les activités extractives et un savoir acquis par les citoyens existe. Ainsi le collectif Mines d’uranium réunit les associations mobilisées autour des impacts des 250 mines d’uranium de l’Hexagone d’où furent extraites 76.000 tonnes de minerais entre 1947 et 2001. Les bassins houiller et ferrifère lorrains comptent de nombreuses associations mobilisées sur les questions de l’après-mine. À Salsigne (Aude), les conséquences de la dernière mine d’or hexagonale, fermée en 2004, se font encore fortement sentir.

Légalement, la place des citoyens dans les questions minières reste cantonnée à des consultations éparses 

Adeline Jégouzo, porte-parole d’ISF-SystExt, liste des points communs constatés sur ces différents territoires : « L’ambivalence des pouvoirs publics avec des informations données au compte-goutte à la population, un manque de transparence et de disponibilité des informations techniques, une perte de mémoire des territoires impactés. » Dans ce contexte, les mobilisations citoyennes permettent de « faire émerger les vides juridiques, de pointer les incohérences des politiques publiques et de sensibiliser les citoyens ».

Légalement, la place des citoyens dans les questions minières reste cantonnée à des consultations éparses. Lorsque la population est bien informée, la mobilisation peut avoir lieu avant l’attribution du Perm. C’est le cas pour le permis de Kanbo, au Pays basque, demandé par la société Sudmine qui souhaite y chercher de l’or. La demande de permis a été déposée en novembre 2014. En février 2017, la consultation publique en ligne a eu lieu.

Lors du forum sur les mobilisations citoyennes face aux impacts miniers organisé par l’association Ingénieurs sans frontières – Systèmes extractifs et environnements (ISF-SystExt).

Cette consultation de 21 jours, dont l’existence est méconnue, est le seul espace d’expression des citoyens avant la délivrance ou non du Perm. Les avis ne sont que consultatifs, mais cela peut être un moyen pour la mobilisation de montrer sa présence. « L’opposition aux projets miniers se construit dans un rapport de force, dans un contexte où les investisseurs peuvent rapidement s’inquiéter de mobilisations locales », explique le chercheur William Sacher, auteur de Noir Canada, ouvrage retiré de la vente à la suite des attaques de compagnies minières en diffamation.

Pour les Perm délivrés, l’opposition peut se constituer tout au long des travaux. Ainsi, sur le permis de Couflens, en Ariège, délivré en février 2017 à la société Variscan qui y cherche du tungstène, les opposants à la mine réaffirment leur volonté d’être le plus présent possible. Sur les trois Perm du centre Bretagne — Loc-Envel, Merléac et Silfiac —, les collectifs maintiennent la mobilisation.

Dans le Limousin, la société Cominor a demandé le renouvellement du Perm de Villeranges (Creuse), arrivé à expiration en novembre 2016. Et la mobilisation reste sur le qui-vive.

« L’effet domino » : si un projet aboutit, d’autres suivent 

À l’expiration d’un Perm, les compagnies minières peuvent demander un permis d’exploitation. Une enquête publique a alors lieu, mais les avis des citoyens et celui du commissaire-enquêteur restent consultatifs. En Guyane, l’enquête publique portant sur Montagne d’or s’est terminée le 25 août. À la suite de la saisine de France nature environnement, la Commission nationale du débat public a annoncé le 6 septembre la tenue d’un débat public en Guyane sur le projet. Il aura lieu de mars à juin 2018. C’est une première victoire pour le collectif Or de question, car cela permettra de prolonger le débat public et d’offrir un nouvel espace médiatique à l’opposition au projet.

Patrick Monier, membre de l’association Maïouri Nature et du collectif Or de question, évoque toutefois la « lassitude » qui peut gagner les militants. En Guyane, une mégamine était déjà sur le point de voir le jour il y a une dizaine d’années sur la Montagne de Kaw. La mobilisation citoyenne avait permis l’arrêt du projet. Michel Dubouillé, secrétaire national de Guyane écologie et membre de Or de question, surenchérit : « La mobilisation contre un projet minier n’est pas encore gagnée qu’un nouveau projet arrive déjà. » Une représentante de Mining Watch Romania, association mobilisée sur les projets miniers en Roumanie comme sur le site de Rosia Montana, insiste sur « l’effet domino » qui fait que si un projet aboutit, d’autres suivent.

L’appel à manifester samedi 20 septembre contre le projet Montagne d’or à l’initiative du collectif Or de question. Ce message audio sera diffusé dans les rues de Cayenne et illustre une initiative originale des collectifs pour informer et mobiliser les citoyens.

Dans ce contexte, les participants au forum ont commencé à mettre en place un réseau d’informations et d’actions coordonnées contre les projets miniers.

Dans l’Hexagone, le projet minier le plus avancé est celui de St-Pierre-Montlimart, dans le Maine-et-Loir, où des forages profonds ont été effectués dans le cadre de la phase d’exploration. Les résultats sont prometteurs, d’après le rapport trimestriel publié par la société Variscan. Il n’y a pas de contestation citoyenne organisée localement.

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