Golf et villas de luxe : une zad envisagée près de Marseille

Des militants empêchent le démarrage de travaux de terrassement dans la forêt attenante au golf de Fuveau, le 13 septembre 2023. - © Timothée Vinchon / Reporterre
Des militants empêchent le démarrage de travaux de terrassement dans la forêt attenante au golf de Fuveau, le 13 septembre 2023. - © Timothée Vinchon / Reporterre
Durée de lecture : 4 minutes
Luttes Étalement urbainDepuis plusieurs jours, des militants empêchent la construction de 132 villas de luxe près du golf de Fuveau, entre Aix et Marseille. Le projet menace 20 hectares de forêt et 43 espèces protégées.
Fuveau (Bouches-du-Rhône), reportage
« Ils voudraient voir l’installation de la première zad des Bouches-du-Rhône, qu’ils ne s’y prendraient pas autrement », peste Pierrot Pantel, responsable juridique de l’Association nationale pour la biodiversité (ANB). Avec son association, il fait partie de la dizaine de militants matinaux d’Extinction Rebellion Aix et Marseille, du Groupe national de surveillance des arbres (GNSA) et de Eaux secours qui empêchent les engins de chantier d’accéder au site depuis le 11 septembre, dès sept heures. Objectif : bloquer la construction de 132 villas de luxe sur les vingt hectares de forêt attenante au golf de Fuveau.
Le 13 septembre, les militants ont été rejoints par des riverains, présents aux aurores pour entraver les travaux de terrassement de la forêt. À l’arrivée du chef de chantier, quelques-uns se sont attachés à la pelle mécanique grâce à la technique des « arm-locks », alors que d’autres discutaient des enjeux avec des nouveaux venus. « C’est un projet écocide d’un autre temps, contraire aux lois environnementales. On restera aussi longtemps que nos corps et esprits le permettront », explique un militant d’Extinction Rebellion Marseille.

43 espèces protégées
Le projet de construction de 132 villas de luxe est porté depuis plus de vingt ans par le propriétaire du golf, Philippe Laurent, président de la société Château L’Arc Resort. Au terme d’une longue bataille, il a fini par obtenir un permis d’aménager en 2014. Le déboisement a débuté en décembre 2022.
« Il a annoncé débroussailler un peu le terrain, finalement il a tronçonné et dessouché des arbres pour faire une autoroute d’accès à ces villas », se désole un voisin de la forêt. Deux arrêtés interruptifs de travaux ont été pris en avril et juin dernier pour infractions aux règles de l’urbanisme, tous deux suspendus par le tribunal administratif, en attendant un jugement au fond.
Sur son site, le golf vante un projet « d’exception » notamment pour la « beauté sauvage » du site et propose des parcelles, potentiellement piscinables, dont les prix s’échelonnent entre 520 000 et 900 000 euros.

En 2020, Eco-Med, un bureau d’études environnemental indépendant, a mené, via le financement d’un habitant, une évaluation naturaliste sur les vingt hectares destinés au projet. Elle a révélé la présence de quarante-trois espèces protégées, des oiseaux, lézards, insectes, et plusieurs variétés de chauves-souris. L’ANB et le GNSA ont rejoint le combat juridique et une plainte pénale a été déposée par six associations en juillet dernier pour « destruction d’habitat d’espèces protégées sans autorisation » contre le golf et Eiffage, le constructeur.
Conformément au Code de l’environnement, toute construction sur ce terrain nécessite une demande de dérogation pour la destruction d’espèces protégées ou de leur habitat. « Il va falloir des raisons impératives d’intérêt majeur pour qu’elle soit délivrée. Et pour des villas de luxe, ça va être difficile », explique Pierrot Pantel, de l’ANB. Contacté par Reporterre, le propriétaire M. Laurent explique préparer un communiqué de presse et « avancer juridiquement sur le fond. Il y a les apparences et les vérités du dossier ».
« On en a marre du béton. C’est le moment de s’impliquer. »
Le mouvement de protestation a gagné en visibilité le 9 septembre grâce à une vidéo de soutien réunissant des militants écologistes renommés tels que Camille Étienne et Pablo Servigne. Les militants envisagent la création d’une zone à défendre (zad) à Fuveau si aucune mesure n’est prise par la préfecture. Ils prévoient même « d’envoyer des grimpeurs pour occuper les arbres menacés par le déboisement », avertit Charlotte, membre d’Extinction Rebellion Aix.
La préfecture des Bouches-du-Rhône explique qu’« une enquête suit son cours au parquet d’Aix-en-Provence sur le volet environnemental ». Du côté des riverains, la mobilisation inspire. Cathy, 51 ans et habitante de Rousset, une commune voisine, s’apprête à aller au marché pour parler de la lutte de Fuveau : « Notre commune a doublé de taille, de nouveaux lotissements se sont construits sans qu’on ne fasse rien. On en a marre du béton. C’est le moment de s’impliquer. »