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10 janvier 2019 / Didier LambertLe « grand débat national » voulu par l’exécutif devrait commencer le 15 janvier. L’auteur de cette tribune prend l’exemple de la « concertation nationale » sur l’obligation vaccinale de 2016 pour dire sa méfiance envers ce processus.
Didier Lambert est porte-parole de la campagne « Pour des vaccins sans aluminium ».
Emmanuel Macron a annoncé l’organisation d’un « grand débat national » pour tenter d’apaiser la colère des Gilets jaunes. Cette annonce en rappelle une autre, faite en 2016 par le précédent gouvernement.
Les Français étaient alors les « champions du monde » de l’hésitation vaccinale. 41 % d’entre eux estimaient que les vaccins n’étaient pas sûrs [1], le corps médical lui-même était de plus en plus méfiant - [2].
Pour répondre à cette défiance, la ministre de la Santé de l’époque, Marisol, Touraine, lançait « une concertation nationale » dont le pilotage était confié à un comité présidé par une personnalité du monde médical, le Pr Alain Fischer.
Des jurys citoyens et professionnels de santé furent mis en place, ainsi qu’une consultation citoyenne en ligne. Le Pr Fischer précisait au lancement du débat : « Notre travail est de réfléchir et de tenir compte de ce que veulent les jurys citoyens. » Ceux-ci « émettront un certain nombre de propositions qui seront ensuite reprises par notre comité ».
L’association E3M a participé à cette concertation, apportant sa contribution à la formation des deux jurys. À l’issue des débats, ceux-ci ont recommandé les mesures suivantes à l’unanimité :
Mais le comité d’organisation de la concertation citoyenne s’est opposé à l’avis des jurys. Dans ses conclusions ne figure aucun élément sur les risques liés à l’utilisation de l’aluminium comme adjuvant vaccinal, ni sur la mise en place d’alternative à cet adjuvant neurotoxique, ni sur l’indépendance de l’expertise. De plus, le comité a recommandé d’accroître l’obligation vaccinale pour les nourrissons, de 3 à 11 vaccins.
Nous avons alors condamné ce « simulacre de démocratie ».
Malgré nos alertes et celles de nombreux organismes, la nouvelle ministre de la Santé, Agnès Buzyn, dès son arrivée au gouvernement en 2017, a suivi sans état d’âme les recommandations du « comité Fischer », montrant ainsi le peu de cas qu’elle faisait de l’expression citoyenne.
Notre pays traverse une crise majeure, celle-ci ne sera pas résolue par une politique faite d’apparence et de faux-semblants, comme ce fut le cas par le passé.
Le « grand débat national » est l’une des mesures censées répondre aux revendications des Gilets jaunes. Il doit se dérouler du 15 janvier au 1er mars. La démocratie exige des échanges, de la réflexion, des débats, donc du temps. Cette durée de deux mois et demi est incompatible avec la pratique d’une démocratie réelle fondée sur l’avis citoyen. Cela semble confirmer que l’on va continuer à se moquer des Français.
Sauf si l’on donnait « du temps au temps »...
Et si était posé un cadre qui garantisse :
Alors seulement ce débat pourrait contribuer, avec d’autres modes de démocratie directe, tels que le référendum d’initiative citoyenne, à ce que notre pays s’apaise.
[1] Vaccine Confidence Project, 2016.
[2] Vaccinations : attitudes et pratiques des médecins généralistes, DREES, mars 2015.
Source : Courriel à Reporterre
Photo :
. chapô : manifestation des Gilets jaunes, à Belfort, le 15 décembre 2018. Wikipedia (Thomas Bresson/CC BY 4.0)
- Dans les tribunes, les auteurs expriment un point de vue propre, qui n’est pas nécessairement celui de la rédaction.
- Titre, chapô et intertitres sont de la rédaction.