Grenoble « capitale verte européenne » : bien mais peut mieux faire

Grenoble, depuis la presqu'île scientifique, en juin 2021. - Wikimedia Commons/CC BY-SA 4.0/Milky
Grenoble, depuis la presqu'île scientifique, en juin 2021. - Wikimedia Commons/CC BY-SA 4.0/Milky
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PolitiqueGrenoble a décroché le titre de Capitale verte de l’Europe. Ce label lui permettra d’élargir ses actions en faveur de l’environnement. Mais la ville ne pèse pas assez sur sa métropole, qui poursuit des projets écologiquement nuisibles.
Emmanuel Macron a boudé Grenoble. Le président de la République aurait dû participer à la cérémonie de lancement du label Capitale verte de l’Europe samedi 15 janvier. Las, il s’est dérobé, envoyant seulement la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili. Le tout au grand dam du maire de Grenoble, Éric Piolle, qui a dénoncé « une offense envers toutes celles et ceux qui s’engagent ».
L’ancien candidat à la primaire des Verts est fier d’avoir décroché ce titre qui récompense les mesures prises en faveur « d’une ville durable, agréable et respectueuse de l’environnement ». Une douzaine d’indicateurs ont été évalués par la Commission européenne qui distingue chaque année les bons élèves depuis 2010. En France, seule Nantes a déjà remporté ce titre en 2013 - même si elle soutenait à l’époque la construction de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes et ne parvenait pas à freiner l’étalement urbain.
Partout en Europe les chefs d'Etat sont aux côtés des villes quand elles relèvent le défi du #Climat et deviennent Capitale Verte du continent. Partout... sauf en France, où Emmanuel Macron se dérobe. Une offense envers toutes celles et ceux qui s'engagent https://t.co/8xHvEQjFNY
— Éric Piolle (@EricPiolle) January 11, 2022
Il est vrai que Grenoble fait souvent figure de bonne élève, avec ses kilomètres de pistes cyclables, la création d’une zone à trafic limité dans le centre-ville et d’une zone à faible émission. La municipalité s’est également dotée dès 2005 d’un plan Climat local. Selon l’Observatoire Atmo Auvergne-Rhône-Alpes, ces initiatives ont permis de réduire de 30 % les émissions de gaz à effet de serre entre 2005 et 2018. Greenpeace lui a d’ailleurs décerné en 2019 la seconde place en matière de lutte contre la pollution de l’air, après Paris.
13,6 millions d’euros
À quoi servira ce label ? On s’y perd un peu en consultant le copieux dossier de presse diffusé à cette occasion par la municipalité. Près de 300 évènements seront organisés pour « réfléchir, échanger et vibrer ». 1 300 arbres seront plantés. 52 projets seront financés dans le cadre de l’opération « coup de pouce », comme la valorisation de jardins pédagogiques par l’association Brin d’Grelinette, l’organisation de chantiers participatifs aux jeunes du quartier de Villeneuve, des manifestations artistiques du Centre chorégraphique national de Grenoble. Le budget total des opérations permises par ce label est de 13,6 millions d’euros répartis sur trois ans. La Commission européenne apportera une contribution financière de 350 000 euros. L’État investira 4 millions d’euros, la Ville 4,85 millions d’euros, le Département 1,75 million d’euros et la Métropole 3 millions d’euros. Tout cela pour financer à la fois des travaux de rénovation sur les lieux d’accueil des manifestations (le fort de la Bastille, l’hôtel Lesdiguières et la résidence du Rabot) ainsi que de nombreux événements (cérémonies officielles, colloques, rencontres diverses, spectacles, etc.).
Éric Piolle a une marge d’action limitée
Mais pour certaines associations environnementales et syndicats, tout ceci n’est qu’une opération d’écoblanchiment. Ils ont appelé à un rassemblement de protestation le jour de la cérémonie d’inauguration, au parc Paul Mistral. « Faut-il se féliciter de ce titre ou se retrousser les manches et réfléchir à comment avoir un réel impact ? questionne Frank, du collectif Citoyens pour le climat, l’un des organisateurs de cette manifestation. Nous défendons des changements profonds et pas des ajustements à la marge. Certes, à Grenoble on construit des pistes cyclables d’un côté, mais de l’autre, on agrandit l’A480 et on continue d’artificialiser des terres avec de nouveaux centres commerciaux. Il faut une approche globale et pas des actions isolées. » S’il concède qu’Éric Piolle est de bonne volonté, il déplore sa marge de manœuvre limitée : « On se fait une illusion en pensant qu’il est puissant, car s’il aimerait en faire plus, il doit faire face à d’autres personnes en désaccord, notamment au niveau de la Métropole. »
Pour le média local Le Postillon, il s’agit d’une « opération de marketing territorial » qui servira à certaines entreprises comme Caterpillar ou Schneider Electric. Il cite comme explique un article du Dauphiné Libéré, dans lequel l’élite économique se réjouit de ce « coup de projecteur sur les bonnes pratiques des entreprises grenobloises ». « Toutes les grandes boîtes du coin sont partenaires, elles en profiteront pour se donner une “virginité écolo” à peu de frais », explique à Reporterre Vincent, journaliste au Postillon. « Une véritable politique écologique ne peut être que sociale », affirment les associations et syndicats dans leur appel à manifester.