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TribuneCulture et idées

Il faut décoloniser l’écologie

Des écologies, décoloniales et vraiment populaires : c’est ce qu’appellent de leurs vœux les auteurs de cette tribune. Ils s’élèvent contre une écologie blanche qui ne « prend pas en compte leur réalité » et remettent en question une vision de la nature héritière d’un dualisme nature / culture.



Les thématiques abordées par les organisations écologistes ne nous permettent pas de nous reconnaître en tant que personnes racisées. Pourquoi montrer de la solidarité avec la police, alors que la police tue nos frères et sœurs ? Pourquoi parler des migrants climatiques de demain, alors qu’aujourd’hui des migrants sont à la rue ? Pourquoi professer la catastrophe écologique pour 2020, alors que celle-ci, sous le nom de racisme environnemental, a toujours frappé les quartiers populaires, d’immigration et les colonies ?

Ce décalage entre nos réalités et celles de nos frères et sœurs blanch.es se nomme fracture coloniale.

 Cette fracture s’exprime dans la vision de la nature que partagent beaucoup d’écologistes. Cette vision est issue d’une histoire coloniale, qui n’est jamais remise en cause dans des milieux majoritairement blancs. Cette vision est l’héritière du dualisme nature/culture propre à l’Europe qui a justifié l’asservissement de populations et les expéditions coloniales qui se donnaient pour objectif de civiliser le monde « sauvage »



Aujourd’hui, les projets humanitaires que promeuvent des associations et institutions écologistes sont dans la continuité du système colonial. Sous couvert de sauvegarde de la nature se joue un accaparement de la gestion des espaces et des ressources au profit des touristes fortuné.e.s et au détriment des aspirations des populations locales. De plus, les projets humanitaires profitent aux capitalistes, d’une part en leur offrant une image de philanthrope, et d’autre part en leur permettant de continuer toujours plus l’exploitation des ressources servant à la transition énergétique.

La réécriture de l’histoire par les courants écologistes non-violents sur les luttes anticoloniales est problématique

En République démocratique du Congo, mais cela se passe de la même manière dans de nombreux pays, les entreprises financent des seigneurs de guerre, exploitent et détruisent la forêt pour exploiter les ressources minières utilisées notamment dans les batteries de voitures électriques. Afin de maintenir la paix sociale à un degré d’exploitation maximal, ces entreprises financent des projets humanitaires. Le développement durable n’oublie pas d’exploiter les femmes racisées, que ce soit par la promotion du micro-crédit ou de la micro-entreprise durable, censés les sauver de la précarité alors qu’ils les maintiennent dans un état de dominées, cette fois-ci par les institutions bancaires.

Cette exploitation se poursuit par l’impérialisme du langage, en les enfermant dans un langage dépolitisant qui les condamne à réparer éternellement leur communauté. 

Aussi, la réécriture de l’histoire par les courants écologistes non-violents sur les luttes anticoloniales est problématique. Elle nie la complexité des luttes au profit d’une histoire blanche, qui après avoir apporté la civilisation auraient gentiment donné les indépendances. Or, chaque Martin Luther King avait son Malcom X et luttaient en symbiose. En plus d’être négationniste, cette réécriture de l’histoire fait espérer aujourd’hui à une grande partie des écologistes que la lutte politique peut être menée à basse intensité et sans conflictualité. 



Enfin, dans nos quartiers, l’écologie est plutôt synonyme d’expulsion par la gentrification parce qu’elle ne s’intéresse jamais à nos conditions d’existence ni à nos luttes alors que nous sommes les cibles d’un racisme policier et étatique qui nous tue. La prison, pour nous, n’est pas un jeu. Nous ne sommes vraiment pas dans le même bateau ou alors certain.ne.s sont sur le pont, quand nous pourrissons en cale. 



Tout cela n’est pas le fruit du hasard, mais celui d’un monde, l’unimonde, qui se croit universel et tout puissant et s’impose aux autres formes de relations avec les vivants, c’est-à-dire, à d’autres mondes qui ne seront jamais réductibles à de la diversité culturelle et qu’il dévore. Alors si nous devons nous défaire de ce monde, nous avons tout à réapprendre de l’histoire des luttes décoloniales et émancipatrices qui continuent encore aujourd’hui.




POUR ALLER PLUS LOIN

Actuellement plusieurs personnes, dont Daiara Tukano, Fatima Ouassak, Seumboy ou Malcom Ferdinand (auteur d’Une écologie décoloniale, éd. Seuil, 2019
) — s’essayent à proposer d’autres écologies qui prennent en compte nos réalités, c’est-à-dire des écologies décoloniales.

Dans cet élan, nous explorons plusieurs pistes de recherches à travers différents formats : des interviews de collectifs qui essayent de mettre en avant d’autres écologies, véritablement, populaires et un article critique de l’écologie et des organisations écologistes.

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