JO d’hiver dans les Alpes : « Nous nous opposons à cette candidature »

Renaud Muselier, président de la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur (Paca), et Laurent Wauquiez, de la région Auvergne-Rhône-Alpes (Aura), vont remettre leur dossier de candidature au Comité international olympique. - Flickr / CC BY-SA 2.0 Deed / Gergely Csatari
Renaud Muselier, président de la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur (Paca), et Laurent Wauquiez, de la région Auvergne-Rhône-Alpes (Aura), vont remettre leur dossier de candidature au Comité international olympique. - Flickr / CC BY-SA 2.0 Deed / Gergely Csatari
Durée de lecture : 7 minutes
Destruction écologique, coût énorme... Dans cette tribune, le collectif No JO réclame la tenue d’un référendum : ses membres s’opposent à l’accueil des Jeux olympiques dans les Alpes du Sud, voulus par Wauquiez et Muselier.
Le collectif No JO a été créé en mars 2023 pour répondre à la candidature des Alpes du Sud aux Jeux olympiques d’hiver en 2034 ou 2038.
Leurs méfaits écologiques et leurs coûts exorbitants étant de plus en plus dénoncés par les citoyens, plusieurs pays ont renoncé à l’organisation des Jeux olympiques d’hiver 2030 sur leur sol. En 2022, l’Espagne (Barcelone/Pyrénées), puis Vancouver (Canada) ; en 2023, Sapporo (Japon) et Salt Lake City, aux États-Unis, qui envisage de repousser sa candidature pour 2034 afin de ne pas concurrencer les JO 2028 de Los Angeles.
Avec la Suisse et la Suède, les Alpes françaises ont vu là une opportunité de se positionner comme hôtes. Renaud Muselier, président de la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur (Paca), et Laurent Wauquiez, de la région Auvergne-Rhône-Alpes (Aura), ont décidé de « se partager les épreuves ». Mardi 7 novembre, ils vont remettre leur dossier de candidature au Comité international olympique (CIO).

Une décision prise rapidement, sans consulter les citoyens. Nous, simples habitants et habitantes des Alpes du Nord et du Sud, désireux de protéger nos environnements fragilisés – et pas « toujours les mêmes militants qui sont contre tout », comme le dit élégamment M. Muselier –, nous demandons l’organisation d’un référendum national pour décider démocratiquement de cette candidature.
La montagne « part en lambeaux »
Le réchauffement climatique serait deux fois plus rapide dans les Alpes qu’à la surface du globe. Recul, disparition des glaciers, fonte du permafrost, éboulements, coulées violentes de boue issues de glaciers déstabilisés, c’est tout un monde qui part en lambeaux.
Avec les JO d’hiver, combien de centaines d’hectares de précieuses terres agricoles vont mourir sous le béton ? Il est vrai que ce n’est guère le souci de M. Wauquiez... De mètres cubes d’eau pompés dans les rivières et glaciers pour la neige artificielle ? De milliers de tonnes de gaz à effet de serre émises, du fait des allers et venues entre les villages et lieux de compétition des visiteurs, caravanes médiatiques et sportives (pour Milan 2026, 3 600 athlètes prévus pour 200 épreuves), des trajets en avion ou en voiture ?
Et tout cela alors que la loi européenne sur le climat exige une réduction de nos gaz à effet de serre d’au moins 55 % d’ici à 2030. Une contradiction que le Conseil économique, social et environnemental régional (Ceser) a soulignée dans un avis du 24 octobre 2023.

Nos élus semblent minimiser le réchauffement climatique. Dans une tribune publiée en septembre dans Le Dauphiné libéré, signée par une centaine d’entre eux, il n’est pas évoqué une seule fois. M. Muselier parle de Jeux « durables », avec « du photovoltaïque, des dameuses à l’hydrogène »], mais laisse sans réponses les questions du manque d’eau et l’émission des gaz à effet de serre.
Autre argument, le train, avec une « loi d’exception » pour achever la voie Marseille-Nice d’ici à 2030 – les JO étant, selon lui, « le seul moyen de débloquer ». Depuis des années, les guichets ferment, les prix des billets augmentent, les créneaux horaires se raréfient – et pourtant M. Muselier est président de la Région depuis mai 2017. Et maintenant le voici qui se sert de cette défaillance pour reprocher leur manque « de bon sens » aux opposants aux JO dans les Alpes : « Et quand on parle de bilan carbone, mettre cinq heures pour faire Marseille-Briançon, est-ce acceptable ? » On croit rêver.
Clientélisme, corruption et dette régionale qui enfle
Connaître le coût des Jeux olympiques d’hiver est une tâche complexe, on le sait, mais il s’élève en général à plusieurs milliards d’euros. M. Wauquiez a beau promettre de « s’appuyer sur des infrastructures existantes », nous n’avons aucune estimation globale du coût des JO d’hiver dans les Alpes.
Pourtant, au vu de l’importance de la dette de la région Paca (dont l’encours par habitant est bien supérieur à celui des autres régions, hors Corse et Île-de-France — 526 euros contre 360 euros – selon la chambre régionale des comptes, cela semblerait un minimum. Il ne suffit pas de dire que les JO seront « moins chers ». Notre capacité de désendettement se dégrade : 6,9 années (estimation pour 2024), contre 5,7 en 2022, selon le Ceser en octobre 2023 [1]. De combien ces JO vont-ils encore la grever, après le coût des compétitions marseillaises de 2024, non encore pris en compte ?

Nous nous opposons aussi à cette candidature pour les risques de corruption qu’elle comporte. Après l’enquête lancée en début d’année par le parquet de Nice pour « manquements graves au respect des règles de la comptabilité publique » concernant des travaux réalisés après la tempête Alex, la plainte déposée en août pour favoritisme et trafic d’influence contre un haut responsable du comité d’organisation des prochains Jeux nous rend prudents.
Et que penser de cette remarque de M. Muselier dans La Provence : « Si on a les Jeux, tout sera concentré sur les Jeux... Ceux qui n’en veulent pas n’auront rien » ?
À quand un vrai projet de développement pour la montagne ?
Face à l’opposition suscitée par cette candidature, M. Muselier a trouvé la parade : un sondage. Commandé à l’Ifop par la région Alpes-Côte d’Azur, il acterait à 73 % le soutien populaire aux JO d’hiver dans les Alpes du Sud. Le hic, la question posée aux sondés : « Êtes-vous pour ou contre des JO respectueux de l’environnement ? » Répondriez-vous « non », vous, à un sondage qui vous demanderait : « Si la Terre n’est plus habitable, seriez-vous partants pour une vie sur Mars ? »
Toute cette fébrilité évince malheureusement la seule question qui vaille : quel projet pour nos régions montagnardes à l’heure du réchauffement climatique ? Le modèle économique fondé sur le loisir et le tourisme développé à partir des années 1960 a atteint ses limites, environnementales et sociales. M. Muselier prétend, au contraire, que les JO sont « un projet de territoire qui tirera les Alpes vers le haut ». Mais pour qui ? Et pour combien de temps ? Investir autant d’argent dans des infrastructures pour « une présence de la neige dans les soixante-cinq stations de notre région jusqu’en 2050 », est-ce raisonnable ?
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Ne vaudrait-il pas mieux utiliser cet argent pour constituer une caisse de solidarité climatique pour les habitant-e-s et saisonniers mis en difficulté par le manque de neige, ou d’eau, notamment du fait des sécheresses plus intenses ? Valoriser des usages vertueux du territoire : agriculture, pastoralisme, artisanat, construction durable, etc., avant que le réchauffement ne s’intensifie ?
Pour prévenir les dangers d’une fuite en avant, nous invitons tous les citoyens, particulièrement ceux des Alpes, à réclamer un référendum national concernant la candidature des Alpes françaises aux JO d’hiver 2030, en signant cette pétition (le CIO lui-même le recommande pour éviter un désistement au dernier moment). L’occasion d’ouvrir un débat démocratique sur l’avenir de la montagne, dont la pérennité nous est vitale.