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La compensation carbone ne réduira pas les émissions du secteur aérien

Le système de compensation carbone Corsia [1] sera inefficace pour réduire les effets négatifs du secteur aérien sur le climat : c’est le principal résultat d’une étude de la Commission européenne, publiée le jeudi 18 mars, en avant-première, par le Réseau Action Climat (RAC).

« Alors que le gouvernement souhaite entériner dans la loi Climat l’obligation de compensation carbone sur les vols intérieurs en France, cette nouvelle étude confirme qu’il s’agit en réalité d’une stratégie de greenwashing [écoblanchiment en français] qui détourne l’action publique de réelles mesures », écrit le Réseau Action Climat dans un communiqué.

Le programme de compensation et de réduction des émissions de carbone pour l’aviation internationale (Corsia) a été mis en place par l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) en 2016. La France et l’Union européenne y participent depuis le 1er janvier 2021. Il vise à stabiliser les émissions de CO2 de l’aviation internationale au niveau de 2020 via l’achat par les compagnies aériennes de crédits de compensation carbone.

Les ONG dénoncent l’inefficacité des dispositifs de compensation carbone

Les ONG environnementales ont plusieurs fois dénoncé l’inefficacité des dispositifs de compensation carbone « qui ne peuvent être considérés comme équivalents aux réductions d’émissions préconisées par le Giec [2] », selon le RAC. Le système Corsia est présenté par l’industrie et le gouvernement français comme une solution majeure de réduction des émissions de gaz à effet de serre du secteur aérien. Lors des débats en Commission spéciale à l’Assemblée nationale du projet de loi Climat, le gouvernement a justifié le refus d’adoption de mesures de report modal de l’avion sur le train ou d’arrêt des extensions d’aéroports par le recours aux dispositifs de compensation carbone des vols.

L’objectif de « croissance neutre en carbone » via l’utilisation du dispositif Corsia est mis en avant par le secteur aérien, et notamment Air France, pour défendre leurs efforts en faveur de la transition écologique. L’étude de la Commission européenne montre cependant que l’atteinte de cet objectif est « peu probable », pour plusieurs raisons :

  • Les programmes éligibles pour le Corsia ne permettront pas de réductions d’émissions réelles et permanentes. Trois des six programmes labellisés par Corsia ne remplissent pas le critère d’additionnalité, c’est-à-dire qu’il s’agit de projets qui se seraient réalisés de toute façon sans l’achat de crédits carbone.
  • Les compagnies aériennes vont compter deux fois des réductions d’émissions qui seront également déclarées par les entreprises et les États au titre des efforts réalisés dans les secteurs économiques ou industriels concernés par les projets ; le gain réel pour le climat étant alors nul. Cela concernerait, selon l’étude, jusqu’à 113 millions de crédits sur les 240 millions labellisés à ce jour.
  • Via Corsia, les compagnies aériennes bénéficieront d’une offre excédentaire et potentiellement illimitée de crédits de compensation carbone bon marché, à moins d’un euro l’unité. Selon l’étude, cet achat représentera un très faible coût pour les compagnies aériennes et n’affectera ni la demande de voyages en avions ni les décisions d’investissement ou d’exploitation du secteur.
  • L’OACI n’a pas établi d’obligation pour les États membres de publier les données transmises par les compagnies aériennes. « Il est peu probable que le nombre et les caractéristiques des crédits qui seront achetés par les compagnies aériennes soient accessibles publiquement », explique le RAC.

Concluant sur l’utilité générale du dispositif, l’étude de la Commission européenne reconnaît que celui-ci « n’est pas aligné avec le niveau d’ambition requis par l’Accord de Paris ».

  • Source : Réseau action climat
  • Photos : Des activistes de Greenpeace ont peint en vert un avion d’AirFrance le 5 mars pour « dénoncer le greenwashing [écoblanchiment en français] du gouvernement et le manque d’ambition du projet de loi Climat et résilience » sur le volet aérien.

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