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ÉditoPolitique

La double surprise Hamon

La victoire de Benoît Hamon au premier tour de la primaire socialiste est une surprise. Mais tout autant l’est son engagement écologique, qu’il place en « priorité politique absolue ». L’enjeu est maintenant la recomposition de la gauche, et d’éviter une concurrence mortifère avec Jean-Luc Mélenchon et Yannick Jadot.

La primaire de La belle alliance populaire aura, contre toute attente, créé deux surprises. La première, on le sait, c’est l’arrivée en tête de Benoît Hamon, que beaucoup ne percevaient, il y a encore quelques semaines, que comme un challenger estimable, mais secondaire par rapport aux « poids lourds » Valls et Montebourg. Ce qui reste de force parmi les militants d’un parti socialiste exsangue a donc remis la barre à gauche, et placé le plus jeune des candidats en mesure de porter ses couleurs dans la présidentielle.

Avec 36 % des voix comptées dimanche soir 22 janvier, contre 31 % à Manuel Valls et 17 % à Arnaud Montebourg, qui s’est rallié à lui le soir même, le député des Yvelines semble en mesure de concourir pour la présidentielle d’avril.

Mais il y a une deuxième surprise, que n’ont pas relevé les commentateurs politiques, habitués à peser les pouvoirs plus qu’à prêter attention aux idées. C’est que la première déclaration de Hamon a mis en avant l’écologie. Le mieux est de le lire, ou de l’écouter :

« Demain, a-t-il déclaré dimanche soir, il y aura de nouveau dans plusieurs villes de France un nouveau pic de pollution atmosphérique qui va mettre en danger la santé des Français les plus vulnérables (...). Il faut impérativement changer de modèle de développement, placer la conversion écologique en tête de nos priorités politiques, sauf à accepter de laisser à nos enfants un monde qui va devenir de plus en plus invivable. C’est la raison pour laquelle je maintiens le cap en faveur de la sortie du diesel en 2025, de la réduction de la part des énergies liées au nucléaire, la volonté d’interdire les perturbateurs endocriniens Je ferai de la transition écologique une priorité politique absolue. »

C’est ensuite qu’il a parlé du revenu universel, pensé en fonction des mutations technologiques que vit l’époque : « Le travail se transforme, grâce à la révolution numérique, il faut aujourd’hui se soucier des conditions dans lesquelles nous donnons aux Français les moyens de maîtriser cette transition, de choisir leur temps de travail plutôt que de le subir. (...) C’est le sens du revenu universel que je défends. »

Enfin, Hamon a bien posé l’analyse faite par une large partie de ce que l’on appelait naguère le peuple de gauche - même si la participation à cette primaire n’a pas été très grande : les électeurs de gauche « ont décidé de faire de la question sociale et de la question écologique les deux termes d’un nouveau projet qui se tourne vers le futur, pas l’un ou l’autre, mais l’un avec l’autre. »

-  Discours en vidéo de Benoît Hamon le 22 janvier

Le geste n’est pas mince. La victoire de Hamon, et son positionnement résolument écologique, face à la vision croissanciste et sécuritaire de Valls, attestent que la gauche est en train de se reconfigurer, après un quinquennat de dérive néolibérale.

La recomposition de la gauche commence à se jouer

C’est une bonne nouvelle : on peut espérer qu’avec l’engagement écologique de Jean-Luc Mélenchon, et celui, moins audible, de Yannick Jadot, les questions environnementales seront bien présentes dans la campagne présidentielle, et que la possibilité de changer radicalement de cap, pour aller vers l’écologie, l’emploi, et la justice sociale, sera vraiment posée sur la table.

Mais l’air frais apporté par Benoît Hamon complique aussi la donne. Sa victoire, probable dimanche prochain au deuxième tour de la primaire, poussera inexorablement la droite du PS vers Emmanuel Macron. Mais elle conduira aussi à une concurrence entre Hamon et Mélenchon, qui peut être source d’affaiblissement durable des forces écologiques et soucieuses de justice. Il sera crucial que les uns et les autres sachent trouver les moyens de s’allier contre l’extrême-droite et la poursuite de la politique néolibérale. Plus que le sort de la présidentielle, c’est en fait la recomposition d’une gauche forte et écologique, après 2017, qui commence à se jouer aujourd’hui.

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