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ÉditoPolitique

La faillite du parti écologiste

Europe Écologie-Les Verts (EELV) est blessée à mort par la campagne présidentielle. En raison de ses propres erreurs, et de son incapacité à se séparer du PS. Mais l’écologie est bien vivante dans le pays.

Le premier tour de l’élection présidentielle est attristant, plaçant face à face le candidat de la politique néolibérale et celle de la xénophobie institutionnalisée. Mais il aura eu un mérite : la fin du bipartisme et de la domination étouffante des deux partis PS-LR, avec l’effondrement de Benoît Hamon et l’échec d’un François Fillon englué dans la corruption.

Même si les partisans d’une nouvelle Constitution ne l’ont pas emporté, le régime monarchique de la Ve République, qui voyait un président mal élu décider de tout parce qu’assis sur une majorité parlementaire muselée par l’article 49.3, est subclaquant : il n’y aura sans doute pas de majorité aux prochaines élections législatives. C’est en fait une période d’instabilité qui s’ouvre, et d’autant plus bancale que l’on n’aura pas voulu remettre à plat un système institutionnel dépassé.

Mais dans le fracas des urnes, il convient de parler ici d’un blessé à mort du choc électoral : le parti écologiste, dit Europe Écologie-Les Verts (EELV). Absent de l’élection, de son propre fait, il a sombré en s’alliant sans réserve avec le candidat du Parti socialiste.

Rappelons l’enchaînement qui a conduit à ce désastre. Empoisonné par son alliance avec un François Hollande qui piétinait méthodiquement tous ses engagements, EELV se divisait après le départ du gouvernement de Cécile Duflot et de Pascal Canfin. Les uns décidaient de rester avec le gouvernement, comme Emmanuelle Cosse ou Barbara Pompili, ou de le soutenir, comme François de Rugy ou Jean-Vincent Placé. D’autres quittaient plus ou moins bruyamment ce parti déboussolé, de Noël Mamère à Isabelle Attard. Le gros des maigres troupes restait, en faisant le gros dos.

Le parti décidait de mener une primaire pour désigner son ou sa candidate. Cette compétition éliminait Cécile Duflot et choisissait Yannick Jadot. Celui-ci jurait qu’une alliance avec le PS était « inenvisageable ». Mais en janvier 2017, la primaire du PS se concluait par la victoire d’un Benoît Hamon mettant en avant son programme écologiste. Une surprise, qui conduisait un très grand nombre de citoyens de gauche et écologistes à espérer l’alliance entre Hamon et Mélenchon.

La double erreur d’EELV

C’est ici qu’EELV aurait pu être utile, en se plaçant franchement en intermédiaire, en plénipotentiaire, en ambassadeur de la vox populi, en tentant franchement le rapprochement. Las ! Hamon, tout fier de son élection inattendue, parlait à la France insoumise comme s’il allait de soi qu’elle devait s’unir derrière lui, et parlementait avec l’appareil du PS. Et EELV, sans se poser de question, se rangeait derrière le nouveau sauveur et signait de manière précipitée un accord magnifique en ignorant superbement Jean-Luc Mélenchon. Qui, il est vrai, ne manifestait pas de son côté un grand empressement à s’unir. Yannick Jadot retirait sa candidature, se plaçant au côté de Benoît Hamon.

Il arrive aux brillants jouets de Noël, quand ils n’ont pas été soigneusement élaborés, qu’ils perdent vite leurs couleurs et se détraquent prestement. C’est ce qui arriva à Benoît Hamon. Abandonné par ce PS qu’il n’avait pas osé bousculer, concurrencé par la France insoumise qui travaillait de longue date et exprimait le désir de renouvellement d’une gauche inspirée par l’écologie, il rétrogradait en position subalterne.

On aurait pu rêver, en avril, que Hamon se retire et apporte ses forces à la France insoumise, ce qui aurait conduit la gauche au second tour. On aurait pu penser, au moins, qu’il respecterait le pacte de non-agression que les deux rivaux s’étaient juré. Mais il chercha à regagner de l’air en attaquant Jean-Luc Mélenchon, notamment sur l’Europe. Quant à Yannick Jadot et à EELV, ils critiquaient avec encore plus de hargne le candidat de la France insoumise. C’était une nouvelle erreur : l’enjeu bien visible était au contraire de préparer la suite, et comment, après la présidentielle, on préparerait le travail en commun.

Cette politique de gribouille conduit au désastre que l’on sait : non seulement pour la première fois depuis 1974, l’écologie politique n’a pas eu un candidat autonome, mais elle a réussi, en opérant systématiquement les mauvais choix, à se faire mépriser de ceux dont elle avait choisi de dépendre — les socialistes du PS — et à irriter ceux avec qui elle pourrait rebâtir une nouvelle alternative.

Cette obstination dans l’erreur renvoie à un clivage plus profond : le refus de choisir entre une écologie de rupture avec le capitalisme et une écologie cherchant à infléchir un système jugé inamovible. C’est une discussion noble, et qu’il faut mener ouvertement. Mais elle est dissimulée par des politiques à la petite semaine qui ont conduit à la marginalisation du parti écologiste.

L’écologie, cependant est bien vivante et présente, et elle a pleinement pénétré la gauche, c’est-à-dire le mouvement de ceux pour qui la justice sociale est une condition vitale de la paix civile. Il n’en reste pas moins un goût amer de la voir dévoyée par ceux qui s’en proclamaient les porteurs historiques.

Ce qu’il faut retenir, c’est que le mouvement continue, et que l’écologie reste plus que jamais au cœur du renouveau des politiques. Elle a besoin de hauts-parleurs et de lieux où les débats se mènent, pour que l’intelligence collective puisse en liberté opérer les bons choix. C’est la tâche que, modestement et avec ténacité, Reporterre se fixe.

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