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EntretienPolitique

Le gouvernement formé au climat : « Cela reste insuffisant »

La climatologue Valérie Masson-Delmotte à l'Élysée, le 4 mai 2022.

La climatologue Valérie Masson-Delmotte a présenté le 31 août les enjeux climatiques au gouvernement. Une invitation louable pour Anne Bringault, du Réseau Action Climat, mais qui reste insuffisante.

Une rentrée ministérielle sous le signe du climat ? C’est en tout cas le message que souhaite envoyer le gouvernement en conviant la climatologue Valérie Masson-Delmotte, coprésidente du Giec [1] depuis 2015, pour sa première réunion après l’été. Le but : sensibiliser à la question climatique les quarante-deux membres de l’équipe d’Emmanuel Macron. Sa courte intervention de trente minutes influencera-t-elle les futures décisions politiques après un été caniculaire et une rentrée plombée par la crise énergétique ? Reporterre fait le point avec Anne Bringault, coordinatrice des programmes au Réseau Action Climat (RAC).


Reporterre — Que pensez-vous de l’invitation de Valérie Masson-Delmotte à ce séminaire de rentrée du gouvernement ?

Anne Bringault — C’est une bonne chose qu’on parle du climat dans un séminaire de rentrée ministérielle. C’est également une bonne initiative d’inviter des scientifiques, car les experts ne sont pas assez écoutés. Il est rare qu’ils soient conviés par des ministres, par le président ou qu’ils participent à des colloques et des conférences où sont présents des politiques. Par exemple, la formation proposée aux députés en juin dernier n’a pas été lancée par les députés eux-mêmes. À ma connaissance, la commission développement durable de l’Assemblée a déjà invité des experts pour présenter les enjeux climatiques. Mais la commission des affaires économiques ne l’a pas fait.


Valérie Masson-Delmotte n’a parlé que trente minutes...

C’est un vernis assez général. Elle a abordé globalement les mécanismes du changement climatique, ses causes et ses impacts, et des pistes de solutions rassemblées par le Giec. Mais cela reste insuffisant pour comprendre les causes du changement climatique et les meilleures solutions pour y répondre. Cela doit s’accompagner d’autres dispositifs. Élisabeth Borne [la Première ministre] a annoncé que l’équipe ministérielle ainsi que 25 000 fonctionnaires seront formés à ces enjeux. D’après les échos que j’ai à Matignon, ils suivront les outils du type fresque du climat, ou l’atelier 2 tonnes, soit l’empreinte carbone que chaque Français devrait émettre chaque année pour respecter la neutralité carbone. Nous attendons beaucoup de cette seconde phase. Elle permettra au gouvernement de prendre davantage de temps pour comprendre l’ampleur du problème climatique.

Quel est le réel problème de cet exécutif : le manque de formation à ces questions, ou le manque de considération pour la lutte contre le changement climatique ?

Un peu des deux. Souvent en France, dès qu’on parle de changement climatique avec le gouvernement, on embraye sur le nucléaire. Il faut plutôt se pencher sur les questions de transport, d’agriculture, de bâtiment et d’industrie. Que tous les ministres aient conscience de cela est le minimum.

En dehors de ces questions de formation, on espère qu’il y aura un pilotage par Matignon pour que les ministres aient une feuille de route avec des indicateurs et un suivi des résultats afin de respecter le plafond des émissions de gaz à effet de serre. C’est d’ailleurs la mission du nouveau secrétaire général de la planification écologique.

Lorsqu’Emmanuel Macron a annoncé ce dispositif à Marseille, il n’y avait rien derrière. Maintenant, c’est plus précis, mais attendons de voir si les outils seront efficaces. En octobre prochain, nous aurons un premier cap fixé, avec le projet sur la loi de finances. Il faudra voir si les financements sont en cohérence avec ce cap. Sur le papier, c’est une bonne chose : ce secrétariat va s’assurer que les objectifs sont bien respectés dans les ministères. Reste à savoir s’il en aura les moyens.


Inviter une climatologue reconnue, n’est-ce pas seulement de la communication politique ?

Je suis contente que Valérie Masson-Delmotte présente les enjeux climatiques au gouvernement, car elle est très compétente et pédagogue. Mais elle n’est pas très connue auprès du grand public. Au Réseau action climat, des sondeurs nous ont expliqué que les Français ne connaissaient aucun climatologue. La seule personnalité connue dans la catégorie environnement, c’est le journaliste Hugo Clément. Donc, en matière de communication auprès du grand public, la venue de Valérie Masson-Delmotte n’aura pas un effet phénoménal.

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