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Les défenseurs des animaux lancent un Manifeste pour peser dans le débat présidentiel

Des associations de défense des droits des animaux ont présenté le manifeste « Animal politique ». Entouré de figures médiatiques comme Matthieu Ricard, le collectif a expliqué vouloir porter la question de la condition animale dans le débat public en interpellant les candidats à l’élection présidentielle.

  • Paris, reportage

« La question de la condition animale, les politiques s’en fichent. Ils la balayent d’un coup de poignet. » Ce constat, c’est une députée socialiste qui le fait. Geneviève Gaillard tente de mobiliser sur le sujet dans les couloirs parlementaires depuis son premier mandat, en 1997 : « Nous ne pouvons plus considérer que les animaux ne sont pas doués de sensibilité. Pour leur donner une place dans notre droit, nous avons vu le besoin de fédérer les associations de défense des droits des animaux », explique à ses côtés sa collègue la députée écolo Laurence Abeille.

Pour une fois, la question mobilise. Dans la salle de conférence du grand hôtel parisien se serrent militants, journalistes et personnalités venues en soutien. L’actrice Hélène de Fougerolles, le journaliste Allain Bougrain-Dubourg ou encore la dessinatrice Luce Lapin ont fait le déplacement. Ce mardi 22 novembre, un collectif de 26 ONG de défense des droits des animaux présentait son manifeste de 30 propositions intitulé « Animal politique ». Objectif : faire émerger la question animale dans le débat public.

« Après l’abolition de l’esclavage ou le vote des femmes, il faut se demander : quel grand pas reste-t-il à faire pour l’humanité ? intervient le moine bouddhiste Matthieu Ricard, soutien du collectif. 120 millions d’animaux sont tués chaque heure pour les besoins de l’humanité. »

Interdiction des cages et de la corrida

L’introduction du manifeste, elle, remarque que « malgré l’intérêt croissant des Français pour la cause animale, la dénonciation des actes de cruauté et la reconnaissance de la sensibilité des animaux par la science et le droit, l’engagement des politiques pour améliorer leur situation reste très insuffisant et en décalage avec les attentes de la majorité des Français ».

« 120 millions d’animaux sont tués chaque heure pour les besoins de l’humanité », a expliqué Matthieu Ricard.

Les propositions sont déclinées selon six thématiques : animaux d’élevage, de compagnie, de divertissement, faune sauvage, etc. Les organisations demandent l’interdiction des cages ou du gavage en élevage, l’obligation d’étourdissement des animaux avant l’abattage, l’arrêt de l’utilisation des animaux pour l’expérimentation scientifique, des mesures pour limiter l’abandon des animaux de compagnie, ou encore la reconnaissance du statut d’être vivant doué de sensibilité à l’animal sauvage. Dans les semaines et mois qui viennent, ces points seront présentés à chaque candidat à la présidentielle afin de les pousser à s’engager sur le sujet. « Cela nous permettra de noter les candidats en fonction des propositions sur lesquelles ils voudront bien s’engager », explique Christophe Marie, porte-parole de la Fondation Brigitte Bardot.

« On veut que ces propositions soient retenues, défendues par les politiques. Donc nous avons limité nos ambitions, tout en gardant certaines mesures symboliques comme l’abolition de la corrida », précise-t-il encore. Plusieurs associations qui prônent habituellement aussi l’abolition de la chasse ont accepté le choix pragmatique de plaider pour son interdiction « seulement » le dimanche.

Une bonne dose de pragmatisme a aussi été nécessaire pour trouver des propositions qui conviennent à des organisations ayant des buts allant de l’amélioration des conditions d’élevage des animaux (le CIWF — Compassion in World Farming —, par exemple) à l’abolition de toute forme d’exploitation des animaux par l’homme (L214, par exemple). Sur l’estrade, la députée Geneviève Gaillard rappelle qu’elle mange elle-même de la viande. « Mais, elle est abattue dans des conditions qui ne me conviennent pas », explique-t-elle. Elle recueille quelques applaudissements, mais bien moins que Matthieu Ricard, proclamant que « le seul moyen de manger de la viande casher, c’est d’être végétarien ! »

Tous les partis consultés

« Nos associations reflètent la diversité de la société. On a aussi des propositions qui s’adressent à des gens qui consomment de la viande, insiste Agathe Gignoux, du CIWF. On peut en manger mieux. L’ultramajorité des personnes ne sont pas végétariennes, et c’est important de montrer qu’elles peuvent agir pour le bien-être animal, et que les politiques aussi peuvent leur proposer quelque chose. On a des propositions qui sont réalistes, réalisables, qui font avancer la cause animale de façon progressive. »

« Nous évaluerons les candidats en fonction de leurs engagements », dit Christophe Marie, porte-parole de la Fondation Brigitte Bardot.

Cette initiative intervient alors que le Parti animaliste a été officiellement lancé il y a à peine plus d’une semaine. Il vise à présenter des candidats aux élections législatives. « Nous avons le même combat. Mais le scrutin majoritaire à deux tours laisse peu de chances d’avoir des candidats animalistes élus, note Laurence Abeille. Le collectif est un autre outil, il pourra travailler avec le gouvernement. »

Il se déclare politique dans le sens où il entend soulever « un débat de société », mais apolitique « au sens partisan ». Tous les partis présentant un candidat à la présidentielle seront abordés. « Même le Front national, précise Christophe Marie. La question revient souvent, car, aujourd’hui, c’est ce parti que l’on entend le plus sur le sujet. En lui demandant de se positionner par rapport à notre manifeste, nous pourrons montrer qu’il n’est absolument pas cohérent sur sa manière de défendre les animaux. Et il faut que les autres partis se positionnent pour ne pas laisser au FN un boulevard sur ce sujet. »

Chaque candidat sera donc comparé aux autres en fonction de ses réponses à la liste de propositions. Rendez-vous aurait déjà été pris auprès de Jean-Luc Mélenchon et de Yannick Jadot. Benoît Hamon pourrait se montrer ouvert. Pour le reste, il faut attendre que tous les candidats soient choisis et déclarés.

Cependant, la présidentielle ne sera « qu’une première étape », précise Muriel Chrisostome, de la SPA (Société protectrice des animaux). « On veut s’inscrire durablement dans le débat politique français, ce manifeste est un acte fondateur. »

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