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Animaux

Les médecins sans moyens des animaux sauvages de l’Ile-de-France

Du hérisson scalpé par une tondeuse à gazon au chevreuil percuté par une voiture en passant par la chouette effraie ne pouvant plus voler, le Centre d’accueil de la faune sauvage d’Ile-de-France (CEDAF) soigne les animaux blessés. Mais pour combien de temps encore ? Le Centre a besoin de soutien financier pour survivre.


- Maisons-Alfort (Val-de-Marne), reportage

« Encore une nouvelle arrivée : deux bébés hérissons qu’il faut nourrir au biberon, toutes les quatre heures, voire plus s’ils réclament », lance Gilbert, un cadre informaticien à la retraite devenu spécialiste de ces attachants petits mammifères.

Depuis juillet 2009, pas moins de 912 hérissons sont passés au CEDAF, près de 300 rien que cette année. « Certains arrivent en très mauvais état, comme celui que l’on a récupéré avec de larges plaies sous les bras, grouillant d’asticots à l’intérieur, pas beau à voir... », annonce celui que les bénévoles appellent « Papy Risson ».
Mais Gilbert a quitté le centre le 9 novembre, après dix ans de bons et bénévoles services.

Ce sont majoritairement les particuliers (promeneurs, passants, jardiniers) qui les amènent dans ce centre niché au coeur de l’Ecole Vétérinaire de Maisons-Alfort, après les avoir trouvés en détresse dans la nature. Les services municipaux, les fourrières, les pompiers, l’ONCFS (en cas de saisie) déposent régulièrement toutes sortes de bêtes : 85 % d’oiseaux et 15 % de mammifères appartenant à une cinquantaine d’espèces différentes.

Chaque année, par moins de 2.500 animaux, témoins de la biodiversité de la région d’Ile-de-France, sont soignés puis relâchés dans leur milieu naturel par une équipe de professionnels et de bénévoles qui ne comptent pas leurs heures.

- Un chevreuil sonné après avoir été percuté par une voiture en Ile-De-France. -

Formation et sauvegarde de la faune sauvage

« J’ai fondé le CEDAF en 1987 au moment où la demande sociétale pour sauvegarder les animaux sauvages devenait de plus en plus importante. Après le boom des animaux domestiques dans les années 1960 à 80, de plus en plus de personnes ont porté un regard différent sur ces autres animaux », explique le professeur Jean-François Courreau, fondateur du CEDAF fraîchement retraité et contacté par téléphone. « Il n’y avait pas beaucoup de vétérinaires spécialisés faune sauvage, d’où l’idée de créer un centre où ils pourraient se former ».

En 1995, le centre est reconnu comme service clinique d’enseignement dédié à la faune sauvage. Fin 2013 l’association Faune Alfort est montée pour « soutenir les actions de soins, de formation et d’information du public pour la faune sauvage d’Ile-de-France ».

Aujourd’hui, 120 étudiants de l’école ont bénéficié de la formation dispensée par le CEDAF, mais aussi une cinquantaine de stagiaires venus de tous horizons : vétérinaires praticiens, assistants vétérinaires, soigneurs ou encore étudiants en licences et masters scientifiques.

Manque de moyens

« Notre rôle est important et notre action reconnue et saluée, mais nous manquons cruellement de moyens pour poursuivre notre action sereinement. L’année 2014 a été très, très difficile », soupire Jean-François Courreau.

« L’école vétérinaire de Maisons-Alfort continue à nous héberger mais ne verse plus de subventions. Aujourd’hui, nous sommes le seul centre de sauvegarde généraliste de cette taille à ne pouvoir financer qu’un mi-temps à notre vétérinaire. Et nous voulons continuer à former les étudiants, car soigner un animal sauvage, ce n’est pas comme soigner un chat ou un chien... Nous faisons donc ouvertement appel aux dons et subventions, car les pouvoirs publics ne semblent pas se soucier de notre sort malgré la mission d’intérêt général que nous remplissons pour la biodiversité de la région », précise-t-il.

Côté matériel, il faut acheter toutes sortes d’aliments spécifiques à chaque espèce ainsi que des médicaments, souvent onéreux, pour les pensionnaires. Des écuelles aux appareils chirurgicaux en passant par les volières, le CEDAF a besoin de se rééquiper et de rénover ses locaux, qui ne sont plus adaptés au nombre d’accueils.

Compétences spécifiques

Dans la vétuste petite salle clinique où se font les soins, Cécile Le Barzic, la vétérinaire à mi-temps, manipule précautionneusement une chouette effraie des clochers. « Elle souffre d’une luxation du coude, on doit donc lui faire de la mécanothérapie, pour qu’elle puisse se resservir de son aile », explique la jeune femme en massant l’aile du rapace nocturne.

« Beaucoup d’animaux arrivent dans un état grave, je traite majoritairement des traumatismes (par exemple un oiseau qui a foncé dans une baie vitrée, ou qui a été attaqué par un chat ou un chien) et nous faisons vraiment notre maximum pour les sauver. Mais nous manquons de personnel pour les soins quotidiens, et de moyens pour acheter les stocks de médicaments qui s’écoulent très rapidement. C’est vrai qu’une aide extérieure serait la bienvenue », lâche la vétérinaire qui rêve de travailler ici à plein temps.

Elle se fait assister par Aki, étudiant soigneur animalier, qui vient bénévolement cinq à six jours par semaine s’occuper des oiseaux. « Ce sont ces animaux sauvages qui me font lever le matin. Ici j’apprends leurs codes, à les nourrir, même si découper des poussins décongelés pour les donner aux rapaces n’est pas très agréable pour un végétarien », confie-t-il en regardant amoureusement la chouette effraie. Si tout va bien, dans quelques temps l’oiseau pourra intégrer la grande volière à l’extérieur avant de recouvrer la liberté.

Lourd déclin des populations d’oiseaux

Une étude publiée le 2 novembre dans Ecology Letters révèle que l’Europe abrite 421 millions d’oiseaux de moins qu’il y a trente ans, un déclin de 90 % a été enregistré chez des espèces aussi communes que la perdrix grise, l’alouette des champs, le moineau et l’étourneau.

La France n’est pas épargnée. « Les pouvoirs publics ne se rendent pas compte de ce déclin dramatique et ne font rien pour bouger. On entend de moins en moins les oiseaux chanter dans nos campagnes, c’est désolant. Bien sûr, les raisons de cette chute de population sont nombreuses, comme la destruction de l’habitat naturel, les pesticides dans les champs, et la chasse, mais chacun peut agir à son niveau, c’est ce que nous faisons ici avec passion », assure une autre bénévole régulière.


Pour aider le CEDAF, vous pouvez envoyer vos dons ou devenir bénévole :
[email protected]

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