Les opposants au barrage du Testet résistent aux forces de l’ordre

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SivensRemaniement ou pas, les grands projets inutiles continuent. Les gendarmes interviennent depuis lundi au Testet, dans le Tarn, pour évacuer les zadistes qui s’opposent à la réalisation d’un barrage destructeur de la biodiversité.
Si les écologistes ont connu une rentrée politique mouvementée, marquée par leur refus final de participer au deuxième gouvernement de Manuel Valls, celle qui les attend sur le terrain risque d’être tout autant agitée. Depuis deux jours, la zone humide du Testet (Tarn), menacée par un projet de barrage du Sivens, est le lieu d’affrontement entre les opposants au projet et les forces de l’ordre, arrivés en nombre – plus d’une cinquantaine – lundi 25 août.
La situation n’est pas sans rappeler, à petite échelle, l’opération « César » de novembre 2012, à Notre-Dame-des Landes. D’un côté, une soixante de militants-activistes qui souhaitent empêcher la réalisation d’un nouveau projet inutile et imposé, qui verrait la destruction de plusieurs espèces protégées. Après avoir été une première fois évacués de la zone le 16 mai dernier, ils réoccupent depuis le 15 août ces terrains devenus « ZAD » depuis près d’un an.
De l’autre, les gardes mobiles venus encadrer les travaux préliminaires à la mise en chantier du site : derniers prélèvements d’espèces par les naturalistes, terrassement en vue de la création d’une zone de stockage pour les engins et le bois, etc.
L’enjeu : démarrer à partir du 1er septembre le chantier de déboisement.
Le nouvel arrêté de déboisement avait été retardé l’hiver dernier. Mais le Conseil Général et la préfecture du Tarn semblent maintenant déterminés à enclencher cette étape cruciale dans l’avancement du projet : « Ils veulent passer en force. S’ils parviennent à déboiser, on sera à nu, on ne pourra plus se cacher et ils auront donc fait une grosse part du boulot » prévient Camille (pseudonyme), l’un des « activiste-pacifiste » de l’occupation depuis ses débuts.
Sur place, les zadistes ont mis depuis quelque temps tout en œuvre pour ralentir au maximum le processus. Pendant une semaine, ils ont réinvesti les lieux, afin de monter des cabanes et autres constructions compliquées à démolir. « On faisait ça de manière clandestine, la nuit, en douce. On ne s’est rendu apparent que vendredi soir dernier » raconte Camille.
Mais dès lundi, la tension monte avec les forces de l’ordre. Fred, un autre occupant sur place, raconte l’escalade : « Ils ont fait venir des gendarmes de toute la région, et certains, comme ceux du PSIG [Peloton de Surveillance et d’Intervention de la Gendarmerie], étaient très énervés. Il y a eu des provocations, et c’est parti en baston, il y a eu des vrais combats ». Lundi soir, la police a procédé à deux arrestations avec inculpation pour violences sur des forces de l’ordre.
Dans la nuit de lundi à mardi, des barricades ont été installées sur la zone. Celle qui bloquait le pont du Tescou à tenu jusqu’à 16h mardi. Un hélicoptère a sillonné le ciel dans la journée pour contrôler depuis les airs les opérations policières. Mardi soir, à 20h, les gendarmes semblaient avoir battu retraite, laissant aux zadistes une nuit de plus pour organiser la résistance des prochains jours.

Mais sur le camp de la Bouillonnante, le QG de la lutte comme le racontait notre envoyé spécial l’hiver dernier, les conditions d’occupation sont sommaires : « Nous n’avons qu’une caravane avec un espace de cuisine collective et quelques tentes ; le risque d’être délogés dès demain n’est pas à exclure. Si on était une centaine de plus, ce serait beaucoup plus compliqué pour eux », explique Fred.
Les promoteurs du projet profitent peut-être de l’agitation politique nationale liée au remaniement du gouvernement pour avancer discrètement. Pour José Bové, un des principaux soutiens politiques à la résistance au projet de barrage, « les autorités jouent sur le rapport de force en sortant les grands moyens, dit-il à Reporterre. Ils sont dans une logique lourde, une logique ‘bulldozer’. Quelque soient les ministres en place, c’est la même logique productiviste qui continue ».
Pour alerter l’attention publique, plusieurs opposants entament à partir de ce mercredi une grève de la faim. Avec comme principale revendication, celle d’un moratoire pour ouvrir un débat public qui n’a jamais eu lieu. « Il y a eu une enquête publique bâclée, et une réunion d’information qui a fait office de débat public, explique Christian, qui fait partie des jeûneurs. Nous demandons au Conseil Général un vrai dialogue, qu’il réponde enfin aux questions que l’on pose sur l’utilité publique du projet ».
Au Testet, les prochains jours seront décisifs pour l’avenir de la forêt et des prairies qui bordent le Tescou…