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Macron youtubeur sur l’écologie, mais creux sur les réponses

Emmanuel Macron a dévoilé en vidéo le bilan du conseil de planification écologique.

« Aujourd’hui, on n’y est pas. Et si on ne change pas les choses, on n’y arrivera pas. » Dans une vidéo publiée le 28 janvier sur sa chaîne YouTube, Emmanuel Macron a dévoilé le bilan du conseil de planification écologique, qui s’était déroulé deux jours plus tôt. L’événement avait réuni la Première ministre Élisabeth Borne et une dizaine de ministres autour du président de la République.

Un mois après avoir déclaré que personne n’aurait pu prédire la crise climatique, et sur un ton alarmiste qu’on ne lui connaissait pas, Emmanuel Macron a fait un « état des lieux » des chantiers à lancer, pour réduire les émissions de gaz à effet de serre du pays. Graphique à l’appui, il a rappelé que l’objectif était d’atteindre, en 2030, 270 millions de tonnes de CO2 émises par an en France. Soit une baisse de 140 millions de tonnes par rapport à aujourd’hui. « Je ne vous cache pas qu’il y a beaucoup, beaucoup de travail, a déclaré le président de la République. Ce n’est pas une découverte, mais là maintenant, on rentre dans le dur. »

Point par point, Emmanuel Macron a listé les secteurs dans lesquels il comptait réduire, en sept ans, les émissions de gaz à effet de serre. Pour celui des transports — qui représente 30 % des émissions —, le président a surtout évoqué les véhicules particuliers. « Ce qui est le plus rentable à l’euro investi pour diminuer la tonne de CO2, [...] c’est réussir à électrifier notre parc de véhicules », a-t-il avancé. Les transports collectifs (RER métropolitains, petites lignes ou trains de nuit, transports publics) ont également été cités, mais il a insisté : les véhicules électriques, « c’est la priorité, c’est le plus efficace », alors qu’elles ne sont pas écologiques. D’où la nécessité, selon lui, de continuer à accompagner les citoyens à changer de voiture. Pour l’heure, aucune action concrète n’a été annoncée par Emmanuel Macron. Élisabeth Borne est censée présenter les décisions du gouvernement en matière de transports en février.

Pas d’objectifs

Le président est également resté vague sur la question de l’agriculture (19 % de nos émissions). Au lieu d’inviter à des mesures concrètes, comme une réduction de consommation de viande (et de produits d’origine animale en général), il n’a évoqué qu’une future loi d’orientation pour l’installation et l’aide aux jeunes agriculteurs. Le plan de « décarbonation » de l’agriculture, lui, ne sera présenté par le ministre Marc Fesneau qu’au mois de juin.

Pas davantage de précisions pour le secteur du bâtiment (18 % de nos émissions) : Emmanuel Macron a affirmé sa volonté d’« accélérer la stratégie de rénovation », sans donner d’objectifs chiffrés. Seule l’échéance de février a été mentionnée, date à laquelle une « concertation » doit avoir lieu entre les acteurs du secteur.

De la même façon, l’industrie (qui représente 19 % des émissions françaises) aura aussi droit à sa propre « stratégie de décarbonation ». Un « point d’étape » est prévu pour le mois de mars.

Enfin, du côté du secteur de l’énergie (10 % des émissions), le chef de l’État n’a pas caché ses ambitions. « Plus d’[énergies] renouvelables », « un plan de sobriété » et « plus de nucléaire ». « On va passer des textes pour produire plus de nucléaire, et peut-être essayer de le produire plus vite, parce que c’est la clé pour notre stratégie », a-t-il affirmé — alors que le débat public autour des nouveaux réacteurs nucléaires est encore en cours. Sans, une fois de plus, donner de nouveaux objectifs. Et alors que cette politique ne peut avoir aucun effet sur les émissions d’ici 2030, puisque le premier EPR2 serait opérationnel, au mieux, en 2037...

« Pas de mesures concrètes. Tout reste à faire ! »

Ainsi, même si Emmanuel Macron adopte désormais un ton alarmiste face à l’urgence (il a plusieurs fois répété aux internautes l’objectif de réduction de 270 millions de tonnes de CO2), et un vocabulaire emprunté à la gauche (le concept de planification écologique avait d’abord été invoqué par Jean-Luc Mélenchon), il ne reste que des invocations d’objectifs dans cette vidéo. « Des plans et stratégies annoncés, mais pas de mesures concrètes. Tout reste à faire ! » a réagi sur Twitter Anne Bringault, coordinatrice des programmes au Réseau Action Climat France.

En outre, certaines de ses affirmations mériteraient d’être précisées. « Il faudra de l’argent public [pour accompagner la transition écologique], mais il faut aussi de l’argent privé », a-t-il par exemple déclaré, sans détailler ce qu’il entendait par là. Ou encore : « On y arrivera aussi avec de nouvelles innovations, peut-être des innovations de rupture, de nouvelles techniques. » Une approche « techno-solutionniste » que dénonce Greenpeace.

« Avec cet énième point d’étape, alors que 2030 est tout proche, le président ne fait que retarder encore des mesures qui sont connues et qui devraient être appliquées immédiatement, a réagi l’ONG dans un communiqué. Comme s’il n’était pas au pouvoir lors des conclusions de la Convention citoyenne sur le climat et des alertes des rapports du Giec et du Haut Conseil pour le climat. Sans parler du lancement de la procédure de l’Affaire du siècle qui a abouti à la condamnation de la France pour inaction climatique. »

Cette vidéo est la quatrième, depuis le mois de novembre, où le président défend et explique sa politique environnementale auprès des internautes.

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