Menacés de dissolution, Les Soulèvements de la Terre répondent à Darmanin

L’anthropologue Philippe Descola, la secrétaire nationale de l’Union syndicale Solidaires Julie Ferrua, le réalisateur Cyril Dion, la porte-parole d’Attac Youlie Yamamoto, l'un des porte-parole des Soulèvements de la Terre Benoit Feuillu et les avocats Aïnoha Pascual et Raphaël Kempf devant le ministère de l’Intérieur, à Paris, le 7 avril 2023. - © Alain Jocard / AFP
L’anthropologue Philippe Descola, la secrétaire nationale de l’Union syndicale Solidaires Julie Ferrua, le réalisateur Cyril Dion, la porte-parole d’Attac Youlie Yamamoto, l'un des porte-parole des Soulèvements de la Terre Benoit Feuillu et les avocats Aïnoha Pascual et Raphaël Kempf devant le ministère de l’Intérieur, à Paris, le 7 avril 2023. - © Alain Jocard / AFP
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Libertés Luttes MégabassinesLes avocats des Soulèvements de la Terre ont déposé au ministère de l’Intérieur une lettre de réponse à la procédure de dissolution du collectif. Ils dénoncent le « détournement d’une procédure pénale ».
Paris, reportage
Les Soulèvements de la Terre ne se laissent pas faire. Dix jours après l’annonce de leur dissolution par le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, les avocats du collectif ont présenté leurs réponses aux griefs envoyés par son ministère. Vendredi 7 avril, ils se sont rendus place Beauvau espérant être reçus pour présenter leurs conclusions. Sans succès. « Ils ont considéré que nous n’étions pas des représentants des Soulèvements de la Terre, mais simplement des soutiens », a déclaré Ainoha Pascual, l’une des avocates du collectif.
Dans la lettre de grief que Reporterre a consultée, le gouvernement reproche aux Soulèvements « d’incite(r) et (de) participe(r) à la commission de sabotages et dégradations matérielles ». Or, aucune poursuite ou condamnation judiciaire n’a jamais été lancée à l’encontre des Soulèvement pour de tels actes. « Le gouvernement leur reproche des infractions pénales, qui ont notamment trait à la liberté d’expression. Il détourne ainsi la loi de 1881 et prive les Soulèvements de la Terre d’un procès en bonne et due forme, d’une procédure contradictoire », a déclaré Raphaël Kempf, autre avocat du collectif, devant les grilles dorées du bâtiment, avant d’être interrompu par les gendarmes qui ont ordonné au petit groupe de soutiens et de journalistes d’aller discuter plus loin.
Les Soulèvements de la Terre ne sont pas une association mais « un groupement de fait », selon le ministère. Ils peuvent donc être dissous grâce à la loi dite séparatisme.
Ignorant — volontairement ou pas — les logiques horizontales et décentralisées des Soulèvements de la Terre, le gouvernement a également cherché des « chefs ». Et c’est Benoit Feuillu, l’un des nombreux porte-paroles, qui a reçu la lettre de griefs. « Je suis loin d’être le seul porte-parole d’un mouvement composite, une coalition d’associations, de syndicats, de collectifs. Le récit sur lequel se base le ministère est fallacieux », a-t-il déclaré.
« Dissoudre les Soulèvements ne nous arrêtera pas »
Depuis l’annonce de cette dissolution, le collectif a reçu un tsunami de soutiens. Près de 65 000 personnes ont signé son appel, comme la romancière prix Nobel de littérature Annie Ernaux, le réalisateur Ken Loach, le philosophe Noam Chomsky ou encore l’actrice Adèle Haenel. Toutes et tous se disent aujourd’hui membres des Soulèvements de la Terre. Or, si jamais la procédure aboutissait, le Code pénal punissant de trois ans de prison le maintien ou la reconstitution d’un groupement dissous, les avocats interrogent : « Entendez-vous demander à vos procureurs de les envoyer tous et toutes en prison ? »
Plusieurs personnalités étaient présentes place Beauvau pour manifester leur soutien. Parmi elles, l’anthropologue Philippe Descola, la secrétaire nationale du syndicat Solidaires Julie Ferrua, l’eurodéputé européen (Les Verts/ALE) Benoit Biteau, ou encore le réalisateur Cyril Dion. « Vouloir dissoudre les Soulèvements de la Terre, c’est comme vouloir dissoudre le mouvement climat, cela n’a pas de sens », a affirmé ce dernier. De son côté, Youlie Yamamoto, porte-parole d’Attac, a déclaré : « Dissoudre les Soulèvements ne nous arrêtera pas. Il faut agir face aux actions mortifères de l’État qui nous mènent droit dans le mur. »
Si Gérald Darmanin décidait malgré tout d’aller au bout de la procédure, les avocats prévoient de lancer un référé liberté ou un référé suspension devant le Conseil d’État, ou encore un recours au fond. En cas d’échec, ils porteront l’affaire jusqu’à la Cour européenne des droits de l’Homme. La décision sera connue mercredi 12 avril, jour choisi par Reporterre pour organiser avec Socialter, Terrestres et Blast une soirée de soutien au mouvement.