Gaspillage et tromperie du consommateur : le suremballage ciblé par des associations écologistes

Certains emballages alimentaires sont plus qu'à moitié vides, alertent Foodwatch et Zero Waste France. Photo d'illustration. - Pxhere/CC0
Certains emballages alimentaires sont plus qu'à moitié vides, alertent Foodwatch et Zero Waste France. Photo d'illustration. - Pxhere/CC0
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Alimentation Quotidien DéchetsHerta, Carambar, Côte d’Or, Daco Bello… ces marques ont 30 jours pour réduire la taille de leurs emballages plastiques. Sinon, Foodwatch et Zero Waste iront devant la justice.
« Ça suffit de laisser faire ! » Karine Jacquemart, directrice générale de Foodwatch, ne mâche pas ses mots. Son association, tout comme Zero Waste France, est excédée par le suremballage. Elle avait déjà dénoncé les emballages alimentaires à moitié vides en 2020. Plus récemment, en septembre 2022, l’association Consommation, logement et cadre de vie (CLCV) pointait également ce gaspillage dans une étude menée sur plus de 250 produits alimentaires.
Las, cette pratique perdure dans l’agro-industrie, comme le prouvent les nombreux signalements envoyés aux associations par les consommateurs. Cette fois, Foodwatch et Zero Waste ont décidé de s’associer et de muscler leur action en mettant en demeure cinq grandes marques de réduire leurs emballages plastiques. Elles ont sélectionné des cas emblématiques, particulièrement frappants. Elles ont mesuré le volume des produits et calculé la différence entre partie vide et partie pleine.

Résultat de l’enquête : le sachet de bonbons Batna de Krema est vide à 44 % ; les barquettes d’allumettes fumées Herta le sont à 54 % ; les paquets de carrés de chocolat Côte d’Or présentent 60 % de vide comme les Girasoli aux cèpes de la marque Rana ; la palme revient aux sachets de noisettes décortiquées Daco Bello, avec 68 % de vide. « On veut aussi faire passer le message aux autres industriels en leur signifiant que notre action aurait très bien pu viser leurs produits », explique Alice Elfassi, juriste à Zero Waste. Les deux ONG appellent également les consommatrices et consommateurs à signer une pétition pour faire pression.
La réglementation existe déjà
Ce suremballage a deux conséquences : « D’une part, il est de nature à induire le consommateur en erreur sur la quantité réelle d’aliments contenus dans le paquet, juge Audrey Morice, chargée de campagnes chez Foodwatch. D’autre part, il va aussi à l’encontre des efforts urgents que doivent faire les industriels pour réduire leurs déchets. » Les cinq marques épinglées ont trente jours pour agir : soit en retirant ces emballages surdimensionnés des rayons, soit en modifiant le packaging. Si elles ne le font pas, les associations saisiront les tribunaux.

Elles comptent attaquer selon deux angles juridiques : d’abord, l’article L. 121-2 du Code de la consommation qui interdit les pratiques commerciales trompeuses. « Avec ces emballages, le consommateur est porté à croire qu’il achète deux fois plus que ce qu’il achète en réalité », dit Me François Lafforgue, avocat de Foodwatch.
Ensuite, l’article R. 543-44 du Code de l’environnement : « Nous avons découvert avec surprise qu’il existait une réglementation sur ce sujet depuis la directive du 20 décembre 1994, transposée en France seulement en 2007. Mais elle n’a jamais été appliquée. Et il n’existe aucune jurisprudence en la matière », détaille Me Alexandre Faro, l’avocat de Zero Waste. Cet article R. 543-44 est en effet sans ambiguïté : « L’emballage doit être conçu et fabriqué de manière à limiter son volume et sa masse au minimum nécessaire pour assurer un niveau suffisant de sécurité, d’hygiène et d’acceptabilité. »
Le casse-tête des produits avec une densité différente
Les deux associations ne contestent pas que le vide peut parfois être nécessaire pour protéger un aliment pendant le transport ou préserver sa qualité, mais elles dénoncent le « vide inutile ».
L’une des marques pointées du doigt, Daco Bello, explique à Reporterre pourquoi ses sachets de noisettes décortiquées sont en partie vides : « Ces noisettes font partie de notre gamme culinaire, petit format. Nous avons quarante références différentes dans ce format, dit Audrey Perez, responsable marketing de la marque. C’est un vrai casse-tête pour nous de remplir un sachet identique avec des produits qui ont une densité très différente. » Si 100 g de cerneaux de noix remplissent très rapidement le sachet, ce ne sera pas le cas avec 100 g de noisettes ou de pignons de pin. « On ne peut pas avoir un sachet par produit. Nous sommes face à une vraie problématique », estime Daco Bello.
L’entreprise annonce qu’elle a prévu de réduire de deux cm la hauteur des sachets de cette gamme d’ici la fin 2023. Elle a déjà réduit la hauteur des emballages d’une autre de ses gammes de quatre cm cette année. « Nous attendons par ailleurs une nouvelle machine qui nous permettra d’optimiser encore mieux l’ensachage en 2024. » Rendez-vous est en tout cas pris pour le 27 juillet pour savoir si les marques ont répondu à l’ultimatum des associations et, si oui, comment.