Retraites : pourquoi les écologistes seront dans la rue

Contre la réforme des retraites, les collectifs se sont déjà mobilisés comme ici le vendredi 24 janvier 2020 à Paris. - © NnoMan Cadoret / Reporterre
Contre la réforme des retraites, les collectifs se sont déjà mobilisés comme ici le vendredi 24 janvier 2020 à Paris. - © NnoMan Cadoret / Reporterre
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Social Politique RetraitesSans appeler officiellement à la mobilisation, la plupart des associations écologistes descendront dans la rue jeudi 19 janvier aux côtés des syndicats pour lutter contre la réforme des retraites.
« S’unir » pour contrer les sirènes du « produire plus pour consommer plus ». À la veille du début de la mobilisation contre la réforme des retraites, les mouvements écologistes ont d’ores et déjà l’intention de « concrétiser les problématiques écologiques et sociales ».
Pour la première fois depuis douze ans, tous les syndicats ont réussi l’union parfaite : ensemble, ils appellent à manifester jeudi 19 janvier pour une « puissante mobilisation dans la durée », afin d’empêcher tout recul de l’âge légal de départ à la retraite, fixé par le gouvernement à 64 ans.
Réunie avec la CGT, FSU et Solidaires autour de l’Alliance écologique et sociale, une partie des associations écologistes compte bien leur emboîter le pas et descendre dans la rue. Sans toutefois avoir leur propre cortège. Parmi celles-ci : Greenpeace, Les Amis de la Terre, Alternatiba, Reclaim Finance, Notre affaire à tous ou encore Youth for Climate. En interne, les messages et positions des différentes organisations syndicales sont relayées, « mais il ne s’agit pas de prendre le lead, nuance François Chartier, chargé de campagne à Greenpeace. L’expertise sur le sujet leur revient ».
Même constat du côté de Fridays for Future dont, sans appeler officiellement à la mobilisation, la plupart des membres seront dans la rue le 19 janvier « à titre individuel », car « lorsqu’on est sensible aux sujets environnementaux on l’est forcément aux conditions de vie », explique Pablo, son porte-parole.
« La retraite pour les morts »
Pour Gabriel Mazzolini, chargé de mobilisation des Amis de la Terre, derrière la question des retraites, la bataille se veut culturelle : « C’est tout un enjeu de société qui se joue : quelle est la forme du travail que l’on propose au-delà de ça ? » Le militant insiste sur le péril que le rallongement de la durée du travail va faire peser sur les métiers les plus précaires et pénibles.
Face à la vieillesse, les statistiques dessinent un tableau sombre : non, nous ne sommes pas égaux. Selon les données de l’Insee, parmi les 5 % les plus pauvres, l’espérance de vie est de 71,7 ans. Contre 84,4 ans pour les 5 % les plus riches. Soit treize ans d’écart. « Cette réforme, c’est la retraite pour les morts », tranchait le député socialiste Boris Vallaud le 10 janvier dernier lors du premier meeting sur la réforme des retraites organisé à Paris, par Reporterre et le journal Fakir.

Des catégories de population également plus touchées par le changement climatique « alors que ce sont celles qui polluent aussi le moins, souligne Zak, militant du mouvement de désobéissance civile Extinction Rebellion Paris, qui manifestera jeudi. Face à la catastrophe écologique en cours, tout allongement du temps de travail va pousser à produire toujours plus de choses inutiles et alimenter cette boucle production-consommation à l’infini. »
En guise de boussole, il cite le rapport d’Oxfam publié le 16 janvier. Selon les calculs de l’ONG, les milliardaires français ont gagné près de 220 milliards d’euros entre mars 2020 et mars 2021. Cinq sur six d’entre eux sont encore plus riches aujourd’hui qu’avant le début de la pandémie entraînée par le Covid-19.
Parmi ses recommandations, Oxfam réclame de renforcer la lutte contre l’évasion fiscale, mais aussi d’instaurer un impôt de solidarité sur les grandes fortunes « qui prenne en compte les failles du précédent dispositif et intègre un malus indexé sur l’empreinte carbone de leurs investissements ». Et affirme que taxer la fortune de nos milliardaires « à hauteur d’à peine 2 % permettrait de financer le déficit attendu des retraites ».
Ne pas financer l’énergie fossile
Gabriel Mazzolini, des Amis de la Terre, craint également que la destruction du modèle de retraites par répartition — où les cotisations financent les pensions — ne renforce le modèle par capitalisation des retraites complémentaires auprès d’assureurs et investisseurs. « Lutter contre la réforme des retraites, c’est aussi se battre contre ce modèle de privatisation qui nourrit les projets climaticides », résume-t-il.
L’ONG spécialisée dans la finance, Reclaim Finance, s’est justement penchée sur les conséquences climatiques de la réforme. « En augmentant l’incertitude autour du niveau de la retraite, des conditions et de l’âge de départ, la réforme des retraites incite les Français à constituer une épargne supplémentaire pour compléter les pensions et/ou envisager un départ anticipé », détaille l’organisation.
Parmi les acteurs de l’épargne retraite, on trouve pêle-mêle : Axa, Crédit agricole, Swiss Life, AG2R la Mondiale, Generali, Natixis, BNP ou encore le Crédit mutuel. Problème : « Ils soutiennent tous l’expansion pétrogazière, avertit Paul Schreiber, chargé de campagne régulation des acteurs financiers. Seul Crédit mutuel Asset Management a adopté une politique concrète de sortie du charbon en ne soutenant aucune entreprise qui financerait cette énergie fossile. »
Comme pour souligner son découragement, Élodie Nace, porte-parole d’Alternatiba Paris, insuffle une réflexion : « Nous sommes face à un gouvernement qui fait reculer les acquis sociaux et nous oblige à être dans une stratégie défensive pour préserver ce qui devrait être le minimum. En attendant, nous ne portons pas d’autres combats… »