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Politique

Sous des dehors alléchants, le budget 2018 traite mal l’écologie

Le projet de loi de finances pour 2018 confirme certaines promesses de campagne d’Emmanuel Macron, comme la hausse de la taxe sur le diesel. Mais l’ambition et les moyens ne sont pas là, déplorent les ONG.

Pour Nicolas Hulot, ministre d’Etat et ministre de la transition écologique et solidaire, « le projet de loi de finances [PLF] pour 2018 traduit les ambitions du gouvernement pour accélérer la transition écologique et solidaire et rendre accessible la protection de la planète à tous les Français dans leur quotidien, et en particulier les plus modestes ». Certes, les 153 pages du document, présenté mercredi 27 septembre en conseil des ministres par le ministre de l’économie et des finances Bruno Le Maire, concrétisent un certain nombre de promesses de campagne d’Emmanuel Macron. Mais elles manquent cruellement d’ambition, déplorent les ONG. Reporterre a fait l’inventaire.

  • Energie et climat

Le PLF pour 2018 prévoit une augmentation progressive de la taxe carbone, plus précisément de la composante carbone des taxes intérieures de consommation (TIC). La valeur de la tonne de carbone, fixée à 44,60 euros en 2018, sera progressivement relevée à 88,20 euros en 2022. Une hausse saluée par Anne Bringault, coordinatrice sur la transition énergétique pour le Réseau pour la transition énergétique (Cler) et le Réseau action climat (Rac) : « Il est positif que la trajectoire de hausse de la composante carbone soit fixée pour plusieurs années. » Lorelei Limousin, chargée des politiques de transport au Rac, renchérit : « Cette hausse sur plusieurs années donne de la visibilité aux investissements et encourage le changement vers des comportements plus vertueux. »

Cette ambition reste néanmoins limitée puisque les entreprises « intensives en énergie, soumises au régime des quotas de gaz à effet de serre ou dont l’activité est exposée aux fuites de carbone du fait de la concurrence internationale » ne seront pas concernées par cette hausse, précise le PLF. Le carburant utilisé par les transporteurs routiers, les taxis et les agriculteurs non plus. Mme Bringault regrette aussi « l’absence de taxe sur le kérosène aérien. Cela encourage l’usage de l’avion qui est plus compétitif que le train, ce dernier étant soumis à des taxes ». D’après le Rac, l’ensemble des niches fiscales accordées aux énergies fossiles dans les transports représente un manque à gagner pour l’Etat de 7 milliards d’euros par an.

Le PLF pour 2018 prévoit également de consacrer 20 des 57 milliards d’euros de son grand plan d’investissement au « virage de la neutralité carbone ». Ainsi, 5,5 milliards d’euros seront dévolus au développement des énergies renouvelables. Du greenwashing, juge Mme Bringault : « Parmi ces investissements, beaucoup avaient déjà été budgétés. Ce montant intègre par exemple les 4,9 milliards d’euros d’aides aux énergies renouvelables délivrées au titre de la contribution au service public de l’électricité, qui existe depuis des années ! On a pris de l’argent déjà existant et on l’a repeint. »

  • Transports

Le PLF prévoit une hausse progressive de la taxe sur le gazole, jusqu’à ce que le prix de ce carburant rejoigne celui de l’essence à la fin du quinquennat. Cette taxe va augmenter de 2,6 centimes d’euro par litre et par an pendant quatre ans.

Le PLF prévoit aussi une prime à la conversion pour encourager les ménages à abandonner leurs véhicules les plus vieux et les plus polluants au profit de voitures neuves ou d’occasion moins émettrices. Tous les propriétaires d’un véhicule essence immatriculé avant 1997 ou d’un véhicule diesel immatriculé avant 2001 (ou 2006 pour les ménages non imposables) qui achètent une voiture neuve ou d’occasion plus récente pourront bénéficier d’une prime de 1.000 euros (2.000 euros pour les ménages non imposables).

Par ailleurs, une partie du grand plan d’investissement sera dédiée à la modernisation des « transports du quotidien » . Le PLF prévoit d’augmenter à 2,4 milliards d’euros en 2018 les dépenses de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF), contre 2,2 milliards d’euros en 2017. Mais Lorelei Limousin a là aussi repéré le recyclage de financements existants : « Par exemple, les 2,1 milliards d’euros prévus pour le secteur ferroviaire. En plus, il manque un milliard d’euros pour moderniser le réseau ferré, les lignes intercité et le transport de marchandises pour les rendre réellement attractifs. Enfin, les 500 millions d’euros sur cinq ans de dotations aux collectivités territoriales ne sont pas suffisants pour développer les infrastructures vélo et les transports en commun. » Enfin, la prime à l’achat d’un vélo à assistance électrique a tout simplement disparu du PLF, « alors qu’il s’agit d’une alternative sérieuse à la voiture individuelle en ville, dans le périurbain et parfois même en milieu rural », regrette Mme Limousin.

  • Efficacité énergétique des bâtiments

« La performance énergétique insuffisante des bâtiments [est] à l’origine de 20 % des émissions de gaz à effet de serre et de 40 % de la consommation finale d’énergie en France », rappelle le PLF. Pour remédier à ce gaspillage, le gouvernement prévoit le maintien du crédit d’impôt pour la transition énergétique (Cite) en 2018, mais en excluant de son périmètre certains travaux jugés moins efficaces (l’installation de portes et fenêtres). Bercy prévoit 875 millions d’euros de dépenses liées au Cite en 2018. En 2019, ce dispositif devrait être transformé en prime « dont le versement sera contemporain à la réalisation des travaux ».

Par ailleurs, le chèque énergie va être généralisé dès le 1er janvier 2018. Expérimenté en 2017 dans quatre départements, ce dispositif remplacera les tarifs sociaux de l’énergie. Quatre millions de ménages modestes devraient toucher 150 euros par an en moyenne. Ce montant sera revalorisé de 50 euros en 2019. « L’avantage, c’est qu’on pourra utiliser ce chèque pour le fioul et le bois, alors que les tarifs sociaux ne concernaient que l’électricité et le gaz », note Anne Bringault. Qui déplore cependant son montant trop faible : « Le budget moyen des ménages pour l’énergie et le chauffage est de 1.700 euros par an. Nous préconisions une aide minimale de 600 euros par an. Là, avec 150 euros par an, nous en sommes très loin ! »

Enfin, le gouvernement se fixe pour objectif de diviser par deux le nombre de « passoires énergétiques » – les logements les plus mal isolés – pendant le quinquennat. Pour y parvenir, il prévoit la rénovation énergétique de 75.000 rénovations thermiques par an sur le quinquennat. Le PLF annonce pour 2018 une enveloppe supplémentaire de 110 millions d’euros destinée à l’Agence nationale de l’habitat (Anah), en charge de ce chantier. Mme Bringault n’est guère convaincue : « Les moyens ne sont pas là. 75.000 logements rénovés par an, c’est le même objectif qu’en 2016. Par ailleurs, le candidat Emmanuel Macron avait promis un audit gratuit pour les ménages modestes, promesse qui a disparu dans le PLF. »

  • Taxe sur les transactions financières et aide publique au développement

Le PLF pour 2018 abandonne l’élargissement de la taxe sur les transactions financières (TTF) aux opérations infra-journalières, qui était prévu pour le 1er janvier 2018. Une décision qui révolte Clara Jamart, coordinatrice de plaidoyer à Oxfam : « Il s’agissait d’un acquis du PLF 2017, adopté par des députés de tous bords. Cette taxe sur les opérations financières les plus spéculatives aurait pu rapporter entre deux et quatre milliards d’euros supplémentaires par an à l’Etat. »

En particulier, la TTF participe au financement de l’aide publique au développement, un autre secteur négligé dans le PLF pour 2018. Son budget, de 2,7 milliards d’euros en 2017, doit être progressivement porté à 3,2 milliards d’euros en 2020. « Ce n’est pas une augmentation suffisante pour honorer l’engagement pris par la France devant l’ONU de porter le budget de l’aide publique au développement à 0,7 % du revenu national brut [RNB], ni celui d’Emmanuel Macron de porter ce budget à 0,55 % du RNB », regrette Clara Jamart.

  • Baisse des effectifs au ministère

Nicolas Hulot se réjouit de l’augmentation du budget de son ministère de 3,9 % en 2018. Mais la même année, les effectifs du ministère de la Transition écologique et solidaire vont perdre 1.324 équivalents temps plein. « Il s’agit du deuxième ministère qui perd le plus d’emplois, souligne Mme Bringault. Cela semble incohérent avec le discours du président de la République qui met en avant l’importance de la transition écologique. »

Le projet de loi de finances pour 2018 doit désormais être examiné par les deux chambres avant d’être définitivement adopté. « Les parlementaires peuvent travailler à des amendements. On espère que le parlement ira plus loin que le gouvernement », conclut Lorelei Limousin.

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