Testet : le massacre des arbres continue mais la résistance populaire grandit

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SivensUne semaine terrible s’achève sur la zone humide du Testet. Gendarmes et bûcherons ont déjà rasé un quart de la zone concernée par le projet. Mais la mobilisation pour résister se renforce. Un grand rassemblement a lieu ce dimanche.
- Toulouse, correspondance
Moins de cris, moins de tirs inopinés de grenades lacrymogènes. La zone humide du Testet est désormais sous contrôle policier, ou plutôt sous contrôle militaire. Les gendarmes et membres du PSIG (Peloton de surveillance et d’intervention de la gendarmerie) se déploient désormais chaque jour sur les bords du Tescou, empêchant tout accès à la partie sud de la zone.
Seuls quelques militants parviennent encore à occuper les trois cabanes situées dans les arbres dans la zone interdite, tous les autres sont confinés à la Bouillonnante, campement principal, quand la police ne décide pas, comme mercredi dernier, de venir saccager la nourriture, casser la vaisselle, voler des sacs et gazer le chapiteau.
Le passage en force se double d’un climat délétère avec des violences physiques et des pressions psychologiques régulières. Vendredi 5 septembre, on déplore par exemple l’arrestation arbitraire d’une mère souhaitant quitter la zone pour aller chercher ses enfants à l’école. La veille, c’était les responsables du chantier qui singeaient les militants dans les arbres et les conducteurs des machines qui rejetaient les copeaux de bois directement en direction des militants perchés dans les arbres.
Car depuis mercredi, les machines sont entrées en action et abattent continuellement de nouveaux hectares de zone humide et de forêt avec une grande efficacité. « Environ un quart de la zone a déjà été déboisé », s’alarme un zadiste, sans pouvoir nous préciser exactement les espaces qui ont été détruits.

Réorganiser la résistance : des grimpeurs et des soutiens
Face à l’accélération de la destruction de la zone, les techniques de résistance changent. Si, entre lundi et mardi, on a pu observer le jet d’une dizaine de cocktails Molotov, de projectiles et des tentatives sommaires de rompre les barrages policiers par la force, la confrontation directe a vite trouvé ses limites. « La castagne, ça ne marche pas » confirme un militant ayant participé aux affrontements.
La police parvenant avec une facilité déconcertante à forcer les barricades, on s’organise désormais plutôt en petits groupes plus discrets, tandis que certains choisissent de freiner le déboisement en grimpant dans les arbres, seul moyen de protéger la forêt.

Ainsi, Jasmine raconte : « On doit y aller tôt le matin, avant l’arrivée du dispositif policier. On grimpe dans des arbres assez résistants au milieu des zones de déboisement, avec ce qu’il faut pour tenir la journée en eau et nourriture ». Pour protéger plus d’arbres, les opposants tendent des câbles entre les différents troncs et préviennent que la zone est sous contrôle. « Mais, poursuit Jasmine, la plupart du temps, un policier vient juste marquer à la peinture l’arbre et la machine passe à côté de nous », alors que celle-ci ne doit normalement pas agir à moins de cent cinquante mètres de toute population, selon les recommandations inscrites sur son capot.
De quoi mettre en danger les militants comme en témoigne Léo : « J’ai eu très peur à un moment, le conducteur semblait ne pas nous avoir vu. Il s’attaquait à un arbre juste à côté de celui relié à un câble. S’il tombait, on tombait avec, à vingt mètres du sol. » Heureusement, aucun accident n’est à déplorer.
La grève de la faim continue depuis dix jours
Désormais limitée dans ses moyens d’actions dans la ZAD du Testet, la résistance se déploie à l’extérieur, à Gaillac, Albi ou Toulouse. À l’arrière du front, la grève de la faim des quatre militants du Collectif Testet, dont son porte-parole, Ben Lefetey, se poursuit depuis maintenant dix jours et multiplie les appels à soutiens de toutes parts. Les grévistes ont reçu un message de soutien des grévistes de la faim qui, en 2012, s’étaient engagés de la même manière pour Notre Dame des Landes (texte à la fin de cet article).
Autre action : mercredi, des clowns se sont rendus à Auzeville, en banlieue toulousaine, pour occuper de manière non-violente les locaux de la CACG (Compagnie d’aménagement des côteaux de Gascogne, l’aménageur du projet), obtenant la possibilité de discuter avec une chargée de mission.
Piratage de résistance
L’appui est également venu d’horizons plus inattendus avec le collectif de hackers Anonblock qui a affiché son soutien en rendant indisponible pendant plusieurs heures des sites du conseil général et de la mairie de Lisle sur Tarn suite à une attaque DDOSS.
Le soutien de Notre Dame des Landes

Autre renfort, des opposants à l’aéroport de Notre Dame des Landes ont manifesté jeudi devant l’agence de l’Eau du bassin de la Loire, à Nantes, pour se solidariser avec la lutte du Testet, nouvel élément de convergence entre les deux mouvements. Ils ont posé une banderole, « Venez vous révoltestet », et diffusé le texte adopté par l’Assemblée générale, à télécharger ici :
La lutte se poursuit également sur le front juridique. Si les victimes d’exactions policières hésitent encore à porter plainte, de peur de représailles, l’Inspection du Travail a été prévenue des conditions non-acceptables dans lesquelles travaillent les ouvriers chargés du déboisement. Une plainte est également en cours de dépôt pour « mise en danger de la vie d’autrui » du fait de la proximité directe entre les grimpeurs dans les arbres et les machines de déboisement. Mardi 9 septembre se tiendra une audience concernant l’occupation des parcelles détenues par la CACG. Il y sera fait état de la destruction hors du cadre légal de la cabane incendiée par les forces de l’ordre mercredi dernier.
Les relais politiques affluent également. Après José Bové, député européen, les conseillers régionaux EELV Gérard Onesta et Guillaume Cros se sont rendus sur place mercredi pour afficher leur soutien et l’appui national de leur organisation. Dans le Tarn, le Parti de Gauche, le Parti Communiste et le Nouveau Parti Anticapitaliste ont quant à eux depuis plusieurs mois appelé à un moratoire sur le projet. Soutiennent également le refus de la destruction : France nature environnement, les Amis de la Terre, la Confédération paysanne, l’Union syndicale solidaires, ainsi qu’ATTAC France et AITEC.
Le Conseil général et la ministre restent sourds

- Pique-nique du 30 août -
Face à cette montée de la révolte, le Conseil général du Tarn reste arc-bouté sur sa position, n’hésitant pas à mentir : Thierry Carcenac, président (PS) du Conseil, a ainsi affirmé dans une lettre que les travaux pouvaient avoir lieu étant donné que tous les recours contre le projet sont épuisés. En réalité, trois recours juridiques sont justement encore en attente de jugement. Le plus urgent porte sur l’arrêté de dérogation à la destruction des espèces protégées. Il doit être rendu d’ici à la fin septembre et pourrait suspendre les travaux pour plusieurs mois.
Même la ministre de l’Ecologie, Ségolène Royal, a dû s’exprimer sur le sujet. Mais, interpellée par Reporterre, elle s’est lourdement trompée sur la nature du projet et prétendu que l’Etat ne pouvait rien faire.
La semaine s’achève avec une décision de justice rendue ce vendredi matin : elle valide l’expulsion du campement de la Bouillonnante. Mais cette expulsion ne concerne que la parcelle où se trouve le campement et doit dans tous les cas être notifiée par huissier. Les occupants s’attendent donc à un déploiement massif dès lundi matin.
D’ici là, la mobilisation bat son plein. Dès ce samedi, un nouveau rassemblement se tiendra sur la place du Vigan, à Albi, pour mobiliser la population tant qu’il est encore temps. Et dimanche, un grand pique-nique familial aura lieu sur la zone.
- Plus d’infos sur les actions du week-end
- Télécharger le texte de l’invitation au pique-nique dimanche 7 septembre :
UNE SEMAINE INFERNALE

Retour sur quinze jours de lutte.
- Lundi 25 août : Des gendarmes arrivent sur site pour préparer les travaux de déboisement
- Lundi 1 septembre : Début du déboisement. Plus de 150 gendarmes face à une centaine d’opposants, dont quelques-uns prêts à l’affrontement physique. Echauffourées assez violentes, tandis qu’une dizaine de bûcherons entament la coupe de la forêt à la tronçonneuse. Durant toute la journée, affrontements réguliers avec jets de cocktails Molotov et de projectiles d’un côté, tirs de flashballs, grenades lacrymogènes et coups de matraques de l’autre. Saccage illégal par les forces de police d’une cabane reconnue comme lieu d’habitation par huissier. Au total, une dizaine de blessés (opposants). . Lire le récit détaillé
- Mardi 2 : poursuite du déboisement à la tronçonneuse. Action plus violente des forces de police, qui bloquent la zone pour éviter que s’organise une bataille rangée comme la veille. Actions non violentes de clowns et de groupes militants à découvert tentant sans succès un contact avec les déboiseurs. Destruction d’une barricade en fin de journée lors du retrait du dispositif. Une vingtaine de blessés (opposants), dont trois par tirs de flashballs.
. Lire le récit détaillé
- Mercredi 3 : entrée sur le site d’une déboiseuse-débroussailleuse et d’une broyeuse mécanique. Dispositif militaire très rigide, multiples agressions de militants et actes d’humiliation de la part des forces de l’ordre. Destruction illégale et incendie de la cabane saccagée le lundi. Saccage du campement principal de la Bouillonnante, avec destruction des denrées alimentaires et vols d’effets personnels. Action des clowns dans les locaux de la CACG près de Toulouse.
- Jeudi 4 : moins d’affrontements physiques. Accélération du déboisement. Une quinzaine d’opposants perchés dans des arbres mis en danger par les travaux d’abattage alentour. À Nantes, action d’une cinquantaine d’opposants à l’aéroport de Notre Dame des Landes, en solidarité avec la ZAD du Testet. À Albi, rassemblement de soutien aux grévistes de la faim.
- Vendredi 5 : déboisement sous haute surveillance. Vingt militants dans les arbres, poursuite des opérations dangereuses à proximité. Sept arrestations dont cinq avec garde à vue.
LE MESSAGE DES GREVISTES DE LA FAIM DE NOTRE DAME DES LANDES
"Nous, grévistes de la faim en avril et mai 2012 contre le projet d’aéroport à Notre Dame des Landes, affirmons notre total soutien moral aux opposants à la destruction de la zone humide du Testet dans le Tarn. Par cette grève de la faim, nous avions obtenu que le gouvernement attende la fin des recours juridiques avant toute expulsion.
Nous avions espéré que notre combat aboutisse à un changement d’attitude dans des dossiers similaires et que ne soit donc pas commis l’irréparable ici ou ailleurs( abattage d’arbres, destruction de zones humides, expulsions ) avant les décisions judiciaires.
Malheureusement il n’en est rien. À nouveau des citoyens sont contraints de choisir un moyen de lutte extrême.
Nous saluons leur engagement et appelons les autorités en charge du dossier, Conseil Général du Tarn et État à faire cesser immédiatement les destructions en cours. Il en va de la démocratie et de la confiance que les citoyens peuvent avoir ou non dans les institutions."
Gilles Denigot, Séverine Durand, Marcel Thébault, Michel Tarin, Françoise Verchère. Le 5 septembre 2014