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Animaux

Tiques, poux, araignées : apprendre à vivre avec les « minimonstres »

Une femelle de saltique orangée, qui a huit yeux.

La tique peut jeûner pendant 10 ans, le moustique est un super pollinisateur... Les petites bêtes sont « fascinantes », assure un chercheur du Muséum national d’histoire naturelle, à Paris. Une exposition leur est consacrée.

Elles sucent notre sang, s’accrochent à notre peau, dévorent nos pellicules. Des milliers de petites bêtes vivent avec nous, sur nous... bien malgré nous. Tiques, poux, acariens, moustiques, punaises ; ces bestioles sont mises à l’honneur par le Muséum national d’histoire naturelle. L’exposition, à destination des enfants, nous plonge dans l’univers fascinant de ces « minimonstres ».

Pattes à crochet, yeux globuleux, rostre velu… vus de (très) près, ces arthropodes sont répugnants. Ils sont moches et méchants. La puce absorbe quinze fois son poids en sang par jour. 80 % des allergies infantiles sont dues aux acariens – plus précisément à leurs excréments et leurs cadavres, qui s’immiscent dans les voies respiratoires. La tique peut transmettre par sa salive trente-huit bactéries et cent virus différents. Quant aux moustiques, ils sont vecteurs de fièvre et de maladies redoutables.

« Ce sont des espèces mal aimées, que beaucoup aimeraient voir disparaître », reconnaît Christophe Daugeron, chercheur au Muséum, spécialiste des diptères [1]. Pas question de les éliminer pour autant : « Tous les êtres vivants, nous compris, faisons partie de réseaux d’interaction, explique-t-il. Nous sommes interdépendants. Et l’extinction d’une espèce pourrait avoir des conséquences lourdes pour tous. » Les moustiques participent ainsi à la pollinisation des végétaux — la nourriture de base des adultes est le nectar. Nombre d’oiseaux et de poissons se nourrissent d’insectes. Les acariens sont des « éboueurs » très efficaces.

« Nous sommes interdépendants »

L’éradication de ces bestioles ne serait donc ni souhaitable ni réaliste. « Se débarrasser des insectes et des arachnides est une lutte ancienne, et sans fin », abonde M. Daugeron, citant l’exemple des pesticides. Développés après guerre pour neutraliser les « nuisibles », ils ont au contraire abouti à les rendre plus forts ! « Ces produits ont tué de nombreux insectes, mais ceux qui ont survécu étaient justement ceux qui toléraient ces substances, détaille le chercheur. In fine, les insecticides ont sélectionné les individus les plus résistants. » Avec des effets délétères sur le reste du vivant.

Récemment le forçage génétique s’est développé, en vue de supprimer certaines populations indésirables. « Elles posent un problème éthique, s’inquiète M. Daugeron. Où poser la limite, quelle espèce garder ou éliminer ? » D’autant plus que ces techniques se déploient hors de tout contrôle public, dans le secret des laboratoires des firmes agrochimiques.

« Il y a un manque de connaissance naturaliste dans notre pays »

À l’inverse, le chercheur nous invite à « apprendre à vivre » avec ces bestioles. Des moustiquaires plutôt que des répulsifs chimiques, des peignes antipoux à la place de shampoings décapants. « Ces bestioles se multiplient à cause de nous », rappelle aussi un panneau de l’exposition. Nos habitats chauffés et peu aérés offrent des conditions idéales aux acariens ou aux punaises. Nos voyages et échanges internationaux facilitent la prolifération des espèces à travers le globe. Le changement climatique étend les territoires des moustiques et la saison des tiques. Balayons d’abord devant notre porte, avant de sortir le karcher.

Un acarien jaune (Lorryia formosa). Pxhere / CC

« Nous pouvons aussi apprendre à mieux connaître ces bestioles, qui sont aussi fascinantes, propose M. Daugeron. Il y a un manque de connaissance naturaliste dans notre pays, qui nous rend vite intolérants aux moindres insectes. » L’exposition détaille ainsi les « superpouvoirs » de ces minimonstres. La puce effectue des sauts de 30 centimètres, l’équivalent de 350 mètres pour un humain. Le moustique détecte les odeurs et le CO2 émis par ses futures proies, jusqu’à 70 mètres. La tique peut attendre dix ans sans manger. « Il reste encore tant à apprendre, s’enthousiasme M. Daugeron. On continue de découvrir de nouvelles espèces, de comprendre leur mode de vie, d’explorer le monde larvaire. » Reste à changer notre regard sur ces petites bêtes : convaincus ?


Exposition Minimonstres au Muséum d’histoire naturelle, à Paris, de 7 à 10 euros, de 10 à 17 heures.

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