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Retraites

10 actions brûlantes contre la réforme des retraites

Des syndicalistes de la CGT devant l'accès bloqué aux terminaux pétroliers de la raffinerie TotalÉnergies à Donges, le 17 mars 2023.

Électricité coupée chez des élus, préfecture recouverte de papier toilette… Les grévistes ne manquent pas d’idées pour s’opposer à la réforme des retraites.

Face à la réforme de trop, la France s’embrase : après deux mois de mobilisation, le gouvernement a décidé de passer en force la réforme des retraites, le 16 mars, avec un onzième 49.3. De quoi jeter davantage d’huile sur le feu et marquer « le premier jour de la fin du quinquennat de Macron », selon la députée insoumise Mathilde Panot.

Alors qu’une grande journée de mobilisation est prévue le 23 mars, retour sur dix actions récentes, témoignant d’une lutte et d’une rupture grandissantes entre le peuple et l’exécutif.

1. Du papier toilette jeté sur une préfecture

Pendant plusieurs minutes, vendredi 17 mars au matin, des manifestants ont bloqué la préfecture de l’Orne, située à Alençon. Comme le rapporte le journal Ouest-France, ils ont jeté des rouleaux de papier toilette sur les grilles du bâtiment, disposé des palettes à l’entrée et tenaient des banderoles « Macron, ta réforme, c’est non ». L’action a empêché une quinzaine de fonctionnaires de la préfecture de l’Orne d’entrer, les portes étant bloquées. « On avait pas mal de boulot à faire ce matin, mais on comprend les revendications », a témoigné l’un d’eux.

2. Électricité coupée chez des élus

Plusieurs élus favorables au report de l’âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans ont été mis dans le noir. C’est notamment le cas du sénateur Les Républicains Bruno Retailleau, qui a annoncé le 15 mars que son domicile vendéen, à Saint-Malô-du-Bois, avait été visé par une coupure d’électricité. « Tenter de faire pression sur des élus en ciblant leur domicile traduit une dérive où la violence l’emporte sur le dialogue », a déclaré l’élu sur France Bleu.

La CGT Énergie de Vendée a revendiqué la coupure. « Le domicile de Bruno Retailleau a été passé en sobriété énergétique », s’est félicité la section syndicale dans un communiqué. Des actions de même type ont été perpétrées au fort de Brégançon, résidence officielle du président de la République dans le Var, mais aussi à Annonay, ville du ministre du Travail, Olivier Dussopt, ou encore contre la permanence du président LR du Sénat, Gérard Larcher, située dans les Yvelines.

3. Le périphérique parisien neutralisé

Cette fois, Dernière rénovation n’y était pour rien. Le 17 mars au matin, près de 200 manifestants ont perturbé la circulation sur le périphérique parisien. Munis de fumigènes, les manifestants sont descendus en courant sur les voies au niveau de la porte de Clignancourt, relate Le Parisien. Ils ont neutralisé la circulation sur le périphérique intérieur, puis se sont rendus vers la porte de la Chapelle, obligeant les automobilistes à rouler au pas. Dans un communiqué, la CGT Paris s’est félicitée de l’« accueil réservé par les usagers du périphérique », qui « atteste du soutien de la population au mouvement en cours contre cette réforme injuste et inutile ». Des barrages filtrants aux points d’accès du périphérique ont aussi eu lieu porte de Montreuil et d’Italie. Dans le même temps, à Rennes, toute la rocade a été paralysée.

4. Les superprofiteurs ciblés

Le gouvernement cherche de l’argent ? Les grévistes sont prêts à en trouver. « On veut le blé de Saadé pour nos pépés ! » ont réclamé à Marseille, le 15 mars, plusieurs centaines de militants qui ont bloqué l’entrée de l’immense tour CMA CGMReporterre était sur place. Rodolphe Saadé, PDG de « la CMA », n’a pas été ciblé pour rien : son entreprise, troisième compagnie maritime mondiale, a réalisé en 2022 plus de 23 milliards d’euros de bénéfices, un record absolu pour une entreprise française. « Au moment où on nous demande de travailler deux ans de plus, il nous semble important de rappeler que ces entreprises réalisent des profits gigantesques et ne payent presque pas d’impôts [1] », a dénoncé Émilie, professeure de français dans un lycée, qui a participé au blocage.

5. Les poubelles s’entassent

Depuis le 6 mars, comme l’a raconté Reporterre, des éboueurs font grève dans plusieurs villes contre la réforme des retraites. Malgré plusieurs offensives policières, ils tiennent bon : plus de 10 000 tonnes d’ordures s’entassent dans les rues de Paris. Les grévistes occupent notamment l’incinérateur d’Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne), site stratégique du traitement des déchets de la capitale. « Personnellement, peu importe si la loi passe, moi je partirai à 59 ans, même si ma pension n’est que de 1 000 euros. Faut bien vivre un peu », a dit David Sénéchal, rencontré sur le piquet de grève. Et d’ajouter, tête baissée : « Bon nombre de mes collègues sont morts à quelques mois de la retraite… »

Une trentaine d’éboueurs et égoutiers, comme Julien Lejeune, bloquent l’incinérateur d’Ivry-sur-Seine depuis le 6 mars. Ils veulent forcer le gouvernement à retirer son projet de réforme des retraites. © NnoMan Cadoret/Reporterre

6. Un chantier des Jeux olympiques interrompu

Quelque 150 manifestants ont empêché, le mercredi 15 mars, l’accès au chantier du Centre aquatique olympique, à Saint-Denis. Reporterre les a suivis. « L’État demande aux gens de se sacrifier au travail parce qu’on manquerait d’argent pour financer notre système de retraites. Et à côté de ça, il dépense des millions d’euros pour l’organisation des Jeux olympiques ! Donc on bloque ce chantier qui coûte énormément d’argent [près de 175 millions d’euros]  », résumait Florine, une enseignante venue participer à l’action. « Le gouvernement insulte les gens du BTP — un secteur aux conditions de travail très difficiles — en leur demandant de bosser jusqu’à 64 ans », estimait aussi Arthur, ouvrier sur le chantier. L’occupation a duré deux heures.

Environ 150 personnes ont bloqué le 15 mars un chantier des Jeux olympiques, à Saint-Denis. Une vingtaine d’entre eux a distribué des tracts aux automobilistes. © NnoMan Cadoret / Reporterre

7. Des péages gratuits

Les manifestants ont réalisé plusieurs opérations « péage gratuit ». Le 16 mars, à Lançon-Provence, dans les Bouches-du-Rhône, ils ont levé les barrières et laissé passer gratuitement les voitures pendant une heure, avant d’être délogés par la police. Dans les Vosges, le 15 mars, le tunnel Maurice-Lemaire a aussi été rendu accessible gratuitement pendant deux heures. Le journal Vosges Matin, qui était sur place, précise que « les automobilistes ont pu également soutenir le mouvement en glissant de l’argent dans la caisse pour les grévistes ». Le 8 mars, après avoir mené une opération similaire au viaduc de Millau, dans l’Aveyron, des militants de la Confédération paysanne avaient été violemment interrompus par la gendarmerie.

8. Des ports paralysés

Depuis le 14 mars, les dockers en grève mènent une opération « port mort » au Grand Port maritime de La Réunion. Selon la chaîne Réunion la 1re, plus aucun porte-conteneur ne peut décharger de marchandises et le port estime ses pertes à 200 000 euros par jour. L’opération devait s’achever le 16 mars, mais elle a été reconduite après le déclenchement de l’article 49.3. Des actions similaires ont eu lieu au port de commerce de Brest, à Saint-Nazaire, au Havre et à Rouen, mais aussi à Marseille, où des centaines de passagers voulant se rendre en bateau en Algérie ont été bloqués.

9. Des entrepôts d’Amazon bloqués

Le 17 mars, des manifestants ont ciblé la plateforme logistique d’Amazon à Boves, dans le département de la Somme. Avec ses 107 000 m², ce site est l’un des plus grands détenus en France par la multinationale. « Les camions ne passent pas, les salariés demandent des hausses de salaire, et pour tout le monde, 64 ans, c’est non ! » a déclaré le collectif Picardie Debout. Dix jours plus tôt, un collectif avait bloqué un autre entrepôt du géant étasunien, cette fois à Strasbourg (Bas-Rhin).

Le quinquennat d’Emmanuel Macron a été un tournant dans la constitution de l’empire d’Amazon en France. En 2016, l’année précédant l’élection présidentielle, Amazon ne comptait « que » quatre entrepôts. Désormais, comme l’a récemment montré une carte publiée par Mediapart, Amazon a acquis plus d’une quarantaine de sites, entrepôts de stockage, centres de tri, agences de livraison ou encore entrepôts Prime Now, pour les livraisons les plus rapides, le tout s’étendant sur une surface totale de plus de 1,2 million de mètres carrés.

10. La plus grande raffinerie de France mise à l’arrêt

C’est le scénario du pire pour le gouvernement : celui des pénuries de carburant. Déjà perturbée par des mouvements de grève, la raffinerie TotalÉnergies de Gonfreville-l’Orcher, près du Havre, se met progressivement à l’arrêt à partir de ce week-end. C’est la plus importante de France, avec une capacité de production de 12,5 millions de tonnes par an — soit 23 % de la production française. « On a expliqué à tous les salariés : on sait que c’est dur, l’arrêt des installations, mais c’est le moment de tout tenter », a déclaré à Révolution permanente Alexis Antonioli, secrétaire général de la CGT Total Normandie. Les raffineries de La Mède (Bouches-du-Rhône), Donges (Loire-Atlantique) et celles d’Esso à Gravenchon-Port-Jérôme (Seine-Maritime) et Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône) sont également en grève.

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