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Après la dissolution, Les Soulèvements de la Terre ripostent

Pour dénoncer la dissolution des Soulèvements de la Terre, des membres et soutiens du mouvement comme Greta Thunberg se sont rassemblés devant le Conseil d'État le 21 juin 2023.

Suite à la dissolution des Soulèvements de la Terre, des porte-parole et soutiens ont annoncé la contre-offensive. Un recours sera déposé devant le Conseil d’État. Sur le terrain, les comités locaux poursuivront leurs actions.

Paris, reportage

« On ne se laissera intimider ni par la dissolution administrative ni par l’emploi de police antiterroriste à notre encontre. » Au micro, Basile Dutertre, l’un des porte-parole des Soulèvements de la Terre, donne le ton. Mercredi 21 juin, avec ses compagnons de lutte et des soutiens comme Greta Thunberg, ils tenaient une conférence de presse devant le Conseil d’État, en réaction au décret de dissolution des Soulèvements adopté plus tôt dans l’après-midi en conseil des ministres. Benoît Feuillu, un autre porte-parole du mouvement, aurait dû être présent ce mercredi soir. Sauf que l’activiste se trouve actuellement en garde à vue… dans les locaux de la sous-direction antiterroriste, à Levallois—Perret (Hauts-de-Seine).

Au même moment, près de 150 rassemblements se tenaient partout en France contre la dissolution des Soulèvements de la Terre. Mais aussi en soutien aux militants écologistes interpellés lors des deux vagues d’arrestations menées par la gendarmerie et la sous-direction antiterroriste le 5 et 20 juin. Des rassemblements devant les commissariats et préfectures sont également prévus jeudi 22 juin, notamment à Levallois-Perret, où sont retenus Benoît Feuillu et bien d’autres.

« La bataille juridique commence »

Désormais, « les plus de 100 000 personnes qui ont déclaré faire partie des Soulèvements seront, si elles continuent de se revendiquer comme telles, passibles de trois années d’emprisonnement et de surveillance administrative », fustige Raphaël Kempf, l’un des avocats du mouvement. « La bataille juridique commence », annonçaient Les Soulèvements dans un communiqué du 21 juin.

Pour contrer cette dissolution, sa consœur Aïnoha Pascual et lui ont annoncé ce mercredi un recours auprès du Conseil d’État. Ils disposent de deux mois pour le déposer. « Nous irons, s’il le faut, jusqu’à la Cour européenne », promet en aparté l’activiste Léna Lazare, l’une des figures des Soulèvements depuis sa création.

Le recours en justice s’attaquera à l’appellation « groupement de fait » attribuée aux Soulèvements par le ministère de l’Intérieur — ce qui lui permet de passer outre la difficulté juridique de s’attaquer à une telle constellation de collectifs et d’associations. « Personne n’aurait l’idée de dissoudre le mouvement féministe, ou écologiste », raille Aïnoha Pascual. « Nous continuerons de travailler ensemble » ; « Nous sommes Les Soulèvements » abondent, les uns après les autres, les porte-parole de la Confédération paysanne, de Scientifiques en rébellion, de Solidaires, du Syndicat des avocats de France ; mais aussi les intellectuels — Philippe Descola, Françoise Vergès, Cyril Dion — et les élus, rassemblés ce soir devant le Conseil d’État.

Lire aussi : Descola, Damasio, Tondelier… 20 personnalités soutiennent Les Soulèvements de la Terre

Le recours contestera aussi l’imputation directe des actions de terrain virulentes — « la commission de sabotages et dégradations matérielles, y compris par la violence », liste le ministre de l’Intérieur dans ses griefs — aux Soulèvements. « Dire que Les Soulèvements sont responsables des violences, c’est comme imputer à l’intersyndicale les violences lors des manifestations [contre la réforme des] retraites », estime Aïnoha Pascual.

Ce décret de dissolution n’a donc « pas de base juridique solide », insiste Raphaël Kempf. Il s’agira de défendre devant le Conseil d’État les libertés fondamentales selon lui attaquées : « La liberté d’association, la liberté d’expression. » Quant à savoir si ce recours sera commun ou multiple en fonction des organisations soutenant Les Soulèvements, « il est trop tôt pour le dire ».

180 comités locaux pour poursuivre les actions

« Aujourd’hui, la France franchit un seuil dans l’autoritarisme », dit Mathilde Panot, députée (LFI). La riposte sera donc aussi politique : son parti planche sur un projet de loi pour abroger certaines dispositions de la loi dite « Séparatisme » du 24 août 2021, qui sert de base à la dissolution des Soulèvements.

Mais c’est surtout sur le terrain que la contre-offensive se construit. Gérald Darmanin avait annoncé son intention de lancer la dissolution le 29 mars, suite à la mobilisation contre les mégabassines à Sainte-Soline (Deux-Sèvres). Dans la foulée de cette annonce, des comités locaux se rattachant aux actions des Soulèvements, sans en porter forcément le nom, ont fleuri partout sur le territoire. Il en existe 180 à ce jour, en France, en Belgique et en Suisse.

« En Île-de-France, lors de notre première assemblée générale, nous étions plus de 500, raconte Marcelle, membre de ce comité francilien. Cela montre bien que cette dissolution, en plus d’être une aberration politique et historique, n’est qu’un coup d’épée dans l’eau. » Tous les soutiens des Soulèvements présents affirment qu’ils poursuivront l’agenda des luttes écologistes, en particulier autour de la ressource en eau. « La dissolution ne changera rien à ce soulèvement déjà en mouvement, conclut Youlie Yamamoto, porte-parole d’Attac. C’est simplement le signal que nous visons juste. »

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