Au Salon de l’agriculture, les faucheurs volontaires alertent sur les OGM cachés

Les faucheurs et faucheuses volontaires d’OGM ont fait entendre leur voix, mardi 1 mars, dans les allées du Salon de l’Agriculture.
- Salon de l’agriculture (Paris), reportage
Sous la banderole, « Ni dans les champs, ni dans les bagnoles, les OGM, on n’en veut pas ! », les faucheurs et faucheuses volontaires d’OGM ont visité mardi 1er mars le Salon de l’Agriculture. Première étape, le stand consacré au Diester, le principal agrocarburant en France, produit par Sofiprotéol. Vers 15h30, les badauds sont nombreux et s’arrêtent devant la fontaine à eau électrique, qui délivre son message en fines gouttes artificielles : « Biodiesel, l’énergie verte = moins de CO2 ».

« C’est vachement bien fait quand même » dit, fasciné, un passant à sa compagne. Alors que le speaker répète le slogan, « Cinq millions de tonnes de gaz à effet de serre économisées par an », les faucheurs volontaires déploient les banderoles et interpellent les passants : « La terre est faite pour nourrir les humains, pas pour produire de l’huile pour les voitures ».
Ils disposent des autocollants « Diester poison d’Avril » - Avril étant le nouveau nom donné à la structure Sofiprotéol, qui intègre Terres Innovia, l’institut technique chargé des oléagineux, auparavant dénommé CETIOM.

L’action se déroule dans le calme. La vingtaine de membres du collectif des faucheurs discutent avec les curieux. La réaction est mitigée ; un vieux monsieur en costume s’emporte : « Vous êtes en train de foutre l’agriculture en l’air avec une telle contre-publicité ! ». D’autres encouragent les lanceurs d’alerte : « C’est vrai qu’il y a beaucoup de produits chimiques aujourd’hui dans l’agriculture » estime Hanan, accompagnée de ses enfants. « Dommage qu’ils ne soient pas plus nombreux pour se faire entendre ».
Si les méfaits des agrocarburants sont aujourd’hui largement documentés – accaparement des terres, mise en péril de la souveraineté alimentaire, inefficacité de la lutte contre le réchauffement climatique – les faucheurs voulaient porter leur discours sur un aspect plus méconnu : les OGM clandestins.
« On estime qu’aujourd’hui, 30 % des cultures de tournesols ou de colza en France [les principaux oléagineux constituant les agrocarburants], sont des variétés issues de la mutagénèse, une technique reconnue comme OGM par l’Union Européenne », explique Jacques Dandelot, membre des faucheurs. Pourquoi y en aurait-il en France, qui revendique pourtant l’interdiction des OGM ? Le tour de passe-passe est à trouver du côté de la réglementation européenne et de la directive 2001/18 qui définit les OGM. L’article 2, intitulé « définitions », les présente ainsi : « Un organisme, à l’exception des êtres humains, dont le matériel génétique a été modifié d’une manière qui ne s’effectue pas naturellement par multiplication et/ou par recombinaison naturelle ». Sauf que l’article suivant introduit deux « exemptions » : « La présente directive ne s’applique pas aux organismes obtenus par les techniques de modification génétique énumérées à l’annexe I B ». Or cette annexe l’écrit noir sur blanc, dix pages plus loin : parmi les méthodes « à exclure du champ d’application de la présente directive » figure bien… la mutagénèse.

« En gros, on dit que ce sont bien des OGM mais qu’on les autorise » résume Jean-Luc Juthier, autre membre des faucheurs volontaires. Ce qu’on appelle officiellement des VrTH (variétés rendues tolérantes aux Herbicides) constituent une nouvelle solution chimique pour éliminer les herbes adventices : les plantes cultivées sont rendues tolérantes à l’herbicide. « Cela pose des risques bien connus en agronomie de résistance aux herbicides, poursuit M. Juthier. Sans compter le fait que ce sont des techniques brevetées, et que ces technologies appropriées par des multinationales menacent l’autonomie des paysans ».
L’argument ne séduit pas tout le monde : « Mais quand votre enfant est malade, vous utilisez bien des médicaments pour le soigner ! » s’emporte une dame qui tient la main de sa fille. Les risques sanitaires ? Les révélations du documentaire Cash Investigation ? « Oui, j’ai vu. Mais depuis vingt ans, on fait attention dans l’agriculture et on pratique l’agriculture raisonnée. Et puis, des pesticides, il en faut bien un peu sinon on vit comment ? La bio totale, c’est une utopie ! ».

Sur le stand du Diester, Thibault Ledermann refuse de répondre à nos questions. Mais son patron, Bernard de Verneuil, accepte de discuter. Des OGM cachés ? « Pas au sens de la directive 2001/18 », assure M. de Verneuil, qui est membre du conseil d’administration d’Avril-Sofiprotéol. Selon lui, « le vivant peut être amélioré, il n’y a donc aucune raison qu’il ne profite pas à ceux qui peuvent mettre en œuvre cette amélioration. Et cette technique permet de n’utiliser qu’un seul herbicide plutôt que quatre ou cinq ! ».
Après une demi-heure d’échanges, la troupe des faucheurs volontaires s’est dirigée avec pancartes et slogans vers le plateau télé où Xavier Beulin enregistrait en direct l’émission « Preuves par 3 » pour Public Sénat.

Après quelques échanges houleux avec les supporters de la FNSEA venus applaudir leur représentant – Xavier Beulin, PDG d’Avril-Sofiprotéol, préside également le premier syndicat agricole français – une représentante des faucheurs volontaires a été conviée sur le plateau pour interpeller l’« homme aux mille bras » (voir ici à partir de la 36e minute). En réponse, M. Beulin a assuré qu’il n’y a « aucune culture d’OGM actuellement en France » , sans pour autant les critiquer, affirmant que la réponse à la crise agricole « sera évidemment l’innovation » ; et de citer pêle-mêle les semences, les technologies du numérique et la robotisation pour faire de l’agriculture « un pôle d’excellence ».
Finalement, le parcours des faucheurs volontaires s’est conclu dans les loges du Salon, où le ministre de l’Agriculture, Stéphane Le Foll, a reçu ces visiteurs inattendus.