Changement climatique : fini de s’embrasser sous le gui

Le changement climatique pourrait remettre en cause la tradition hivernale du bouquet de gui. - Unsplash / [Paul Zoetemeijer->https://unsplash.com/photos/_-7VBOQoEDM]
Le changement climatique pourrait remettre en cause la tradition hivernale du bouquet de gui. - Unsplash / [Paul Zoetemeijer->https://unsplash.com/photos/_-7VBOQoEDM]
Durée de lecture : 3 minutes
Forêts ClimatLe gui est menacé de disparition par le changement climatique. Cette plante parasite des arbres est pourtant l’une des rares à conserver son feuillage en hiver, offrant nourriture et protection à la faune.
« Longue vie », « bonheur », « prospérité »… Les adages associés au traditionnel baiser sous le gui, lors des festivités de fin d’année, sont nombreux. Des coutumes qui trouvent leur origine dans l’abondance de cette plante en hiver malgré les conditions difficiles : qu’elle conserve son feuillage et ses fruits blancs caractéristiques au milieu des branches d’arbres dénudés la rend facile à repérer. Cette tradition pourrait pourtant bien s’arrêter.
Selon une récente étude sur les « rôles fonctionnels des plantes parasites face au réchauffement climatique », parue dans l’Annual Review of Ecology, Evolution, and Systematics (Revue annuelle de l’écologie, de l’évolution et des relations écosystémiques) en novembre 2022, le gui, et d’autres plantes parasites, subissent de plein fouet les effets du réchauffement climatique.

Et pour cause : pour se développer, le gui dépend en partie de la sève de son hôte, qu’il se procure « en émettant une importante évapotranspiration, précise l’étude. Un processus qui le rend vulnérable au manque d’eau […] et à la bonne santé de l’arbre sur lequel il pousse. »
« Les guis sont sensibles à tout un tas de perturbations, relève David Watson, écologiste spécialiste de cette plante à l’Université Charles Sturt d’Albury-Wodonga (Australie) et co-auteur de l’étude, dans un entretien (en anglais) pour le magazine Knowable. Si les conditions ne sont pas bonnes, le gui dépérit et meurt très vite. »
Une mortalité alarmante
Ainsi à l’échelle mondiale, plusieurs populations sont déjà gravement affectées par les sécheresses à répétition. En Australie, le taux de mortalité a même atteint « 90 % sur un ensemble surveillé lors de la vague de chaleur à Melbourne, en 2009 », témoigne le spécialiste.
En Europe, plusieurs populations méditerranéennes montrent également des signes de faiblesse. Notamment celles présentes sur les pins, eux-mêmes touchés depuis plusieurs années par les invasions de scolytes et de chenilles processionnaires.
La disparition de ces plantes « parasites » pourrait sembler salutaire à certains — le gui étant régulièrement retiré du bois par les arboriculteurs et forestiers. Mais elles constituent pourtant des maillons essentiels aux écosystèmes.
Un parasite essentiel
« Après la vague de chaleur à Melbourne, de nombreux oiseaux et animaux insectivores ont disparu des arbres où poussaient les guis », avait remarqué l’écologue. Quelques années plus tard, en 2012, une étude démontrait que l’arrachage des guis entraîne une diminution de 25 % de la fréquentation des oiseaux sur les arbres débarrassés des parasites.
En effet, le gui et sa couverture végétale offrent à la faune une protection bien utile, notamment en hiver, en plus des nombreuses baies blanches dont raffolent certains oiseaux comme les grives, les merles, ou encore les mésanges. Le gîte et le couvert !

Des rôles que la plante remplit également à la belle saison. « En été, détaille le spécialiste dans l’interview, grâce à sa teneur en eau est très élevée, le gui apporte une fraîcheur supplémentaire par rapport à la végétation environnante. C’est pour cela que les oiseaux apprécient y nicher. »
Mais face au réchauffement climatique, « nous constatons que le gui devient disproportionnellement important dans de nombreux systèmes, alerte David Watson. C’est-à-dire que de plus en plus d’animaux comptent de façon de plus en plus récurrente sur ses ressources, alors même qu’elles diminuent. » Une situation qui fait « craindre le pire » au spécialiste, qui appelle donc à « cesser de détruire la plante en l’arrachant des arbres ».