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Politique

Environnement, énergie, agriculture : voici ceux qui conseillent François Fillon

Pour le candidat de Les Républicains à l’élection présidentielle, l’écologie rime avec industrie. Reporterre présente les conseillers de M. Fillon et de son programme réactionnaire.

Soyons clairs, il n’y aura pas de surprise avec François Fillon : l’écologie, ce n’est pas sa tasse de thé. Même ses équipes l’admettent à demi-mot. Élu ce dimanche 28 novembre face à Alain Juppé, le désormais candidat officiel de la droite à l’élection présidentielle ne peut pourtant pas faire l’impasse sur les thématiques telles que l’environnement, l’énergie ou l’agriculture. Reporterre a donc cherché à savoir qui étaient les têtes pensantes qui s’activent pour construire son plan sur ces sujets.

Dans son programme- coordonné par Serge Grouard, député du Loiret -, le cahier dédié à l’environnement donne le ton. Il est illustré par une photo réunissant une centrale nucléaire, des éoliennes, une ligne haute tension et des panneaux solaires, le tout sur fond de ce qui semble être un champ de colza. François Fillon s’y présente comme le chantre d’une écologie pragmatique et libérée de toute idéologie : « La France a les atouts pour être un champion industriel de l’environnement et de l’énergie décarbonée, grâce à ses entreprises, ses savoir-faire technologiques et ses infrastructures existantes, que ce soit dans le nucléaire, les énergies renouvelables, l’efficacité énergétique ou la gestion de l’eau et des déchets. […] Mais pour cela il nous faut emprunter les voies de l’innovation et du progrès scientifique, ne pas renoncer aux projets d’avenir au nom du principe de précaution, qui sert aujourd’hui de prétexte à l’inaction. Ce dernier doit disparaître au profit du principe de responsabilité. »

L’environnement selon François Fillon.

Pour Fillon, l’écologie est donc avant tout un moteur économique potentiel. Autour de celui qui a axé sa campagne sur une ligne très libérale, les industriels sont d’ailleurs nombreux. Il peut par exemple compter sur le soutien de Patrick Pouyanné, PDG de Total, ou sur celui de Denis Ranque, président du conseil d’administration d’Airbus. Par ailleurs, François Fillon compte parmi ses proches le président de la région Pays de Loire, farouche partisan de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, Bruno Retaillau et, depuis la défaite de Nicolas Sarkozy, le président de la région Auvergne–Rhône-Alpes, bien connu des lecteurs de Reporterre : Laurent Wauquiez.

« La chasse a un impact social et sociétal fort, mais aussi économique et environnemental » 

Côté biodiversité, le mouvement Chasse, pêche, nature et tradition s’est lui aussi rallié à François Fillon avant le second tour de la primaire. Interrogé par le magazine Chassons, celui qui exprime son attachement aux « traditions taurines », estime d’ailleurs que « la chasse a un impact social et sociétal fort, mais aussi économique et environnemental ».

Fillon cultive une image d’élu rural, rappelle sans cesse qu’il est resté maire de Sablé-sur-Sarthe (Sarthe, 12.600 habitants), de 1983 à 2001 et veut parler à l’oreille des agriculteurs, un électorat symbolique et stratégique. Pour ce faire, il peut d’une part compter sur le soutien de Bruno Le Maire, ancien ministre de l’Agriculture défait au premier tour de la primaire. Mais aussi sur toute une équipe d’une vingtaine de personnes qui travaille à son programme dans l’ombre depuis des mois. Viticulteur, maire de Sauveterre-de-Guyenne (Gironde, 1.800 habitants) et conseiller régional, Yves d’Amécourt est à la tête des Agriculteurs avec Fillon. Une place qu’il partage avec Xavier Regnaut, de l’agence de notation agricole Momagri.

Deux amis de François Fillon : Patrick Pouyané, le PDG de Total, avec le président russe, Vladimir Poutine, le 28 novembre 2014, à Moscou

Interrogé par Reporterre, Yves d’Amécourt explique que la campagne de François Fillon « s’appuie sur des gens de terrain », mais aussi des parlementaires, comme la députée Isabelle Le Callennec, la sénatrice Sophie Primas ou l’eurodéputé Michel Dantin. L’équipe « agriculture » compte aussi des fonctionnaires, ainsi que des représentants de « syndicats » et « de grands groupes agroalimentaires », dont on ne nous révèlera pas les noms. Yves d’Amécourt était d’ailleurs présent avant le premier tour, pour représenter son candidat à la table ronde de l’Union française des semenciers. « L’agriculture est un sujet crucial pour François Fillon, qui est un vrai élu rural », répète le porte-parole, qui prône en même temps le concept de « paysans-chercheurs » et veut des agriculteurs « libérés du carcan administratif » qui renoueraient avec la croissance.

Yves d’Amecourt : « Libérer l’agriculture des carcans administratifs »

« Sur le gaz de schiste, Fillon dit : “Regardons ce qu’il se passe” » 

Comme eux, d’autres soutiens de François Fillon se sont organisés au sein d’un atelier thématique regroupant « énergie, environnement, développement durable et économie sociale et solidaire ». D’après nos informations, le groupe est né très en amont de la campagne, sous l’impulsion de François Bouvard, ancien directeur général de McKinsey, une société spécialisée dans le conseil de grandes entreprises, et Pierre Danon, un entrepreneur qui a organisé le programme économique du candidat. Joël Pain, secrétaire général du « Conseil de la société civile » des fillonistes, a eu en charge la coordination de l’atelier, et rédigé les douze pages du volet « Environnement » du projet à partir des travaux d’une dizaine de personnes. Parmi elles, « un ancien directeur d’une agence de l’eau, des spécialistes des déchets, des professionnels de l’ensemble des secteurs de l’environnement, le nucléaire, la méthanisation, les énergies maritimes », compile-t-il. Il explique avoir rencontré « des industriels, dont certains faisaient du lobbying pour leur entreprise et qu’on a écoutés poliment, mais aussi des experts, qui ne parlaient pas au nom de leur entreprise ».

Lui-même est directeur général de la Société protectrice des animaux (SPA), mais il a été longtemps à la tête de PlaNet Finance [1]. Sur la politique énergétique, il résume : « Fillon est un pragmatique. Pour lui, la transition énergétique est inévitable, mais la capacité industrielle de passer aux renouvelables n’existe pas, donc le nucléaire, on n’a pas le choix. On renonce à tout ce qui est énergies fossiles... et sur le gaz de schiste, il dit : “Regardons ce qu’il se passe.” » Quant à savoir si le soutien affiché de Patrick Pouyanné n’a pas posé trop de problèmes, il explique que « Total a fait un virage radical et, de toute façon, il ne s’agit pas d’un soutien de Fillon à Pouyanné, mais bien de l’inverse ».

Joël Pain : « Sur le nucléaire, on n’a pas le choix »

Biométhane, énergies maritimes, fiscalité verte, autoconsommation… Peut-on vraiment croire que ces thématiques touchent François Fillon ? « Il n’est pas tombé dedans quand il était petit, admet Joël Pain, mais quand nous lui avons présenté le projet, il a voulu tout comprendre et il est reparti convaincu », veut-il croire.

« Laissons au politique la responsabilité de dire stop » 

Joël Pain n’est pas le seul à prêcher la bonne parole filloniste sur les thématiques environnementales. À l’automne, à la faveur du ralliement de Sens commun, issu du mouvement de la Manif pour tous et résolument opposé au mariage homosexuel, Jacques Lefort est devenu l’un des trois porte-parole officiels du candidat. Élu du 11e arrondissement parisien, cet ingénieur des travaux publics de 40 ans travaille dans le secteur des énergies renouvelables.

Jacques Leforrt : « La science ne doit plus être bridée. »

Vantant un programme d’« une grande qualité », il explique comment la suppression du principe de précaution est devenue nécessaire : « Accompagnons la science, qui ne doit plus être bridée, et laissons au politique la responsabilité de dire stop », résume-t-il. Un moyen, il en est convaincu de « vivre positivement la transition énergétique en créant des emplois et en étant présent sur la scène internationale ».

Au lendemain de ce deuxième tour, l’équipe de Fillon doit désormais faire face à un nouveau défi : trouver des accords avec les équipes juppéistes. Car le maire de Bordeaux s’était, lui aussi, entouré pour approfondir les questions environnementales (dont il n’a guère davantage parlé que son adversaire). Le député Bertrand Pancher, responsable du pôle écologie de l’UDI, lui avait notamment apporté son soutien actif sur ces questions. « Le programme de Fillon ne fait grimper personne au rideau, même s’il n’est pas climatosceptique. Revenir sur le principe de précaution, c’est d’un rétrograde pas possible et croire qu’on va passer en force sur des sujets à controverse, c’est de la folie. Il faudra prendre en compte nos idées, car on a une plus grande compétence et le travail que nous avons effectué est indispensable », annonce-t-il.

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