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Luttes

Jardins de la Buisserate : à Grenoble, les militants sont libres, mais leur « colère a grandi »

Mercredi 7 avril, les sept militants inculpés pour « association de malfaiteurs » ont vu leurs poursuites judiciaires annulées. Ils luttaient pour la défense d’un des derniers espaces naturels de la métropole de Grenoble, rasé lors du second confinement.

En septembre dernier, Reporterre vous racontait l’histoire kafkaïenne qui frappait sept jeunes activistes à Grenoble. Accusés de vouloir « créer une Zad » pour défendre les jardins de la Buisserate — un écrin de verdure de 5 000 m² désormais détruit, ils avaient passé soixante heures de garde à vue et subi une série de perquisitions, avant d’être déférés devant un juge d’instruction pour « association de malfaiteurs en vue de commettre des dégradations » et « tentative d’installation en réunion sur le terrain d’autrui ». Depuis 2012, ces jardins faisaient partie d’un projet de construction de quatre immeubles. Le terrain avait été racheté par l’établissement public foncier local (EPFL) à un particulier qui laissait auparavant les habitants le cultiver.

Pendant sept mois, les militants inculpés ont été soumis à un contrôle judiciaire très lourd. Assignés à résidence entre 20 heures et 7 heures du matin, ils n’avaient pas le droit d’entrer en contact les uns avec les autres. Ils devaient pointer chaque semaine au commissariat et étaient obligés de travailler ou de trouver une formation. Ils ne pouvaient pas se rendre sur la commune de Saint-Martin-le-Vinoux (Isère), où se trouvent les jardins, ni sortir du territoire national.

Mercredi 7 avril, l’affaire s’est dégonflée. La justice a finalement annulé la mise en examen des sept jeunes, âgés de 21 à 29 ans. « C’est un grand soulagement, confie Jim [*] à Reporterre. Après la stupeur des premières semaines, on avait appris à vivre avec ces contrôles, mais c’était irréel. On était devenu nos propres policiers, on était toujours sur le qui-vive. Ces restrictions de liberté n’avaient aucune légitimité, poursuit-il. Notre dossier était complètement vide ».

L’un des militants inculpés, arrêté à proximité des jardins de la Buisserate dans la nuit du 5 septembre 2020.

« Pendant sept mois, on nous a privés de liberté »

Cet automne, les autorités n’avaient pourtant pas lésiné sur les moyens. À l’origine, le procureur de Grenoble avait même fait appel au parquet antiterroriste de Paris pour qu’il se saisisse de l’affaire, mais celui-ci avait refusé. Des prélèvements ADN ont aussi été faits et des dizaines de scellés ont été examinés. Selon nos informations, la police a même vérifié les déplacements des mis en examen avec le pointage de leur téléphone portable.

Le premier article de Reporterre a été intégré au dossier judiciaire. L’enquête s’est poursuivie. En octobre, un mois après l’arrestation des six premiers inculpés, une septième personne a rejoint l’« association de malfaiteurs ».

Une des mises en examen, Lou, dénonce « un délire policier » : « Pendant sept mois, on nous a privés de liberté alors qu’il n’y avait aucune plainte et que l’on n’avait commis aucune dégradation. Ils ont imaginé toute une histoire avec des idées préconçues sur l’ultragauche. »

Les jardins détruits en novembre 2020.

Entre-temps, les jardins de la Buisserate ont été rasés. Le 2 novembre 2020, quelques jours après l’annonce du second confinement, les pelleteuses sont entrées en action, encadrées par des cordons de gendarmes. Les arbres fruitiers ont été arrachés, les potagers retournés, le sol terrassé.

À cette occasion, d’autres militants étaient venus protester. Ils avaient écopé de plusieurs amendes et cinq d’entre eux avaient été placés en garde à vue pendant plusieurs heures, avant d’être relâchés avec un simple rappel à la loi. Depuis, le projet immobilier avance et s’apprête à bétonner l’une des dernières terres naturelles en périphérie de Grenoble.

« Ils ont voulu tuer dans l’œuf la mobilisation »

Pour l’un des avocats des sept inculpés, maître Pierre Janot, derrière cette affaire judiciaire se cache, en réalité, des objectifs très politiques. « Les autorités ont voulu tuer dans l’œuf la mobilisation. Ils ont volontairement pris un bazooka pour abattre une mouche très rapidement », analyse-t-il.

Raphaël, 96 ans, cultivant une parcelle sur les jardins de la Buisserate, le 23 septembre 2020.

Avec « cette répression surdimensionnée », les pouvoirs publics ont envoyé un message très clair à celles et ceux qui souhaitaient reprendre le flambeau. « Ils ont tout fait pour étouffer la lutte et pour éviter qu’une Zad, comme celle de Roybon, s’installe aux portes de Grenoble. »

Aujourd’hui, les sept militants de la Buisserate se disent plus « déterminés que jamais ». « Nous ne sommes pas résignés, au contraire, notre colère a grandi », témoigne Jim. Après s’être retrouvés la veille tous ensemble pour la première fois depuis sept mois, certains projettent déjà de participer à la vélorution du 17 avril prochain, dans les rues de Grenoble, contre « la réintoxication du monde ». « On a perdu les jardins de la Buisserate, mais il y a encore d’autres batailles à mener. Maintenant, on va pouvoir se remobiliser. »

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