Dans le Larzac, un rassemblement historique des luttes écologistes

Début août 2023, sur le plateau du Larzac. - © Les Résistantes
Début août 2023, sur le plateau du Larzac. - © Les Résistantes
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Carte des luttesDu 3 au 6 août, près de 5 000 personnes sont attendues sur le plateau du Larzac pour une grande rencontre autour des luttes locales. Le but : se réunir, échanger et construire un agenda d’action pour la rentrée. Reporterre est sur place.
Du 3 au 6 août, près de 150 collectifs des luttes locales de France se réunissent au Larzac. La rédaction de Reporterre est sur place pour vous faire vivre ce rassemblement historique.
De grands chapiteaux bariolés ont poussé sur les prairies sèches de la Couvertoirade, joli village perché sur le causse du Larzac (Aveyron). Des tentes, toutes aussi colorées, ont été semées dans les champs pour accueillir les dizaines de bénévoles qui préparent depuis plusieurs semaines le camp des Résistantes.
Organisé du jeudi 3 au dimanche 6 août, cet évènement s’annonce comme la plus grande rencontre des luttes locales jamais organisée dans toute la France. L’objectif : se retrouver entre militants, échanger des conseils, trouver des soutiens, renforcer les coalitions et établir un agenda commun de mobilisations pour la rentrée.

« C’est un pied de nez à la dissolution des Soulèvements de la Terre. La démonstration que, quel que soit le nom qu’on donne aux luttes et à leurs alliances, elles vont continuer. Et ce n’est pas en dissolvant une étiquette que ce mouvement va s’arrêter », dit Victor Vauquois, cofondateur de Terres de Luttes, l’association à l’origine de l’évènement.
Les Résistantes sont organisées en partenariat avec la Confédération paysanne de l’Aveyron et les Faucheuses et faucheurs volontaires d’OGM. « Nous avons accepté d’organiser ce rassemblement car avec les Faucheurs, nous réfléchissons à sortir de notre chapelle pour tisser des liens entre tous ces mouvements qui luttent contre le capitalisme et veulent construire une société plus vivable », explique Christine Thelen, faucheuse volontaire.
Le lieu choisi est symbolique : le plateau du Larzac, célèbre pour son combat et sa victoire contre l’agrandissement d’un camp militaire sur une superficie de 17 000 hectares dans les années 70-80. En 2003, près de 200 000 personnes s’étaient réunies pour dénoncer les méfaits de la mondialisation. « À l’époque, nous tirions déjà la sonnette d’alarme sur les dérives dans l’agrobusiness et la disparition des petits paysans locaux. Vingt ans plus tard, on va toujours droit dans le mur, malgré quelques victoires contre les OGM », poursuit Christine Thelen, qui habite le Larzac depuis quarante ans.

La mobilisation de 2003 marque également l’année de naissance des Faucheurs, qui, par la désobéissance civile, ont réussi à faire interdire les OGM. Mais cette victoire demeure précaire face aux coups de boutoir des industriels qui poussent pour assouplir les règles de la manipulation du vivant.
Christine Thelen s’interroge sur les futures modalités de la lutte, alors que les Faucheurs doivent faire face à de multiples procès : « Comment arrêter cette machine qui ne fait que réprimer les personnes qui tentent d’alerter ? Je pense qu’il ne faut pas se décourager car nous n’avons plus le choix : il faut se battre et je trouve d’ailleurs qu’on reste bien gentils. Les générations futures n’auront d’autres choix que de radicaliser leur lutte. »
Après une année ponctuée de violences policières envers les militantes et militants écologistes, comme à Sainte-Soline, cet évènement tombe à point pour recharger les batteries et resserrer les liens.
« Il faut remotiver les gens et leur montrer qu’ils ne sont pas seuls »
« Les gens sont fatigués après les révoltes sociales et les manifestations contre la réforme des retraites. Il y a beaucoup d’attaques contre les libertés personnelles. Cette répression ne date pas d’hier, mais sa violence ne fait qu’augmenter. Mais il ne faut pas avoir peur. Il faut remotiver les gens et leur montrer qu’ils ne sont pas seuls », dit Sara Melki, co-porte-parole de la Confédération Paysanne de l’Aveyron, qui organise les Résistantes.
Face à cette répression, plusieurs ateliers seront organisés afin de se préparer à affronter la brutalité policière, les gardes à vue et d’éventuelles poursuites. D’autres temps d’échanges sont prévus sur onze thématiques différentes.

On pourra par exemple découvrir ou redécouvrir l’histoire des luttes paysannes ou contre le nucléaire. Apprendre à organiser une action contre un projet inutile et polluant et à utiliser les outils juridiques pour mener un combat. Suivre les assemblées de certaines coalitions contre les nouvelles routes, les fermes usines, le nucléaire, les méthaniseurs, les luttes pour préserver l’eau ou les jardins.
Mais aussi se former à l’enquête militante, à la sécurité numérique, à la désobéissance civile. Se balader sur le plateau avec les naturalistes en lutte. Comprendre les pratiques d’autodéfense féministe. Et bien d’autres.

Tout cela sur un espace de 23 hectares de terres prêtées par des paysans. « Nous sommes sur un territoire de pastoralisme reconnu par l’Unesco. Le camp est entouré de fermes qui élèvent des brebis avec des patous pour les garder. Les chiens seront donc interdits sur le site », prévient Sara Melki.
Pour éviter d’être débordés, les organisateurs ont limité la jauge à 5 000 personnes. Depuis lundi 31 juillet, le compteur affiche complet. Il faudra donc être muni de son billet pour participer aux 175 assemblées, tables-rondes, formations et ateliers en tous genres. « C’est un évènement pour les militants. L’objectif n’est pas de s’ouvrir au grand public, mais de s’organiser entre personnes qui luttent », poursuit Victor Vauquois.

Et pour accueillir tout ce petit monde, les organisateurs n’ont pas chômé. 90 kilomètres de papier toilette seront disposés dans une centaine de toilettes sèches sur l’ensemble du site et du vaste camping. Plusieurs bars ont été construits, dont un qui mesure 50 mètres de long.
L’Internationale boulangère mobile fournira le pain et plusieurs cantines cuisineront pour les participants. Le soir, plusieurs concerts seront organisés. Côté médias, une douzaine de radios se sont réunies pour diffuser tables rondes et entretiens.
Enfin, la rédaction de Reporterre va être délocalisée pendant ces quatre jours sous le grand chapiteau des médias. Vous pourrez nous retrouver tous les jours et assister à notre conférence de rédaction à 10 h 30. On vous attend nombreuses et nombreux !