Luttes locales : un réseau national pour plus de victoires

Étude « Les David s’organisent contre Goliath », réalisée par Terres de luttes et d'autres collectifs. - © Alessandro Pignocchi
Étude « Les David s’organisent contre Goliath », réalisée par Terres de luttes et d'autres collectifs. - © Alessandro Pignocchi
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Rassembler les luttes locales pour gagner des victoires contre les projets inutiles : l’association Terres de luttes veut rendre visible un tissu militant éparpillé, mais dynamique. Et redonner du souffle au mouvement climat.
L’union fait la force. Cet adage résume à merveille l’ambition de la nouvelle association Terres de luttes, lancée cet été par Chloé Gerbier et Victor Vauquois, deux militants du mouvement climat. Leur objectif : créer des synergies entre les nombreux collectifs qui luttent contre les projets inutiles et imposés. Ils espèrent ainsi construire un récit commun, celui d’un mouvement social « qui s’ignore de moins en moins », selon Chloé Gerbier.
Ils aimeraient ainsi mettre en valeur les citoyennes et citoyens qui s’activent pour préserver leurs territoires de l’appétit vorace d’Amazon, Decathlon et consorts. Des collectifs qui refusent l’arbitraire [1] des élus bétonnant des zones protégées pour construire de nouvelles autoroutes. Ils dénoncent aussi la disparition des zones naturelles au profil de nouvelles carrières ou de fermes usines. Beaucoup sont réunis dans notre carte des luttes et combattent aujourd’hui loin des radars médiatiques. Mais certains ont tissé des liens, comme au sein de la dynamique des Soulèvements de la Terre, qui se bat contre l’accaparement des terres agricoles. Ou encore avec Les Amis de la Terre, qui s’opposent aux entrepôts Amazon et avec Alternatiba contre les extensions d’aéroports. Enfin, France Nature Environnement (FNE) apporte un soutien juridique capital à de nombreux collectifs.
Mais tous ces acteurs ne savent plus où donner de la tête face à l’ampleur du travail. De nombreux combats se mènent ainsi de façon éparpillée sur les infrastructures routières, les décharges ou encore les centres commerciaux. « Il faut faire en sorte que ces luttes ne soient pas isolées au niveau local, comme si elles ne concernaient que des collectifs d’habitants. Car quasiment toutes se heurtent à des politiques et à des enjeux nationaux », dit Victor Vauquois.

Un nouveau souffle au mouvement climat ?
Pour impulser cette dynamique, les deux amis proposent des outils pour apprendre à s’organiser, communiquer, lancer des recours en justice, travailler en bonne intelligence avec un réseau d’alliés, etc. Un panel de compétences indispensables pour remporter des victoires. Ils veulent aussi organiser des rencontres pour échanger expériences et bonnes pratiques, comme à Buoux (Vaucluse) à l’automne 2020, ou plus récemment à Jambville (Yvelines), en septembre dernier. Deux évènements coorganisés avec l’association de défense de l’océan et du climat Zea.
La tâche est colossale face aux centaines de collectifs qui attendent de l’aide. Comment se mettre au service de milliers de militants aux sensibilités politiques, écologiques et sociales très différentes, sans passer pour une énième ONG écolo ? « C’est quelque chose qui nous fait peur, nous voulons vraiment répondre à des besoins concrets. Nous ne voulons pas taper faux », reconnaît Chloé Gerbier. « L’idée est de soutenir les stratégies élaborées par les collectifs, qui restent seuls décisionnaires. Nous allons fournir du liant à ceux qui ont le nez dans le guidon et qui n’ont pas forcément le temps de lever la tête pour rencontrer d’autres gens », enchérit Victor Vauquois.
Ce réseau national de luttes locales pourrait-il donner un nouveau souffle au mouvement climat ? Pourrait-il séduire certains militants lassés de manifester dans la rue contre le réchauffement climatique ? « Se battre au local, c’est lutter contre les symptômes des politiques publiques qui traitent le mouvement climat de manière lointaine et plus large », dit Chloé Gerbier. « Les collectifs locaux ne parlent quasiment jamais de la question du climat, remarque Victor Vauquois. Ils vont plutôt mettre en avant des problématiques de pollution, d’emploi, d’effet sur l’air, l’eau, les sols, le bois. Les grandes catastrophes, ça ne parle pas aux gens. »
« Des projets anachroniques »
Cela fait déjà plusieurs années qu’ils mûrissent leur projet. Chloé Gerbier, militante d’Extinction Rebellion, est juriste en droit de l’environnement. Pendant plus de deux ans, elle a rédigé des recours juridiques pour les collectifs au sein de l’association Notre affaire à tous. Elle a également bûché sur divers amendements pour la loi Climat. Victor Vauquois a de son côté fait ses armes chez les Jeunes écologistes avant de frayer dans une bonne partie des collectifs sur le climat, pour finir scénariste des vidéos de Partager c’est sympa. Les deux compères ont longtemps partagé un bureau — à la base parisienne d’Alternatiba — ainsi que leur découragement face à la politique climaticide du gouvernement.
Loin de s’abandonner au sentiment d’impuissance, ils ont cherché de nouvelles façons de se mobiliser. Tout d’abord en lançant la campagne de mobilisation SuperLocal, puis aujourd’hui avec Terres de luttes, qui compte une vingtaine de membres actifs. « On se bat contre beaucoup de projets anachroniques qui sont maintenus par des élus, mais qui n’ont quasiment plus aucun sens. J’ai de l’espoir que dans cinq ou dix ans, tout cela semblera complètement absurde. On essaye en quelque sorte d’accélérer le sens de l’histoire », conclut Victor Vauquois.