Média indépendant, en accès libre pour tous, sans publicité, financé par les dons de ses lecteurs

Animaux

Les poules, le moyen high tech pour réduire la quantité de déchets

La communauté de communes du pays thouarsais, dans les Deux-Sèvres, a décidé d’offrir des poules à ses habitants, afin de réduire la production d’ordures ménagères. Le résultat ne s’est pas fait attendre : les gallinacées ont réduit le volume des poubelles d’un tiers.


-  Thouars (Deux-Sèvres), reportage

Depuis maintenant plus de trois mois, la famille Bodin accueille chez elle deux poules que les enfants ont baptisées Poulette et Blanchette. Ces dames pondent comme il faut et, surtout, dévorent une quantité incroyable de déchets de repas. « On n’imaginait pas du tout la quantité qu’elles étaient capables de manger », dit Aurélie Bodin, la maman. Le résultat est surprenant : les poules allègent les poubelles de 36 % sur une année, plus d’un tiers de leur poids.

Dix familles de la communauté de communes du pays thouarsais, dans les Deux-Sèvres, ont servi de témoins pour tester la réduction des déchets ménagers grâce aux poules. Chaque famille en a accueilli deux, issues d’un élevage local et nourries au grain bio. Le poulailler aussi a été financé.

Ce projet s’inscrit dans le programme local de réduction des déchets, mis en place par la communauté de communes pour cinq ans en 2009 et soutenu par l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie). « C’est la dernière action de ce programme, nous voulions qu’elle soit originale », dit Sophie Duriez-Saulière, chargée de mission pour la réduction des déchets à la communauté de communes. Le coût pour l’établissement : 2 000 euros.

Cette dernière action a suscité l’engouement des Thouarsais. « Nous n’avions que dix places disponibles mais nous avons reçu quarante candidatures ! » Les familles ont alors été sélectionnées sur des critères précis : avoir un jardin suffisamment grand, être disponible pour s’occuper des animaux, avoir au minimum un enfant de cinq à quinze ans, afin que l’expérience se transmette aux autres familles via la cour de récréation…

Les dix familles se sont prises au jeu. « J’ai été surpris par leur implication », dit Alain Blot, vice-président de la communauté de communes responsable des déchets ménagers, élu alors que le projet était déjà entamé. « Lors de la réunion finale, aucune des familles ne manquait à l’appel. »

Les poules ont déjà séduit un grand nombre de municipalités : Pincé (Sarthe) en 2012, Montereau-Fault-Yonne (Seine-et-Marne) en 2013, Saint-Valéry-sur-Somme (Somme) cette année. Un effet de mode ? « De la part des élus, il y a certes la volonté de communiquer, mais aussi d’apporter une solution – modeste – au traitement des déchets », explique Michel Audureau, auteur de J’élèverais bien des poules ! aux éditions Terre Vivante et journaliste pour la rubrique « animaux » des 4 saisons du jardin bio. « Côté population, il y a la mode évidemment mais aussi la méfiance très prégnante pour les produits du commerce, surtout pour les œufs mais aussi pour les volailles de chair. »

« Pas de frites ni de plats préparés »

Promouvoir les poules comme poubelles ménagères, n’est-ce pas oublier que ce sont des animaux ? C’est la crainte d’Isabelle Brunet, auteur et rédactrice de blogs. Elle a contribué à la mise en place de poules composteuses à Béthune, dans le Pas-de-Calais. « On ne peut pas leur donner n’importe quoi à manger », explique-t-elle. Un régime alimentaire à base de plats préparés et de frites conviendra mal aux gallinacées.

« Lors d’une réunion à Béthune, j’ai annoncé qu’en plus des restes alimentaires, il fallait nourrir les poules avec du grain, raconte-t-elle. J’ai tout de suite senti des réticences de la part des gens à l’idée de devoir acheter de la nourriture. »

Les familles, souvent motivées par la production d’œufs, n’ont pas toujours conscience des réalités de l’élevage. Généralement, après l’âge de quatre ans, les poules arrêtent de pondre. « Que vont en faire les gens ? Je crains qu’ils ne les abandonnent. » A Thouars, Sophie Duriez-Saulière est confiante. « Nous sommes dans une région majoritairement rurale où de nombreuses familles sont habituées à avoir des animaux. » Comme à Béthune, elles doivent signer un contrat qui les engage à garantir le bien-être des poules. Les aliments à éviter sont indiqués : pommes de terre crues, os, épluchures de kiwi et de banane, etc.

« Même sans les y inciter, les gens achètent des poules »

Au bout des trois mois, les familles ont été autorisées à garder les deux poules. « On va peut-être en prendre une troisième, on est tout de même cinq dans la famille », dit Aurélie Bodin. D’autant plus que leurs proches se sont mis à apporter aux poulettes les déchets biodégradables.

La communauté de communes, satisfaite des résultats, souhaite mettre en place l’année prochaine un nouveau programme pour promouvoir les poules : une offerte pour une achetée. « Cela dit, même sans les inciter les gens se sont mis à avoir des poules chez eux, dit Sophie Duriez-Saulière. L’expérience s’est transmise par le bouche à oreille ! »

La poule n’est pas la solution ultime face à la montagne de déchets produite chaque jour. « La poule n’est pas une usine de recyclage et ne peut jouer qu’un rôle mineur sur le sujet », résume Michel Audureau. « Le meilleur déchet, c’est celui qui n’existe pas ! » Mais les projets mis en place par les communautés de communes sont sérieux et se basent sur une réelle analyse de la situation.

Dans un programme global, ils peuvent faire partie de la solution pour réduire les déchets. Et puis : « Un petit poulailler chez soi, c’est la garantie d’échanges avec le voisinage pour le gardiennage, le temps des vacances ou des absences. L’échange de quelques œufs est toujours un grand moment. C’est bien agréable dans un monde individualiste. »


LE SUCCÈS DES PROGRAMMES LOCAUX DE PRÉVENTION POURDUIRE LESCHETS

Depuis 2009, l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) accompagne les programmes locaux de prévention, pour réduire la production de déchets. Ces programmes sont menés par les collectivités volontaires. Les actions vont de la sensibilisation au gaspillage dans les collèges à la promotion du compostage, en passant par la tarification incitative – paiement par l’usager de l’enlèvement de ses poubelles en fonction de leur quantité.

Grâce à cela, un tiers des collectivités suivies par l’Ademe ont réduit de 7 % minimum la production d’ordures ménagères par habitant. Dans certains cas, ce taux s’élève à 24 %. Fin 2013, 375 collectivités - soit 65 % de la population – participaient à un programme local de prévention.

Alors que nous faisons face à des défis environnementaux toujours plus pressants, nous espérons que vous partagez notre engagement pour une information claire et indépendante sur l’écologie.

Nous sommes convaincus que l’accès à une information pour tous est primordial en ces temps d’urgence environnementale et sociale. C’est pourquoi notre travail, en accès libre, repose uniquement sur la générosité de personnes concernées et engagées comme vous.

Votre précieuse aide permet à plus de 2 millions de personnes chaque mois de s’informer sur l’urgence environnementale, quelle que soit leur situation financière.
L’indépendance de Reporterre est sa force. Géré par une association à but non lucratif, le média n’est ni soutenu par des propriétaires milliardaires, ni par des actionnaires, et n’affiche aucune publicité.
Reporterre n’est et ne sera jamais à vendre. Notre but n’est pas de faire des profits ou de servir des intérêts particuliers, mais de mettre en lumière les enjeux écologiques.

Quel que soit le montant que vous donnez, votre soutien est essentiel pour nous permettre de continuer notre mission d’information pour les années à venir. Si vous le pouvez, choisissez un soutien mensuel, à partir de seulement 1€. Cela prend moins de deux minutes, et vous aurez chaque mois un impact fort en faveur d’un journalisme indépendant dédié à l’écologie. Merci.

Soutenir Reporterre

Abonnez-vous à la lettre d’info de Reporterre
Fermer Précedent Suivant

legende