Pêche : plainte contre le secrétaire d’État chargé de la mer

Bloom a annoncé avoir déposé plainte contre Hervé Berville devant la Cour de justice de la République. Ici, une remontée du chalut de fond à bord du Précurseur, en 2011. - © Ifremer/CC BY 4.0/Dugornay Olivier
Bloom a annoncé avoir déposé plainte contre Hervé Berville devant la Cour de justice de la République. Ici, une remontée du chalut de fond à bord du Précurseur, en 2011. - © Ifremer/CC BY 4.0/Dugornay Olivier
Le secrétaire d’État chargé de la mer, Hervé Berville, pourrait-il être condamné pour ses propos sur les aires marines protégées ? Mardi 11 avril, Bloom a annoncé avoir déposé plainte contre lui devant la Cour de justice de la République, la juridiction en charge des crimes et délits commis par des membres du gouvernement dans l’exercice de leur fonction. L’association de défense des océans l’accuse d’avoir tenu, entre le 8 mars et le 4 avril, un discours « mensonger » sur les aires marines protégées. Ses propos « pyromanes » auraient, toujours selon Bloom, alimenté la colère des pêcheurs, cette dernière s’étant soldée, dans la nuit du 30 mars, par l’incendie des locaux de l’Office français de la biodiversité (OFB) de Brest.
L’association pointe du doigt plusieurs prises de parole du secrétaire d’État chargé de la mer. Le 8 mars, au Sénat, il a soutenu que la France était « totalement » opposée à l’interdiction du chalutage de fond — une technique de pêche énergivore et destructrice — dans les aires marines protégées. Propos réitérés les 15, 20 et 30 mars, cette fois en accusant le récent « Plan d’action pour l’océan » de la Commission européenne (qui invite les États à prendre une telle mesure) de « condamner » la pêche artisanale française.
Ces allégations sont fausses, assure Bloom. Le plan de la Commission européenne n’est en effet pas contraignant. Et même s’il l’était, l’interdiction du chalutage de fond n’aurait concerné que les zones Natura 2000 protégées au titre de la directive « habitat », soit « une toute petite partie » des aires marines protégées françaises, assure la fondatrice de l’association, Claire Nouvian. La littérature scientifique montre, par ailleurs, que les aires marines protégées sont bénéfiques aux pêcheurs artisanaux, en faisant augmenter de manière spectaculaire la biomasse en leur sein et aux alentours.
Une « fake news eurosceptique »
« Hervé Berville a fait souffler un vent de panique en mentant délibérément, en faisant comme si tout le secteur allait à la trappe », dénonce Claire Nouvian. Le secrétaire d’État chargé de la mer aurait selon elle agi comme un « marchand de peur », instrumentalisant les craintes des pêcheurs dans la seule optique de soutenir le lobby industriel du chalut. Ce discours, poursuit-elle, a eu des conséquences matérielles et humaines graves, l’OFB ayant été pris pour cible par des pêcheurs en colère.
Les propos d’Hervé Berville seraient condamnables à deux titres, selon Swann Bommier, chargé de campagne au sein de l’association et spécialiste des aires marines protégées : l’article 23 de la loi sur la liberté de la presse, qui condamne tout discours pouvant amener un tiers à commettre des délits ou des crimes ; et l’article premier de la loi sur la transparence de la vie publique, selon lequel les membres du gouvernement doivent exercer leurs fonctions avec « dignité, probité et intégrité ». En diffusant une « fake news eurosceptique », en alimentant la colère des pêcheurs « pour rien », Hervé Berville serait allé « trop loin », selon Claire Nouvian. « On ne peut pas laisser passer ça », dénonce-t-elle, d’autant plus dans le contexte actuel de « dérive autoritaire du pouvoir contre les ONG et les défenseurs de l’environnement ».
L’association ignore, pour le moment, si la Cour de justice de la République acceptera de se saisir de cette affaire. Le secrétariat d’État chargé de la mer n’a pas répondu à nos sollicitations au sujet de la procédure en cours.