Média indépendant, en accès libre pour tous, sans publicité, financé par les dons de ses lecteurs

En brefPêche

Pêche : plainte contre le secrétaire d’État chargé de la mer

Bloom a annoncé avoir déposé plainte contre Hervé Berville devant la Cour de justice de la République. Ici, une remontée du chalut de fond à bord du Précurseur, en 2011.

Le secrétaire d’État chargé de la mer, Hervé Berville, pourrait-il être condamné pour ses propos sur les aires marines protégées ? Mardi 11 avril, Bloom a annoncé avoir déposé plainte contre lui devant la Cour de justice de la République, la juridiction en charge des crimes et délits commis par des membres du gouvernement dans l’exercice de leur fonction. L’association de défense des océans l’accuse d’avoir tenu, entre le 8 mars et le 4 avril, un discours « mensonger » sur les aires marines protégées. Ses propos « pyromanes » auraient, toujours selon Bloom, alimenté la colère des pêcheurs, cette dernière s’étant soldée, dans la nuit du 30 mars, par l’incendie des locaux de l’Office français de la biodiversité (OFB) de Brest.

L’association pointe du doigt plusieurs prises de parole du secrétaire d’État chargé de la mer. Le 8 mars, au Sénat, il a soutenu que la France était « totalement » opposée à l’interdiction du chalutage de fond — une technique de pêche énergivore et destructrice — dans les aires marines protégées. Propos réitérés les 15, 20 et 30 mars, cette fois en accusant le récent « Plan d’action pour l’océan » de la Commission européenne (qui invite les États à prendre une telle mesure) de « condamner » la pêche artisanale française.

Ces allégations sont fausses, assure Bloom. Le plan de la Commission européenne n’est en effet pas contraignant. Et même s’il l’était, l’interdiction du chalutage de fond n’aurait concerné que les zones Natura 2000 protégées au titre de la directive « habitat », soit « une toute petite partie » des aires marines protégées françaises, assure la fondatrice de l’association, Claire Nouvian. La littérature scientifique montre, par ailleurs, que les aires marines protégées sont bénéfiques aux pêcheurs artisanaux, en faisant augmenter de manière spectaculaire la biomasse en leur sein et aux alentours.

Une « fake news eurosceptique »

« Hervé Berville a fait souffler un vent de panique en mentant délibérément, en faisant comme si tout le secteur allait à la trappe », dénonce Claire Nouvian. Le secrétaire d’État chargé de la mer aurait selon elle agi comme un « marchand de peur », instrumentalisant les craintes des pêcheurs dans la seule optique de soutenir le lobby industriel du chalut. Ce discours, poursuit-elle, a eu des conséquences matérielles et humaines graves, l’OFB ayant été pris pour cible par des pêcheurs en colère.

Les propos d’Hervé Berville seraient condamnables à deux titres, selon Swann Bommier, chargé de campagne au sein de l’association et spécialiste des aires marines protégées : l’article 23 de la loi sur la liberté de la presse, qui condamne tout discours pouvant amener un tiers à commettre des délits ou des crimes ; et l’article premier de la loi sur la transparence de la vie publique, selon lequel les membres du gouvernement doivent exercer leurs fonctions avec « dignité, probité et intégrité ». En diffusant une «  fake news eurosceptique », en alimentant la colère des pêcheurs « pour rien », Hervé Berville serait allé « trop loin », selon Claire Nouvian. « On ne peut pas laisser passer ça », dénonce-t-elle, d’autant plus dans le contexte actuel de « dérive autoritaire du pouvoir contre les ONG et les défenseurs de l’environnement ».

L’association ignore, pour le moment, si la Cour de justice de la République acceptera de se saisir de cette affaire. Le secrétariat d’État chargé de la mer n’a pas répondu à nos sollicitations au sujet de la procédure en cours.

Alors que les alertes sur le front de l’environnement continuent en ce mois de septembre, nous avons un petit service à vous demander. Nous espérons que les derniers mois de 2023 comporteront de nombreuses avancées pour l’écologie. Quoi qu’il arrive, les journalistes de Reporterre seront là pour vous apporter des informations claires et indépendantes.

Les temps sont difficiles, et nous savons que tout le monde n’a pas la possibilité de payer pour de l’information. Mais nous sommes financés exclusivement par les dons de nos lectrices et lecteurs : nous dépendons de la générosité de celles et ceux qui peuvent se le permettre. Ce soutien vital signifie que des millions de personnes peuvent continuer à s’informer sur le péril environnemental, quelle que soit leur capacité à payer pour cela. Allez-vous nous soutenir cette année ?

Contrairement à beaucoup d’autres, Reporterre n’a pas de propriétaire milliardaire ni d’actionnaires : le média est à but non lucratif. De plus, nous ne diffusons aucune publicité. Ainsi, aucun intérêt financier ne peut influencer notre travail. Être libres de toute ingérence commerciale ou politique nous permet d’enquêter de façon indépendante. Personne ne modifie ce que nous publions, ou ne détourne notre attention de ce qui est le plus important.

Avec votre soutien, nous continuerons à rendre les articles de Reporterre ouverts et gratuits, pour que tout le monde puisse les lire. Ainsi, davantage de personnes peuvent prendre conscience de l’urgence environnementale qui pèse sur la population, et agir. Ensemble, nous pouvons exiger mieux des puissants, et lutter pour la démocratie.

Quel que soit le montant que vous donnez, votre soutien est essentiel pour nous permettre de continuer notre mission d’information pour les années à venir. Si vous le pouvez, choisissez un soutien mensuel, à partir de seulement 1€. Cela prend moins de deux minutes, et vous aurez chaque mois un impact fort en faveur d’un journalisme indépendant dédié à l’écologie. Merci.

Soutenir Reporterre

📨 S’abonner gratuitement aux lettres d’info

Abonnez-vous en moins d'une minute pour recevoir gratuitement par e-mail, au choix tous les jours ou toutes les semaines, une sélection des articles publiés par Reporterre.

S’abonner
Fermer Précedent Suivant

legende