Une coalition contre la folle expansion des entrepôts logistiques

La coalition qui a permis l'annulation de plusieurs entrepôts Amazon en France souhaite désormais rassembler tous les collectifs contre les projets de plateformes logistiques en France. - © Pascal Guyot / AFP
La coalition qui a permis l'annulation de plusieurs entrepôts Amazon en France souhaite désormais rassembler tous les collectifs contre les projets de plateformes logistiques en France. - © Pascal Guyot / AFP
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Étalement urbain Emploi et travail Grands projets inutiles AmazonForte de plusieurs victoires, la coalition contre les entrepôts Amazon s’élargit à tous les entrepôts logistiques. Des collectifs partout en France vont lutter ensemble pour empêcher l’artificialisation de milliers d’hectares.
Des victoires qui pourront en inspirer d’autres : la coalition qui a permis l’annulation de plusieurs entrepôts Amazon en France souhaite désormais rassembler les divers collectifs contre les projets de plateformes logistiques en France. L’annonce a été faite durant les rencontres des Résistantes au Larzac. « Cette coalition fonctionnait bien, car nous avons gagné contre pas mal d’entrepôts de la vente en ligne. Nous souhaitons aujourd’hui l’élargir », explique Étienne Coubart, ancien responsable de la coalition contre les entrepôts Amazon aux Amis de la terre. Organiser des manifestations, lancer des recours juridiques ou des pétitions, interpeller des élus... rassembler des groupes qui luttent contre des projets similaires permet d’augmenter la force de frappe et de faire profiter à davantage de militants de ses compétences.
L’appétit des entreprises de la logistique en France semble en effet sans limite, avec des milliers de mètres carrés qui pourraient sortir de terre les prochaines années. On comptait, en 2016, 4 054 sites en France recouvrant 76 millions de mètres carrés selon le ministère de la Transition. La surface moyenne de chaque bâtiment atteint 18 600 m2. Soit deux fois et demi la taille d’un terrain de foot. Les plus grands dépassent même les 100 000 m2. Le chiffre d’affaires du e-commerce (produits et services) a quant à lui atteint 146,9 milliards d’euros en 2022, en hausse de 13,8 % sur un an selon la Fédération du e-commerce et de la vente à distance.

Des chiffres qui donnent le vertige et qui prouvent notre appétit pour les produits manufacturés venant des quatre coins du monde. « Les capacités de production industrielle d’un pays comme le nôtre ont diminué. On l’a vu durant la crise du Covid avec, par exemple, le manque de médicaments. On se rend compte qu’on ne produit pas ce qu’on consomme », dit à Reporterre Mathieu Quet, sociologue, chercheur en sciences de l’information et de la communication à l’IRD et auteur du livre Flux — Comment la pensée logistique gouverne le monde (éd. Zones, 2022).
Un axe de développement voulu par le gouvernement
Pour répondre à cette soif apparemment insatiable, il faudrait créer des entrepôts, toujours plus d’entrepôts. « C’est un axe de développement voulu par l’État. Cela permettrait selon le gouvernement de créer des emplois et aux collectivités de récupérer des recettes fiscales. Recettes qu’elles ont notamment perdu avec la disparition de la taxe d’habitation », explique Étienne Coubart.
Le gouvernement met ainsi tous les moyens à disposition des industriels. D’abord, via la loi d’accélération et de simplification de l’action publique dite loi Asap, adoptée en 2020. Comme son nom l’indique, elle permet d’accélérer les implantations et extensions industrielles. Ensuite, grâce au Fonds friches, soit 750 millions d’euros pour recycler du foncier déjà artificialisé. « Toutes les tentatives d’encadrement ou de moratoire sur le sujet ont été tuées dans l’œuf », se désole Étienne Coubart. Même la loi zéro artificialisation nette n’a pas réussi à freiner cet emballement.
Pour les politiques de presque tous les bords, construire des entrepôts signifie créer de l’emploi, notamment dans les zones périurbaines au fort taux de chômage. Mais les nouveaux postes, souvent intérimaires, restent très précaires. Dans le cas d’Amazon, le solde s’avère même négatif. Le développement de l’entreprise américaine aurait engendré la destruction de 8 400 emplois dans le secteur du commerce de détail en France en 2019 selon un rapport des Amis de la terre.

Pourtant, les arguments des associations de préservation de l’environnement peuvent être difficiles à entendre pour celles et ceux qui cherchent un travail. « Le danger de cette approche est de se couper du milieu ouvrier. Il faut faire attention quand on pointe les dominations dont les gens sont victimes sans penser ensuite aux moyens de leur émancipation », dit Mathieu Quet.
Routes et entrepôts font la paire
Les collectifs qui s’opposent aux entrepôts en ont conscience. Durant les tables rondes des Résistantes, certains ont proposé de nouer des liens avec les organisations syndicales de ces plateformes logistiques. Ils souhaitent également travailler avec la coalition Déroute des Routes car route et entrepôts font la paire, comme l’explique Énora Chopard, porte-parole de la coalition : « Une nouvelle route permet de livrer des espaces non artificialisés pour construire de nouvelles plateformes et des nouvelles zones d’activités. »
Dans les prochains mois, les membres de la Déroute des routes vont travailler avec la coalition contre les entrepôts pour mieux connaître les futurs pôles de développement de ces infrastructures, les zones menacées d’artificialisation et les entreprises qui en bénéficient. Un jeu de piste qui pourrait être interminable. « La densification du réseau sera sans fin car on peut toujours trouver de nouveaux maillons à interconnecter », observe Mathieu Quet.
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In fine, il s’agit de mettre les métropoles en concurrence : celle qui aura la plus grande plateforme pouvant capter toujours plus de flux de marchandises et attirer le plus grand nombre d’entreprises. « L’accélération et la rationalisation technique est un moteur d’expansion du capitalisme. Il serait intéressant de s’interroger pour savoir comment il est possible de ralentir cette consommation tout en permettant aux gens de trouver du travail », conclut Mathieu Quet.