À cause de la sécheresse, la forêt absorbe moins de CO2

À cause des sécheresses ou encore des bactéries, la mortalité des arbres (ici une forêt dans les Landes) a largement augmenté. - Flickr/CC BY-NC-ND 2.0/David
À cause des sécheresses ou encore des bactéries, la mortalité des arbres (ici une forêt dans les Landes) a largement augmenté. - Flickr/CC BY-NC-ND 2.0/David
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Forêts Climat SciencesEn France, la mortalité des arbres est en hausse de 50 % sous l’effet des sécheresses successives et de la prolifération des ravageurs. Ce qui réduit leur capacité d’absorption du CO2.
« Les forêts françaises absorbent deux fois moins de carbone qu’il y a dix ans ! » a alerté début avril sur Twitter Philippe Ciais, chercheur du CEA au Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement (LSCE). Le scientifique extrapole la tendance actuelle à un futur proche, très proche : « En 2026, on serait dans le mur, c’est-à-dire que la forêt française pourrait perdre du CO2, ajoutant à nos émissions de CO2 fossile. »
Si ce scénario n’est pas certain, le flux de carbone de la forêt ne suivant pas forcément une évolution linéaire, tout laisse penser que les forêts françaises stockeront de moins en moins de carbone.
« Ce puits a connu une stagnation puis une forte baisse »
Les chiffres utilisés par Philippe Ciais sont ceux du Centre interprofessionnel technique d’études de la pollution atmosphérique (Citepa), l’organisme mandaté pour réaliser l’inventaire français des émissions de gaz à effet de serre. Dans son bilan de 2022, le Citepa écrit à propos du stockage du carbone par les forêts françaises : « Depuis 2008 et surtout depuis 2013, ce puits a connu une stagnation puis une forte baisse. » Outre la tempête Klaus de 2009 — au cours de laquelle près d’un tiers des forêts du sud-ouest ont été touchées —, la baisse constante depuis 2013 s’explique entre autres par une exploitation plus importante des forêts, en particulier pour le bois de chauffage. En brûlant, le bois récolté libère en effet le carbone stocké par l’arbre et contribue ainsi aux émissions.

Mais la principale cause de cette perte de carbone est la mortalité des arbres. Pour ses calculs, le Citepa utilise les inventaires forestiers nationaux publiés par l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN). Et selon son dernier inventaire publié en octobre 2022, la mortalité des arbres a augmenté de plus de 50 % entre les périodes 2005-2013 et 2012-2020. « Les facteurs sont nombreux (sécheresse, canicule, insectes, champignons, bactéries, etc.) et leur part de responsabilités respectives ne sont pas connues », pointe le rapport.
Un autre document de l’IGN sur la santé des forêts de novembre 2021 signalait déjà la forte mortalité des jeunes arbres (moins de 5 ans), à cause de la succession d’années sèches. Certains insectes pullulent aussi quand les arbres sont affaiblis, comme les scolytes de l’épicéa. Plusieurs essences sont particulièrement touchées : le châtaignier, le frêne, l’épicéa et le pin sylvestre.
« La sécheresse a un impact direct »
Moins connue, « la sécheresse a également un impact direct sur la fixation du carbone par les arbres », complète Jean-Marc Limousin, chercheur CNRS au Centre d’écologie fonctionnelle et évolutive (Cefe). « Deux mécanismes sont en cause », explique l’écologue à Reporterre. C’est la pression de l’eau dans la plante qui lui permet de croître, car elle n’a pas de muscle. Sans assez d’eau, pas de croissance, donc. Par ailleurs, la photosynthèse — qui permet à la plante de fixer du carbone —, nécessite la transpiration des feuilles, donc là encore de l’eau. « Les données analysées par Philippe Ciais tiennent compte de la mortalité, mais aussi de cette perte de croissance brute des forêts », précise Jean-Marc Limousin.
Aujourd’hui, la production biologique « nette » (c’est-à-dire la croissance des arbres moins la mortalité) reste supérieure aux prélèvements. Mais son ralentissement inquiète. Dans une étude publiée dans Science en septembre dernier, des scientifiques estimaient déjà que les calculs sur le stockage du carbone par les forêts étaient « excessivement optimistes ».
Sans compter que les chiffres du Citepa se focalisent sur la forêt en métropole. À elle seule, la Guyane représente le tiers de la surface forestière française. Et la capacité de la forêt amazonienne à rester un puits de carbone est déjà mise à mal, selon les scientifiques.